Culte du 12 décembre 2020 de l'Église Protestante Unie de Montpellier & Agglomération enregistré au Centre Œcuménique à Jacou. 

 

lob121220 1Vous pouvez voir le culte ici (le texte de la prédication suit sous la vidéo)

 

Mon Dieu, je suis abattu ; c’est pourquoi je me souviens de toi, depuis le pays du Jourdain, depuis l’Hermon, depuis le mont Mitséar. L’abîme appelle l’autre abîme au bruit de tes cascades ; tous tes flots, toutes tes vagues ont passé sur moi. Le jour, que le Seigneur dépêche sa fidélité, et que la nuit son chant m’accompagne. C’est une prière au Dieu de ma vie. Je dis à Dieu, mon roc : Pourquoi m’as-tu oublié ? Pourquoi dois-je marcher, l’air sombre, sous l’oppression de l’ennemi ? Alors que mes os se brisent, mes adversaires m’outragent en me disant sans cesse : Où est ton Dieu ? Pourquoi être abattu, pourquoi gémir sur toi-même ? Espère Dieu ! Je le célébrerai encore : il est mon salut et mon Dieu.

Rends-moi justice, ô Dieu, défends ma cause contre une nation infidèle ! Donne-moi d’échapper aux hommes trompeurs et injustes ! Tu es mon Dieu, ma forteresse : pourquoi m’as-tu rejeté ? Pourquoi dois-je me traîner, l’air sombre, sous l’oppression de l’ennemi ? Envoie ta lumière et ta vérité  ! Qu’elles me guident, qu’elles me conduisent à ta montagne sacrée et à tes demeures ! J’irai vers l’autel de Dieu, vers Dieu, ma joie et mon allégresse ; je te célébrerai sur la lyre, ô Dieu, mon Dieu ! Pourquoi être abattu, pourquoi gémir sur toi-même ? Espère Dieu ! Je le célébrerai encore : il est mon salut et mon Dieu.

Psaume 42, 7-12, Psaume 43, 1-5 (traduction Nouvelle Bible Segond)  

1. « Envoie ta lumière et ta vérité  !  Qu’elles me guident, qu’elles me conduisent à ta montagne sacrée »

Aujourd’hui, je vous propose de nous arrêter auprès de cette phrase, de cette prière exprimée par le psalmiste. Pourquoi cette phrase et pas une autre ?  Parce qu’elle oriente notre attention vers une des caractéristiques de la fête de Noël : la lumière. 

La pandémie occupe nos esprits en nous plaçant devant une situation inédite. Cette année, nous ne pourrons pas fêter Noël comme d’habitude. Il n’empêche, malgré les gestes barrières et malgré les restrictions, nous pouvons toujours où que nous soyons,  allumer une lumière. 

Donc, cette prière du psalmiste en parlant de lumière oriente notre attention vers quelque chose qui, malgré les vicissitudes, nous est possible de faire afin de nous poser et quand même entrer dans l’esprit de la fête. 

Et puis, cette phrase ne fait pas que de parler de lumière. Elle mentionne aussi une demande qui s’ancre dans un besoin : « Envoie ta lumière ».  En tant qu’humain, pour pouvoir tracer notre chemin dans l’existence, n’avons-nous pas besoin de lumière ? N’avons-nous pas besoin de recevoir de la lumière ? 

Lorsque durant ce temps qui précède Noël, nous allumons chez nous une bougie, puis deux, puis trois, puis quatre sur la couronne de l’Avent, ne réveillons-nous pas ce besoin, ce désir, cette attente ?  Quand je parle ici de « besoin de lumière», à quoi suis-je en train de faire  référence ? Bien sûr, physiquement, corporellement, nous avons besoin de lumière, de vitamine D. Ce n’est pas à des gens vivant dans le Sud qu’il faut le rappeler. 

Cependant, quand je parle du besoin de lumière, je situe aussi ce besoin  à un niveau  moins concret, plus symbolique et de ce fait plus existentiel.  

2. Je m’explique. Aujourd’hui, à cause de cette pandémie, plus que jamais, au niveau existentiel, nous pouvons ressentir ce besoin de lumière. 

L’année 2020 nous a poussé hors des sentiers battus.  Nous vivons une situation qui par son ampleur est inédite, à laquelle pour la plupart d’entre nous, nous n’avons jamais auparavant été confronté. Même des séniors nés juste après l’épidémie de grippe espagnole nous disent qu’ils n’ont jamais vu cela. Nous pourrions dire : nous sommes en train de vivre quelque chose qui dépasse notre entendement. 

Dans cette situation inédite, si nous avons besoin de lumière, c’est justement pour  pouvoir nous orienter. 

