lob 150522 1Aujourd’hui, j’aimerai partager avec vous une histoire de la Bible qui alimente en nous  l’espérance ! C’est l’histoire du prophète Jonas qui est résumé dans le livre de Jonas (1 à 3) de l'Ancien Testament de la Bible. Jonas était un prophète de Dieu pour le peuple du Royaume du Nord d'Israël. Il n'avait pas peur de dire à son propre peuple de se repentir.  Mais lorsqu’il a pris conscience d’un appel de Dieu lui demandant de prêcher aux Assyriens dans la ville de Ninive, il n'a pas voulu y aller. Les Assyriens représentaient une menace militaire croissante pour le peuple d'Israël. Jonas voulait que Dieu les juge et les détruise, et non qu'il leur donne une chance de se repentir.

Ainsi, le prophète désobéissant a décidé de fuir toutes ses responsabilités. Il se dirigea vers le port de Japha (Jopa). Il s'est embarqué sur un navire étranger en direction du lointain comptoir de Tarsis.Peu de temps après avoir mis les voiles, une terrible tempête ballotta le navire dans tous les sens. De grosses vagues menaçaient de le briser en morceaux.

Tous les marins eurent peur et chacun s’est mis  à prier son propre dieu. Ils jetèrent désespérément la cargaison à la mer pour alléger le navire.

Dans leur crainte, ils tirèrent au sort pour savoir qui, à bord, était responsable de cette calamité. Et le sort tomba sur Jonas. Les marins lui demandèrent : « Qu'as-tu fait ? » Jonas avoua qu'il fuyait le Seigneur.

« Prenez-moi et jettez-moi dans la mer et elle se calmera », dit Jonas. C'est ma faute si cette grande tempête est arrivée.

Après avoir supplié Dieu de ne pas les rendre coupables d'avoir tué un innocent, les marins jetèrent Jonas par-dessus bord. Aussitôt, la mer déchaînée se calma.                                        

Jonas sombra dans les eaux sombres. Mais l’histoire ne s’arrête pas là.

lob 150522 2Un grand poisson avala Jonas et le prophète resta en vie. Le prophète fut maintenu en vie pendant trois jours et trois nuits dans le ventre du poisson.

Jonas, bouleversé, pria Dieu en lui disant : «  du ventre de la mort, j’ai appelé et tu as entendu ma voix. Hors du néant, tu as hissé ma vie. J’accomplirai mes engagements, je tiendrai parole. » 

Le poisson rejette Jonas sur la terre ferme. Dieu réitère son appel à Jonas d'aller à la grande ville de Ninive et de prêcher  pour que les violents se repentent et se tournent vers Dieu. Cette fois, Jonas obéit.

Pendant trois jours, Jonas se déplaça dans la ville en déclarant : « Dans 40 jours, Ninive sera détruite ».

Les habitants de Ninive crurent en Dieu. Un jeûne fut proclamé, et tout le monde, y compris le roi, se revêtit d'un sac. Le roi ordonna à tous d'invoquer Dieu de toute urgence et de renoncer à leurs mauvaises habitudes et à leur violence.

Qui sait ? dit le roi, Dieu peut faire preuve de compassion et se détourner de son ardente colère pour que nous ne périssions pas.

Quand Dieu vit ce que firent les habitants de Ninive et comment ils se détournèrent de leurs mauvaises voies, Dieu n'attira pas sur eux la destruction dont il les avait menacés. 

Jonas était fou de rage. Il voulait vraiment que Dieu détruise ces ennemis des Israélites.

 

Quand je médite autour de cette figure biblique de  Jonas dont la responsabilité est d’aller à Ninive annoncer une nouvelle délicate, difficile à entendre « Encore 40 jours et Ninive sera détruite », Jonas qui d’abord fuit ses responsabilités et qui vit moult vicissitudes avant enfin d’oser les affronter, oui quand je médite autour de cette figure de Jonas, je ne peux m’empêcher de penser aux centaines de personnes qui font partie du GIEC (Groupe intergouvernemental pour l’étude sur le climat.) 

Un groupe qui en 2007 a reçu le prix nobel de la paix.  (Al Gore, indien : Rajenda Pachauri) 

Si je pense à eux, c’est parce que comme Jonas, ils ont la difficile tâche d’ annoncer des choses très difficile à entendre.  Par exemple, il y a quelques semaines, ils viennent de publier un nouveau rapport, où avec analyse et schéma, ils alertent l’opinion public. 

Ils nous disent  que si nous ne réagissons pas pour réduire notre impact carbone et éviter que la température n’augmente plus que 1,5 degré, nous courons à la catastrophe ! 

Montée des eaux et sécheresse rendront inhabitables des immenses zones densément peuplées. Du coup, des milliards de personnes seront obligées de migrer pour trouver de nouveaux lieux de vie habitable. 

Eux aussi, comme le prophète Jonas, annoncent un délai. Jonas annonçait 40 jours, les membres du GIEC nous disent que pour réduire de moitié notre émission de gaz à effet de serre d’ici à 2030, nous avons devant nous 3 ans pour réagir. 

lob 150522 3Or si je pense à eux aujourd’hui, c’est aussi parce que l’épisode biblique où la ville de Ninive entend l'adresse du prophète Jonas et choisit de changer de comportement, eh bien, je pense que cet épisode doit les faire rêver. 

