Culte du 21 novembre 2020 de l'Église Protestante Unie de Montpellier & Agglomération enregistré au Centre Œcuménique à Jacou. 

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La parole du Seigneur me parvint :  Humain, ce sont tes frères, tes frères, les gens de ta parenté, et la maison d’Israël tout entière, à qui les habitants de Jérusalem disent : ‘Restez loin du Seigneur ; ce pays nous a été donné en possession.’ À cause de cela, dis : Ainsi parle le Seigneur Dieu : Même si je les ai éloignés parmi les nations, si je les ai dispersés dans tous les pays, j’ai été pour eux, un peu, un sanctuaire dans les pays où ils sont venus. À cause de cela, dis : Ainsi parle le Seigneur Dieu : Je vous rassemblerai d’entre les peuples, je vous recueillerai des pays où vous êtes dispersés et je vous donnerai la terre d’Israël. C’est là qu’ils viendront ; ils en supprimeront toutes les horreurs et toutes les abominations. Je leur donnerai un même cœur, je mettrai en vous un souffle nouveau ; j’ôterai de leur chair le cœur de pierre et je leur donnerai un cœur de chair, afin qu’ils suivent mes prescriptions, qu’ils observent mes règles et les mettent en pratique ; alors ils seront mon peuple, et moi, je serai leur Dieu. Mais pour ceux dont le cœur se plaît à leurs horreurs et à leurs abominations, je ferai retomber leur voie sur leur tête – déclaration du Seigneur Dieu.

Ezéchiel 11 (traduction Nouvelle Bible Segond)  

Vous pouvez voir le culte ici (la prédication suivent en dessous de la vidéo):

1. Souvent, pour affronter les coups de boutoirs de l’existence, nous nous disons qu’il  faut développer un cuir épais. Prenant le contre-pied de cet état d’esprit, le livre du prophète Ezéchiel nous relaye une autre attitude  

Ainsi parle le Seigneur : « j’ôterai de leur chair le cœur de pierre et je leur donnerai un cœur de chair » (Ez 11, 19) 

Cette parole contient une promesse : celle que pour affronter les coups de boutoirs, il nous sera donné non un cuir épais, mais un coeur de chair. 

Qu’est-ce qu’un coeur de chair ? Pour comprendre cette promesse, commençons pas resituer les choses dans leur contexte.  

2. L’événement déclencheur qui suscite le rappel d'une telle promesse est une attitude arrogante. 

Nous sommes à l’époque de l’exil. Le prophète Ezéchiel fait partie du cortège de tous celles et ceux qui ont été déportés, qui ont dû quitter de force leur maison, leur propriété pour être déplacés dans un autre pays. Suite à ce départ, des habitants de Jérusalem, c’est à dire des gens du peuple d’Israël, qui eux ont pu rester, récupèrent les biens abandonnés et en prennent pleinement possession. 

Or quand l’annonce d’un retour d’exil se fait jour, voilà que, au lieu d’ouvrir les bras pour accueillir ces frères et soeurs déportés, ces  mêmes habitants de Jérusalem descendent la herse, ferment la porte, lèvent le pont levis, bref se retranchent dans les propriétés récupérées en disant aux exilés : ‘Restez loin du Seigneur ; ce pays nous a été donné en possession.’ 

Vous imaginez le choc qu’ont pu ressentir les exilés ? 

Non seulement, ils ont dû endurer un déracinement. Mais voilà que le jour où un retour se profile, le jour où l’espérance qui leur avait permis de tenir durant leur épreuve enfin se concrétise, c’est la douche froide. Ils sont rejetés par ceux-là même que tout le monde considère  comme leurs frères. 

Il y a de quoi être sidérés,  non ? Il y a de quoi être perplexe et se dire «  mais comment peut-on en arriver à dire cela ? »  Oui, il y a de quoi se sentir trahi, il y a de quoi devenir révoltés et amers. 

Je pense que nous pouvons tout à fait comprendre ce qu’on dû ressentir ces déportés, car nous aussi ces derniers temps, nous avons été aux prises avec des événements qui nous ont sidérés. 

Quand des personnes qui ont été accueillies en France et qui y ont grandi, qui ont bénéficié de toute une éducation et des infrastructures leur permettant de se former pour avoir un métier, quand de telles personnes se retrouvent à commettre des attentats, ne sommes-nous pas nous aussi sidérés ? Ne sommes-nous pas, nous aussi perplexes, à nous demander : « mais comment peut-on en arriver à faire cela ? » Ne nous sentons-nous pas nous aussi trahis, révoltés et amers ? 

Face à de telles attitudes sombres et hostiles, comment ne pas vouloir se retrancher derrière ses murailles, rendre coup pour coup et devenir dur ?    

lob210120 23. Pour éviter cela, le prophète Ézechiel ose une parole. Prenons le temps de méditer cette parole, car elle peut nous aider à recycler notre révolte et notre amertume. 

Face à des personnes sidérées, Ézechiel dit :  

Ainsi parle le Seigneur : « j’ôterai de leur chair le cœur de pierre et je leur donnerai un cœur de chair »

Face aux coups de boutoirs de l’existence, le prophète n’encourage pas ses auditeurs à se contenter de développer un cuir épais.   

