Ignorez-vous que nous tous qui avons été baptisés en Christ-Jésus, c'est en sa mort que nous avons été baptisés ? Nous avons donc été ensevelis avec lui dans la mort par le baptême, afin que, comme Christ est ressuscité d'entre les morts par la gloire du Père, de même nous aussi nous marchions en nouveauté de vie. En effet, si nous sommes devenus une même plante avec lui par la conformité à sa mort, nous le serons aussi par la conformité à sa résurrection ; nous savons que notre vieille nature a été crucifiée avec lui, afin que ce corps de péché soit réduit à l'impuissance et que nous ne soyons plus esclaves du péché ; car celui qui est mort est quitte du péché. Or, si nous sommes morts avec Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui 9sachant que Christ ressuscité d'entre les morts ne meurt plus ; la mort ne domine plus sur lui. Car il est mort, et c'est pour le péché qu'il est mort une fois pour toutes, et maintenant qu'il vit, il vit pour Dieu. Ainsi vous-mêmes, considérez-vous comme morts au péché, et comme vivants pour Dieu en Christ-Jésus.
Voir la prédication ici.

neos kainos2

Romains 6,3-11 (traduction LSG) 

1. Le geste du baptême a pour but d’exprimer ce qui nous est offert au coeur de la communion avec le Christ. Pour décrire ce don, je m’appuierai simplement sur deux expressions tirées de la lettre de Paul aux Romains que nous venons de réentendre : 

  • « La mort ne domine plus » (v.9)
  • « Marcher en nouveauté de vie. » (v.4) 

Lorsque nous choisissons d’écouter l’évangile, lorsque nous choisissons de méditer sur le témoignage qui rayonne de la vie par Jésus de Nazareth, alors ce qui nous est offert,  c’est  de vivre comme si la mort ne dominait plus, c’est de vivre en marchant en nouveauté de vie.

Qu’est-ce que cela signifie ? Voilà ce que j’aimerai préciser avec vous ce matin.  

2. Pour commencer, j’aimerai vous faire part d’une découverte que j’ai faite cette semaine en étudiant notre passage biblique de ce jour. J’ai réalisé que la langue grecque avait deux mots pour exprimer la nouveauté. 

Tout d’abord, il y a le mot « néos » qui dénote la nouveauté en référence au temps. Pour ce sens, ce qui est nouveau, c’est ce qui est récent, moderne, contemporain. 

Ensuite, il y a aussi le mot « kainos » qui quant à lui dénote la nouveauté en référence à la qualité. Est nouveau en ce deuxième sens, ce qui est différent de ce qui s’était produit jusqu’alors, ce qui est inattendu et inouï.

Imaginons la chose suivante : en voyant arriver un char flambant neuf parce que sortant de l’atelier qui l’avait fabriqué, les grecs de l’époque biblique auraient utilisé le mot « neos » pour le décrire. En effet, ce char est  neuf, récent puisqu’il vient d’être construit. 

Cependant si ces mêmes grecs avaient vu débarquer dans leur époque un véhicule hybride de notre temps, là à coup sûr, ils auraient employé le mot « kainos ». Car ce véhicule aurait été pour eux complètement différent ce qu’ils connaissaient jusqu’alors. 

Si je partage avec vous cette subtilité de la langue grecque, c’est parce que dans notre passage biblique, quand l’apôtre parle de « nouveauté de vie », il n’utilise pas le mot « néos », mais le mot « kainos ». Ceci est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup ! 

3. Quand l’apôtre parle de «  marcher en nouveauté de vie », quand l’apôtre raconte ce qui nous est offert au coeur de notre communion avec le Christ, il ne nous dit pas que ce serait une petite séance au garage afin de bricoler et réparer ce qui doit être réparé, pour que nous puissions en ressortir comme neuf, pour que nous puissions toujours continuer de vivre comme avant. 

Non, quand il nous parle de ce qui nous est offert dans la communion avec le Christ, il utilise non pas le mot « néos », mais le mot «  kainos ».  Et ce ce faisant, il nous dit que ce qui nous est donné lorsque nous nous laissons être imprégné par l’Évangile, c’est de recevoir une nouvelle qualité de présence. 

Une nouvelle qualité de présence… Une nouvelle qualité de présence qui fait qu’au lieu de continuer à vivre comme avant, nous nous mettons à vivre autrement, à aborder les situations autrement, à regarder les êtres qui nous entourent avec un autre regard. 

Si le baptême est une fête, c’est parce qu’il célèbre cette nouvelle qualité de présence que nous recevons du Christ. Une qualité jusqu’alors inconnue de nous, une qualité inouïe, étrange qui titille notre curiosité et notre envie de l’explorer. 

lob 211121 24. Alors essayons de préciser à présent, ce que peut bien être cette nouvelle qualité de présence que nous recevons du Christ. 