Dans ce cas précis, de la lumière jaillit, lorsque nous sommes au bénéfice d’informations fiables, de discussions franches et constructives qui éclairent notre discernement, qui nous aident à comprendre, analyser, évaluer adéquatement la singularité de notre situation.

Grâce à de telles informations, de telles discussions, nous ne nous fourvoyions pas dans des discours qui alimentent des actions inadaptées ; nous sommes délogés des poncifs, des stéréotypes qui, parce qu’ils sont en décalage avec la réalité, engendrent de notre part des attitudes inadéquates. 

Grâce à de telles informations, de telles discussions, nous sommes mieux équipés pour ne pas céder au défaitisme ou à la panique.

Ainsi, quand dans une prière, nous disons « envoie ta lumière », n’exprimons-nous pas le désir d’être mis en contact avec des informations, de pouvoir vivre des discussions qui élargissent nos capacités à comprendre ? 

Oui, pour que nous puissions nous orienter le plus adéquatement possible dans la situation inédite que nous traversons, nous avons besoin d’élargir nos capacités à comprendre, nous avons besoin de lumière.  

De même, si dans notre situation actuelle, nous avons besoin de lumière, c’est non seulement pour pouvoir nous orienter, mais aussi pour identifier comment concrètement avancer.  Plus je médite le récit évangélique de Noël, plus je me dis que Joseph et Marie ont dû être éclairés, et même être bien éclairés, pour que dans leur situation inédite et précaire, ils aient l’idée de transformer la mangeoire à animaux en berceaux pour leur nouveau-né. 

Ce n’est pas la fonction première d’une mangeoire à animaux que de devenir berceau !  Pour avoir cette idée étonnante, loufoque, mais ô combien géniale, qui permet à ce que la vie fragile, vulnérable, dans un contexte compliqué, soit protégée et grandisse, je me dis qu’il faut être au bénéfice d’une certaine lucidité, d’un certain sens pratique, d’une certaine liberté d’initiative, bref qu’il faut être au bénéfice d’une lumière qui libère la capacité d’entreprendre et d’agir. 

Ainsi,  en cette période inédite que nous traversons, pour que nous ne soyons pas timorés, paralysés, reclus, je crois que nous avons besoin de cette lumière qui nous encourage à être astucieux, qui nous encourage à trouver les moyens de nous adapter pour que la frêle lueur de l’espérance ne soit pas soufflée par la morosité ambiante, mais qu’elle soit protégée et continue de briller. Oui, aujourd’hui plus que jamais, pour que nous puissions nous orienter et avancer, nous avons besoin de lumière.   

lob121220 23. Or ce besoin vif, profond, le psalmiste nous aide à le situer et à le vivre devant Dieu. 

En effet, par rapport à ce besoin, le psaume 43 nous invite non pas simplement à reconnaitre  : j’ai besoin de lumière, mais à situer ce besoin devant un vis-à-vis, une altérité.  « Envoie ta lumière » n’est pas une exhortation que je m’adresserai à moi-même pour m’encourager. C’est une demande que j’exprime à quelqu’un d’autre. 

Qu’est-ce que cela change ? Cela rappelle simplement que pour combler ce besoin, bien sûr, il faut  que je m’implique, que je cherche, que j’écoute, cependant dans cette démarche tout ne dépend pas de moi. Je peux aussi compter sur des ressources qui viennent d’au-delà de moi-même. 

Face à un besoin que nous éprouvons,  au lieu de nous inquiéter quand nous réalisons que nous avons à disposition de si maigres ressources pour l’apaiser, au lieu de nous agacer, voir de nous décourager de n’avoir encore et toujours que 5 pains et trois poissons alors qu’il nous faut nourrir une grande foule, oui au lieu de nous inquiéter, de nous agacer, le psaume 43 nous invite à exprimer notre besoin, puis à nous mettre en attitude de veille, d’ouverture attentive, d’affût.  

Il nous invite à ne pas garder ce besoin au fond de nous en n’en parlant jamais à personne, il nous invite à le partager en toute confiance à un autre que nous mêmes. Oui, percevez-vous la relation de confiance qui sous-tend cette demande? Ce psaume ne formule pas un ordre  (donne-moi de la lumière, donne-moi tel cadeau précis et pas un autre), mais exprime de manière ouverte, confiante, respectueuse un désir :  envoie ta lumière

Cette lumière, pas besoin que tu me la livres en main propre, il suffit juste que tu l’envoies ; moi de mon côté, je veillerai, je serai à l’affût pour l’accueillir et m’en nourrir. 

4. Avez-vous remarqué ? Dans cette phrase, il n’est pas simplement dit : envoie de la lumière, mais envoie TA lumière. 

De quelle lumière est-il ici question ? Ta lumière : ce n’est pas n’importe quelle lumière, c’est la lumière de la grâce. 

