ll faut être aveugle et sourd pour ne pas s'inquiéter en ces temps, pour les autres, soi-même et les évolution présentes et à venir sur tous les plans de l'existence individuelle, sociétale et mondiale. Hors du contexte immédiat, cette parole de Jésus est du non-sens.

huismus2020Pourtant, ce verset, qui m'accompagne depuis fort longtemps dans mon existence, me parle particulièrement actuellement.
Il y a là l'appel à ne pas s'inquiéter du lendemain, mais de limiter ses soucis : une mise en garde contre le poids des soucis qui peuvent nous écraser si on rajoute à celui du présent aussi celui du lendemain.
En effet, actuellement chaque jour nous présente une situation différente, et garder confiance chaque jour, trouver chaque jour un équilibre paraît déjà un défi énorme.

Puis, ce verset est précédé par un autre : « Cherchez d'abord le Royaume de Dieu, cherchez à faire sa volonté et Dieu vous accordera aussi tout le reste. » (Matthieu 6,33)
Chaque jour, chercher le Royaume de Dieu : il est proche de nous, parmi nous, en nous, selon Jésus (Marc 1,15 ; Luc 17,21): accueillir ce règne signifie chaque jour accueillir la présence de Dieu, prendre soin de l'autre, des autres, en cherchant les solidarités à vivre.
Par les appels que nous pouvons passer les uns aux autres, par l'élan de solidarité des couturières de masques, par les efforts de maintenir un minimum de solidarité par exemple dans la distribution alimentaire. Même confinés le Royaume de Dieu s'approche de chacun.e de nous et à travers nous.

Puis, ces versets sont précédés encore par l'appel à contempler : (Matthieu 6,25) « Regardez les oiseaux du ciel, observez les fleurs de champs. »
Lever notre regard vers le ciel est à la portée de tous, à travers nos fenêtres, observez le printemps qui habille les arbres de feuilles naissantes aussi. Contempler et lever notre regard, c'est s'arrêter non pas parce que nous sommes forcés de nous arrêter dans bien des choses, c'est faire de la place à la contemplation à côté et malgré nos inquiétudes.
Faire place à la confiance, l'espérance qui réside dans le « malgré », pour le dire avec les paroles d'Abigaïl BESSAC : « L'espérance est un terme fourre-tout, qui peut recouvrir mille réalités. »

Pour moi, la meilleure manière d'expliquer ce qu'est l'espérance c'est de dire, ce qui en est synonyme : « malgré ».
Le monde peut nous paraître absurde. Il est peuplé de milliards de personnes, mais il peut nous sembler désespérément vide, et violent.
L'espérance c'est malgré cela, vouloir vivre et vouloir que la vie croisse, vers le bon.
C'est aussi avoir, chevillé au corps, au plus profond de son être, le désir d'entrer en relation avec d'autres humains et de recevoir d'eux de l'amour, du soin, le désir de leur donner cet amour et ce soin.
« C'est ainsi que l'on grandit en humanité » (Évangile et Liberté, 12/ 2019)


Je termine par une prière celtique :

« Au commencement, ô Dieu,
lorsque la terre ferme émergea des eaux vitales
tu vis que cela était bon.
Le sol fertile était humide, la semence solide
et la terre connaissait profusion de couleurs et d'odeurs
Éveille en ce jour mes sens à cette bonté qui provient encore d'Éden !
Éveille mes facultés à la bonté susceptible de germer encore en moi et en tout ce qui porte la vie.
Comblé, libère-moi pour donner !
Assuré de ta grâce, accorde-moi d'offrir ! »
Amen.

Prières Celtiques, J.Philip Newell (Prières Celtiques, Labor et Fides 2010)

Texte: Iris Reuter, pasteure à Nîmes

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