Pour cela, revenons-en à la deuxième expression de notre passage biblique que tout à l’heure, au début de ma prédication j’ai mise en exergue. L’expression : « la mort ne domine plus », nous pourrions aussi traduire : « la mort n’exerce plus son maîtrise ». 

Comment comprendre cette affirmation ? Est-ce que la communion avec le Christ nous apporterait un pouvoir surnaturel nous permettant d’éviter de passer par la case que nous redoutons tous, à savoir la mort ? 

Est-ce que l’eau du baptême serait cette fontaine de jouvence qui depuis le nuit des temps est l’objet de toutes les quêtes  humaines ? Est-ce que l’affirmation « la mort ne domine plus » qui justement surgit dans ce passage biblique où il est question du baptême, est-ce que cette affirmation serait le signe que l’eau du baptême serait semblable à celle de cette fontaine promettant à celui qui se baigne dans ses eaux de restaurer sa jeunesse, voir même de lui offrir une jeunesse perpétuelle ?

Or rappelez-vous, ce passage biblique ne parle pas de la nouveauté « néos » ; il ne nous fait pas miroiter la nouveauté d’une voiture sortant du garage après avoir été remise à neuf. Il ne nous fait pas miroiter la nouveauté offerte par un perpétuel rajeunissement. 

Ce passage biblique nous parle de la nouveauté « kainos ».  Ce qui n’est pas tout à fait la même chose ! 

D’une certaine façon, ce passage biblique ne nous dit pas ce que nous aimerions tellement entendre. Tous nous vivons avec l’angoisse de devoir un jour ou l’autre mourir ! Tous nous vivons avec l’angoisse de voir un jour ou l’autre nos proches nous quitter pour plonger dans cet immense inconnu qu’est la mort. Au lieu de devoir affronter cet inconnu qu’est la mort, nous aimerions tellement pouvoir nous baigner dans une fontaine de jouvence ! 

Or ce passage biblique, en nous parlant de la nouveauté « kainos » nous invite à vivre un changement de logique. Il nous invite à nous ouvrir à un autre état d’esprit. 

Au lieu de chercher fiévreusement la fontaine de jouvence, il nous invite à recevoir de la communion vécue avec le Christ un nouveau regard sur notre existence, une autre qualité de présence par rapport à chaque étape fondamentale du cycle de notre existence. 

5. Comment décrire cette qualité de présence que nous recevons d’une communion avec le Christ et qui nous permet de porter un autre regard sur chacune des étapes du cycle de notre vie, et donc aussi de porter un autre regard sur la mort, et notre mort ?

Oui, comment la décrire ? Peut-être tout simplement en rappelant ceci : la communion avec le Christ dont le baptême est le signe n’est pas quelque de chose de magique qui viendrait lever les étapes fondamentales du cycle de notre existence. 

En tant qu’humain, nous sommes tous inscrits dans un cycle de vie constitué de différentes phases : la naissance, l’enfance, l’adolescence, l’âge de jeune adulte, l’âge de la maturité, la retraite, puis la période pour dire au-revoir à cette vie, et enfin le grand plongeon qu’est la mort. 

La communion avec le Christ ne vient pas bousculer la succession biologique de ces étapes. Le baptême en célébrant le fait que la mort ne domine plus ne va pas nous empêcher de devoir un jour ou l’autre être confronté à la mort. C’est pourquoi je dirai que la communion avec le Christ ne vient pas nous  permettre d’éviter certaines étapes. Elle vient nous permettre de vivre chacune d’elles avec un autre qualité de présence.   

Et pour décrire cet autre qualité de présence, les Écritures bibliques nous offrent cette métaphore : « la mort ne domine plus». La mort n’est plus cette puissance qui nous angoisse, et qui fait que nous ne sommes plus présent à nous-mêmes, présent aux autres, présent au monde, parce qu’au fond de nous cette puissance nous obsède et nous ronge.  

Tant que la mort nous angoisse et nous obsède, elle a du pouvoir sur nous. Elle exerce sur nous une emprise insidieuse, car secrètement, c’est elle qui influence nos décisions et nos actes. Là où la communion avec le Christ nous offre une autre qualité de présence, c’est lorsqu’elle nous apprend à ne plus avoir peur de la mort. 

Au fond, si je devais ce matin partager avec vous la substantifique moelle du témoignage du Christ, je dirai ceci : plus je médite la vie de Jésus de Nazareth, plus je l’entends nous dire que la volonté de Dieu à notre égard n’est pas que nous finissions notre existence en plongeant dans un néant vide, froid et silencieux.