Il les invite plutôt à un travail en profondeur. Il les invite à laisser Dieu agir pour que ce dernier travaille les coeurs afin que ces derniers ne deviennent pas secs et durs, mais qu’ils restent de chair. 

« j’ôterai de leur chair le cœur de pierre et je leur donnerai un cœur de chair »

Force nous est de reconnaître que nous ne savons pas exactement à qui s’adresse cette phrase. Est-elle destinée principalement aux exilés sidérés pour les inviter à résister en ne devenant pas durs que leurs vis à vis hostiles ? ou bien cette phrase s’adresse-t-elle plutôt aux habitants arrogant de Jérusalem pour les avertir d’une transformation profonde de leur attitude ? 

Peu importe, ce qui est important c’est que prise comme elle est, cette phrase peut s’adresser à tous. Elle rappelle que quelle que soit la situation, situation d’amertume et de révolte, ou situation d’égoïsme et d’arrogance, Dieu est celui qui s’engage pour que le coeur humain ne s’endurcisse pas, mais qu’il devienne, qu’il reste un coeur de chair. 

4. Qu’est-ce qu’un coeur de chair ? 

Un coeur de chair est un coeur qui ne se bloque pas, qui ne se bute pas,  qui ne ferme pas la porte lorsque les problèmes surviennent. 

Un coeur de chair est un coeur qui, dans ces moments-là  reste ouvert, est capable de voir, d’entendre, d’analyser et de réfléchir. Capable aussi d’être travaillé par l’épreuve au point de la laisser faire évoluer sa vision du monde.

Si dans les montagnes les parois rocheuses ne sont capables que de répondre en écho à ce qu’on dit, le coeur de chair, quant-à-lui n’est pas une paroi rocheuse. Par sa malléabilité, le coeur de chair est capable d’absorber les coups, et de réagir  non pas en écho, mais en développant une réponse personnelle.

Ainsi ici dans ce passage biblique, le prophète se fait le relais du désir de Dieu afin que, face aux coups de boutoirs, notre coeur ne se bute pas, mais qu’il reste ouvert et malléable pour enfanter une réponse qui ne soit pas celle d’un robot ou d’un perroquet, mais une réponse qui  émane d’une vraie personne humaine, faite de chair et de sang, qui s’implique dans ce qu’elle dit et fait.  

5. Avez-vous remarqué ?  Dans ce passage biblique, ce qui est promis, ce n’est pas que Dieu, comme par enchantement, vient faire  disparaître les difficultés. Et que du coup, après son passage, il n’y aurait plus rien à affronter, à supporter, à endurer. Parce que l’arrogance, le fanatisme, l’hostilité se seraient dissoutes, évaporées comme par miracle ! 

Non,  ce passage biblique  le reconnaît bien : la dure réalité est là. Elle reste là. Pas moyen de détourner les yeux, de s’enfuir dans un monde parallèle. Non, il faut y faire face. 

Cependant, si Dieu vient en aide, c’est pour rendre supportable ce face à face avec la dure réalité. 

Dans la mentalité hébraïque, le coeur n’est pas le siège du sentimentalisme; c’est plutôt le lieu intime où les émotions, la volonté et l’intelligence discutent ensemble pour forger des décisions. 

À la lumière de cette perception, nous pouvons comprendre que  l’expression « donner un coeur », signifie donner à celui ou celle qui affronte une dure réalité, les ressources psychiques d’intelligence, de volonté pour que cette personne puisse affronter cette réalité, sans être écrasé par elle. 

Dans ce passage biblique, la promesse qui est faite n’est pas que Dieu enlève les cailloux sur notre route, mais qu’en toutes circonstances Dieu nous donne du coeur, du courage pour que nous ne soyons pas tétanisés, sidérés, soumis, mais que nous puissions inventer une réponse  personnelle qui soient à la hauteur des enjeux de la situation. 

6. Qu’est-ce qu’une réponse personnelle qui est à la hauteur des enjeux de la situation ? 

Dans le livre du prophète Ezéchiel, une réponse est à la hauteur des enjeux de la situation, lorsque cette réponse ne s’enlise pas dans le mimétisme mortifère, lorsqu’elle ne se fige pas dans un duel stérile avec l’autre hostile,  mais qu’elle résiste et sort du marais, grâce à la ligne de vie donnée par quelque chose qui est extérieur à la situation,  c’est à dire grâce aux trésors que contiennent les Écritures bibliques. 

Une réponse est à la hauteur des enjeux de la situation, lorsque cette réponse est capable de ne pas se laisser être aspirée dans un cercle vicieux, mais justement parce qu’elle connaît autre chose, parce qu’elle se laisse être attiré par autre chose que l’odeur nauséabonde de l’arrogance et de l’hostilité, eh bien cette réponse trouve les ressources pour forger une réaction élevant le niveau de jeux. 

Donc pour que cela puisse advenir, Ézechiel nous encourage à  devenir familier avec la ligne de vie  développée dans les Écritures bibliques. 