Cette lumière qui permet en toute lucidité de regarder les ténèbres, sans être absorbé par elles. C’est cela la grâce :  une lumière qui n’explique ni n’excuse les ténèbres, mais qui les révèle dans leur profondeur, qui les  regarde tout en les portant, les supportant. 

Vous le savez comme moi. Il y a des choses dans notre quotidien que nous ne supportons pas de voir, que nous préférons ne pas regarder, car nous ne sommes pas capables de les supporter.  C’est trop compliqué ou déprimant ! 

Dans le psaume 43, c’est le fait d’être confronté à des humains trompeurs, injustes qui est insupportable pour l’écrivain. Pour nous, cela peut être au détour de nos journées, un reportage d’investigation, qui réveille une colère, un effroi ; cela peut être dans nos familles ou sur nos lieux de travail, des situations de tension pesantes. Parce que tout cela active des émotions compliquées à gérer, nous préférons parfois détourner le regard. 

Or situer de telles émotions devant Dieu, c’est demander à ce qu’au-delà de nous-mêmes  nous soit envoyée une lumière gracieuse capable de lever les barrières nous empêchant d’être présent à nous-mêmes et au concret de la situation. 

Demander « envoie ta lumière et ta vérité », c’est nous ouvrir à une lumière nous rendant capable d’être présent en vérité, face à la réalité quelle qu’elle soit.  

5. Vous me direz peut-être : c’est beau de parler de lumière gracieuse, mais comment la reconnaître dans notre quotidien ? Pour répondre à cette question, arrêtons-nous quelques instants sur cette expression de montagne sacrée qu’utilise le psalmiste. 

« Envoie ta lumière et ta vérité  ! Qu’elles me guident, qu’elles me conduisent à ta montagne sacrée »

À l’écoute de cette phrase du psaume, je dirai que la lumière gracieuse est cette lumière qui me guide et me conduit, malgré les épreuves et les vicissitudes de mon parcours, jusqu’à la montagne sacrée. 

Si le terme de montagne sacrée vous dérange parce qu’il renvoie à une piété chamanique ou animiste,  écoutez la belle idée qui est contenue dans cette expression. 

lob121208 3Parler ici de montagne, c’est rappeler, même si la vie peut ne pas être un long fleuve tranquille, combien l’enjeu de cette vie est qu’au cours de cette traversée nous  puissions trouver des ressources nous permettant de vivre une élévation progressive. 

Parler ici de montagne sacrée, c’est faire référence à une élévation particulière. Pas celle qui nous mettrait au-dessus des autres pour les dominer. Mais une élévation de la qualité de la relation qui nous unit à nous-mêmes, à notre environnement, aux autres et à Dieu. 

Donc, quand le psalmiste dit : « envoie ta lumière et ta vérité, qu’elles me guident à ta montagne sacrée », entendez ce désir du psalmiste que, malgré les bourrasques, il puisse trouver le chemin qui le guide vers la montagne, trouver le chemin qui humanise,  trouver le chemin qui élève la qualité de relation qu’il tisse avec Dieu, et par conséquent la qualité de relation qu’il tisse avec les autres. 

Eh bien, si en avançant dans l’existence, nous sentons que, malgré les bourrasques, la relation qui nous relie à nous-mêmes, aux autres, à Dieu ne se délite pas, mais gagne en qualité, n’est-ce pas le signe que nous avons été au bénéfice d’une lumière gracieuse ?  

Oui, nous avons besoin du rayonnement de cette lumière gracieuse pour identifier aujourd’hui le chemin qui permet qu’en nous et entre nous la vie ne se délite pas, mais qu’elle gagne en qualité, en vérité. 

6. Quand ce que nous vivons est  inédit, prier, ce n’est pas renvoyer la balle à qqn d’autre. Quand ce que nous éprouvons  dépasse l’entendement, parler avec Dieu ne nous fait pas régresser dans notre discernement.

Car Dieu n’est pas du côté des consignes à appliquer pour que tout se passe bien, mais Dieu est du côté de la lumière nous faisant entrer dans une meilleure compréhension du monde et de nous-mêmes.

Grâce au rayonnement de cette lumière, nous pouvons traverser la vie, affronter les vicissitudes, les incertitudes,  en laissant au fond de nous-mêmes notre manière d’être en relation, gagner en saveur et en  qualité.  

Amen 

Luc-Olivier Bosset, le 12 décembre  2020 à Jacou.
Crédit images:.1.photo par The National Interest  ; 2. photo par CHU Montpellier  ; 3. photo par Institut Mines-Télécom.