Quand je prie, je ne prie jamais pour moi-même, toujours pour les autres, ou alors je tiens un dialogue absurde ou enfantin ou extrêmement sérieux avec ce qu'il y a de profond en moi, que j'appelle pour plus de simplicité, Dieu. Je trouve ça très enfantin de prier pour soi-même, je ne sais pas. Je dois quand-même lui1 demander demain, si lui il prie pour lui; si oui, je prie en fait également pour moi-même. 

maison amsterdam EHPrier pour un autre, pour qu'il aille bien, ça aussi je trouve ça très enfantin, on ne peut en fait que prier pour que l'autre ait la force de porter des choses difficiles. Et quand quelqu'un prie pour un autre, il lui envoie un peu de sa propre force.

Et ceci est la plus grande souffrance pour la plupart des gens: le fait de ne pas être prêt dans son être intérieur, ce qui fait que malheureusement ils meurent avant qu'ils aient vu les camps d'internements. Notre catastrophe est réelle après  ce comportement. En effet, l'enfer de Dante et une légère operette à côté de cela. « Dies is die Hölle » disait-il dernièrement, simplement et formellement. Par moment c'est comme si ça siffle, souffle et gronde dans ma tête. Et les cieux sont bas et menaçants. Et pourtant, parfois remonte en moi un sens de l'humour léger et dansant, qui ne me quitte jamais et qui n'est cependant pas de l'humour noir, en tout cas, je ne pense pas.

1Julius Spier

Etty Hillesum, le 15 juillet 1942; extrait de Het verstoorde leven (en français Une vie bouleversée); traduction en français: AA.
Image : maison à Amsterdam où Etty Hillesum a écrit son journal intime.