Devenir familier avec cette ligne de vie, ce n’est pas apprendre par coeur ce qui est écrit puis s’y soumettre comme un bon petit soldat. D’ailleurs Ézechiel ne nous encourage pas à obéir aux commandements, mais de les suivre. Percevez-vous la nuance ? 

Suivre les commandements, ce n’est pas y obéir comme si c’était des ordres, mais c’est se familiariser avec eux, les intérioriser, y réfléchir, les critiquer, puis y réfléchir encore, de manière à ce que nous nous les approprions, à ce qu’ils nous deviennent intimes. Ce travail d’appropriation est nécessaire pour que la suivance ne soit pas extérieure et formelle. Mais qu’elle devienne une écoute profonde, personnelle, impliquée. 

Si je souligne cela, c’est parce que, par rapport à toutes les réponses qu’il nous faut forger, je ne crois pas qu’il y aurait dans la Bible une phrase précise qui nous dicterait tout simplement ce que nous avons à faire. 

Utiliser la Bible ainsi, c’est aller au-devant de grandes désillusions. 

Pour que les Écritures bibliques deviennent pour nous une ligne de vie,  je crois qu’il faut qu’elles deviennent des paroles de chair et de sang. C’est à dire qu’elles ne soient pas comprises comme des principes intangibles gravés dans du marbre, mais qu’elles deviennent un réseau organique de paroles familières, des paroles de chair et de sang, parce que écrites par des humains de chair et de sang pour aider d’autres humains de chair et de sang à traverser l’existence.

Pour que les Écritures deviennent pour nous une ligne de vie, il faut ce travail du coeur, il faut ce travail d’intériorisation, d’appropriation personnelle et intime. Non apprendre bêtement par coeur pour ensuite les réciter comme un livre, mais apprendre par le coeur, c’est à dire laisser tout ce que nous assimilons venir réveiller notre coeur afin que là où il était endurci, il puisse redevenir un coeur de chair.  

Oui pour que nous ne nous enlisions pas dans l’amertume ou l’arrogance, prenons le temps d’intérioriser les Écritures bibliques, cherchons une ligne de vie, recevons de Dieu du courage ! 

lob210120 37. Avec notre rationalité contemporaine, nous pourrions être troublés par l’utilisation que je fais  ici du mot « Dieu ». En effet, face  aux coups de boutoirs, au lieu de dire recevons de Dieu du courage, ne faudrait-il pas plutôt exhorter simplement à avoir du courage, exhorter à prendre son courage à deux mains et y aller. 

Pourquoi quand la situation est délicate, avoir toujours à la bouche le mot « Dieu » ? N’est-ce pas une attitude infantilisante qui nous déresponsabilise ? 

A cette objection tout à fait pertinente, je répondrai ceci :  si je parle ici de Dieu, ce n’est pas pour cultiver un imaginaire enfantin où un super héros va tout à coup apparaître pour résoudre la situation. 

Si je parle ici de Dieu, c’est simplement pour que nous n’oublions pas que lorsque nous affrontons une réalité dure et hostile, eh bien que cette hostilité et cette dureté  ne sont  pas le tout de la réalité. 

Si je parle ici de Dieu, c’est parce que je suis convaincu que la réalité complète n’est pas faite que de ténèbres. Dans la réalité complète, il y a aussi de la lumière.  

En parlant de Dieu, je pointe vers cette lumière qui luit, même quand les ténèbres se font abyssales. 

Quand face à nous se dressent les ténèbres, ne recevons-nous pas du courage lorsque nous réalisons aussi qu’autour de nous luit aussi de la lumière ? 

Pour avoir du coeur dans l’adversité, nous n’avons pas à compter que sur nos moyens. Face à l’hostilité et à l’arrogance, nous n’avons pas comme ressources que les petits moyens de notre pauvre personne. Nous pouvons aussi compter sur la lumière qui nous entoure. 

Pour faire face à l’adversité, nous n’avons pas qu’à prendre notre courage à deux mains ; nous pouvons aussi compter sur des ressources qui viennent d’au-delà de nous-mêmes. 

Le coeur de chair, nous n’avons pas à le fabriquer avec nos seuls  moyens. Le coeur de chair est le fruit d’une belle coopération. C’est une oeuvre collective ! Le coeur de chair se fait en nous. Mais pour qu’il puisse advenir en nous, nous avons à ouvrir à cette lumière qui nous entoure et qui vient de plus loin que nous. 

Si à la suite des Écritures bibliques, j’utilise le mot « Dieu », ce n’est pas pour vous demander d’éteindre votre sens critique et de vous en remettre à un démiurge ressemblant au Père Noël. 

Si j’utilise le mot « Dieu », c’est pour que nous nous rappelions que la condition humaine n’est pas qu’une lutte harassante et perpétuelle contre des forces contraires.  Non, la condition humaine, c’est aussi et surtout, recevoir d’au-delà de nous-mêmes un coeur de chair, une sagesse nous apprenant à nous situer, de manière à avoir le vent dans le dos pour que nous puissions hisser nos voiles et avancer.  

Amen 

Luc-Olivier Bosset, le 21 novembre  2020 à Jacou.
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