Plus je médite la vie de Jésus de Nazareth, plus je l’entends nous dire : si nous existons, si nous sommes un jour venus au monde, ce n’est pas pour rien. Mais c’est parce qu’un désir puissant a souhaité que nous puissions entrer dans une communion profonde avec la vie. Un désir puissant a souhaité que nous puissions découvrir au travers de toutes les relations que nous tissons, combien il est bon d’exister. Si ce désir puissant ne s’était pas inlassablement engagé, alors nous ne serions pas là. 

6. Oui, le regard autre que nous propose Jésus, c’est de relire notre vie, toute notre vie en nous demandant : pour que les créatures aussi complexes et subtiles que nous sommes devenus puissent exister, n’a-t-il pas fallu un désir puissant ? 

N’a-t-il pas fallu qu’à de nombreuses reprises, une parole se dresse au-dessus de l’abîme des ténèbres et dise : que la lumière soit ? Si personne ne s’était dressé pour parler avec autorité, alors les ténèbres n’auraient-elles pas continué tranquillement d’être ténèbres ?   

Pour que la créature aussi complexe et subtile que nous sommes ait pu ainsi venir à l’existence et se développer, n’a-t-il pas fallu un désir puissant ? Un désir puissant qui a été relayé par les nombreux visages familiaux, amicaux, fraternels que nous avons rencontré au cours de notre parcours de vie.  

Nous ne sommes pas venus au monde en un jour… 

Si ce désir relayé par d’autres n’avait pas été aussi fidèle et puissant aurions-nous pu nous développer comme nous nous sommes développés ? Pour que nous venions au monde, il a fallu que tout un processus aboutisse et demeure stable. A tout moment les conditions rendant possible cette émergence auraient pu être enrayées. Or si nous sommes là aujourd’hui, vivants, n’est-ce pas parce qu’au-delà des complications, un désir puissant a été à l’oeuvre pour qu’une multitude de conditions soient remplies permette aujourd’hui notre présence ?

lob 211121 37. Plus je médite l’évangile, plus Jésus de Nazareth m’aide à percevoir ce désir puissant. Oui, il m’aide à entendre cette parole qui avec autorité se dresse face à toutes ténèbres pour dire : que la lumière soit ! 

Plus je découvre cette autorité de vie, plus j’en viens à me dire que face à elle, même la mort, aussi puissante qu’elle puisse être, n’aura pas le dernier mot. Face à cette autorité pleine de vie, même l’abîme froid, vide et silencieux des ténèbres n’aura pas le dernier mot. 

Mais j’en viens à croire que le dernier mot sera fidèle au premier : que la lumière soit ! Quand les Écritures bibliques osent affirmer que la mort ne domine plus, je crois que c’est cela qu’elles pointent : le dernier mot qui sera prononcé ne sera pas : que la mort soit ; mais que la lumière soit !  

8. Du coup, à l’écoute de cette parole, je reçois une nouvelle manière de regarder le cycle de notre existence sur cette terre. J’en viens à me dire : 

Si nous existons, ce n’est pas pour finir dans le néant, mais c’est plutôt pour progressivement entrer pleinement dans la lumière. Le temps qui nous est offert lors de notre passage sur terre est là pour nous faire progressivement entrer pleinement dans la lumière. 

Nous sommes entrés dans la lumière en devenant peu à peu conscient de nous-mêmes. En tant que nourrisson, nous n’étions pas conscients de nous-mêmes, mais nous le sommes progressivement devenus, grâce aux paroles bienveillantes de nos proches qui nous ont fait sortir de l’obscurité de notre  inconscience. 

De même devenus adultes, nous continuons d’entrer dans la lumière lorsque nous devenons conscients, grâce à des interpellations qui nous viennent de plus loin que nous-mêmes, des autres, nous devons conscients  du caractère unique de tout ce qui nous entoure. 

De même devenus vieillards, nous continuons d’entrer dans la lumière lorsque nous réalisons que cette vie qu’il nous a été permis de goûter a été rendue possible, grâce à un désir puissant. Le désir d’entrer en relation avec nous en tant que personne, un désir qui demeure même si nous n’avons pas été à la hauteur de ses espérances. Oui, en tant que vieillard, ce qui semble essentiel, c’est le fait que même si les forces déclinent, ce désir de communion demeure. Parce que la parole qui se dresse au-dessus des ténèbres pour dire « que la lumière soit », parce que cette parole demeure fidèle, alors il est possible de percevoir la mort comme une nouvelle (kainos) occasion d’entrer dans la lumière. 

9. Vivre le baptême, c’est faire le choix de nous mettre à l’écoute du Christ pour que nous vivions chaque étape de notre existence comme une occasion d’entrer plus pleinement dans la lumière.

Amen

Luc-Olivier Bosset, le 14 novembre 2021 à Maurin, le 21 novembre à Jacou.
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