Si cet épisode doit les faire rêver, c’est parce que la prise de parole de Jonas a eu de grands effets. 

Ce n’est pas simplement un ou deux individus qui vivent une prise de conscience et changent de comportement. Mais le récit décrit que c’est une prise de conscience collective. 

Or aujourd’hui, n’est-ce pas que ce qu’espèrent ces centaines de membres du GIEC, mais aussi au-delà d’eux, des millions de personnes ?

Pour arriver à inverser la courbe et garantir un avenir vivable, il y a besoin justement que la prise de conscience ne soit pas qu’individuelle, mais qu’elle soit commune à tous. 

Alors est-ce que ce récit biblique de Jonas vient donner de l’espérance à tous ces gens qui s’inquiètent des dérèglements climatiques, en leur disant : il suffit que des lanceurs d’alerte osent parler pour que tout le monde change de comportement ? 

Ce serait tellement simple !  Or, quand nous nous penchons sur les Écritures bibliques, nous réalisons que ce n’est pas l’espérance qu’elles nous font miroiter. 

Car Jonas n’est pas le seul prophète de la Bible !  Dans d’autres récits, il est aussi question de prophètes qui parlent, comme le prophète Jérémie par exemple, qui expriment presque les mêmes propos que Jonas, MAIS qui suscitent une toute autre réaction de la part de ses auditeurs. Au lieu d’écouter Jérémie, on le jette au fond d’une citerne. 

Donc, l’espérance que les Écritures bibliques adressent aux experts du GIEC n’est pas : parlez et vous verrez, systématiquement, les gens vont changer de comportement. 

Mais le message que les Écritures bibliques adresse à tous ceux qui s’inquiètent du dérèglement climatique est plutôt celui-ci : même si vous ne savez pas à l’avance l’impact de votre parole, la conviction que vous vous êtes forgée, il faut oser la dire ! Il est  fondamental de l’exprimer et de ne pas la garder au dedans de soi, en vous disant : cela ne sert à rien de la dire, car les gens ne vont pas la comprendre, ne vont pas l’écouter, ne vont pas s’y intéresser. 

Car tout le récit biblique autour du prophète Jonas tourne autour de cet enjeu : oser parler. Oser dire « encore 40 jours et Ninive sera détruite ». 

Quand nous nous plongeons dans le récit de Jonas, nous réalisons combien le fait de prononcer cette parole a énormément coûté à notre prophète.

Avant de le faire, il a tout fait pour s’y dérober. Il ne voulait pas se déplacer dans la ville de Ninive pour l’énoncer. C’était beaucoup trop risqué. De plus, à quoi bon parler ? à quoi bon annoncer des catastrophes ? Qui va l’écouter ? 

Il lui a fallu tout un cheminement intérieur, il lui a fallu traverser moult circonstances qui chacune ont débloqué une résistance en lui et l’ont fait évoluer, pour que finalement, il se décide à parler. 

Et pourquoi parle-t-il ? Non pas parce qu’il est sûr que les gens de Ninive vont l’écouter. mais parce qu’en vivant tout ce qu’il a vécu, il a compris une chose essentielle :  

Certes, les humains sont capables de dégrader à l’extrême le milieu dans lequel ils vivent… Certes, les humains sont souvent à côté de la plaque et capables de créer les conditions de leur propre ruine.  

Cependant, à côté de cela, les humains sont AUSSI capables de  vivre des prises de consciences lumineuses; ils sont aussi capables de se regarder avec honnêteté; ils sont aussi capables de cesser de faire ce qu’ils ont toujours fait, surtout s’ils réalisent que cela les conduit à la ruine; les humains sont aussi capables d’opter pour une autre voie qui leur apparaît comme étant plus proche d’une vie bonne. Ils sont aussi capables de réaliser que face à leurs immenses problèmes, ils ne peuvent pas s’en sortir tout seul, mais qu’ils ont besoin de l’aide des autres, d’un Autre.

Si Jonas ose dire « dans 40 jours, Ninive sera détruite », c’est qu’il pense que ces 40 jours ne seront pas un temps creux, où il ne se passe rien. C’est parce qu’il pense que les humains sont capables de changer,  ils sont capables de faire que ces 40 jours deviennent un temps plein.

C’est donc pour éveiller cette capacité à changer que le prophète parle. Si Jonas parle, ce n’est pas parce qu’il est sûr que sa parole aura de l’effet, mais plutôt parce que, comme lui a changé au cours des vicissitudes de l’existence qu’il a dû traverser, il veut aller chercher chez ses interlocuteurs cette capacité de changement chez eux. En parlant comme il le fait, il souhaite mobiliser cette capacité  en eux. Cette capacité qui sommeille peut-être, cette capacité qui jusqu’à maintenant n’était pas cultivée, mais cette capacité qui néanmoins est là ! 

lob 150522 4À propos de capacités qui sommeillent, j’aimerai juste attirer votre attention sur une possibilité de sens qui sommeille dans le verbe hébreux traduit ici par « détruire ».  

Le verbe hapak peut effectivement signifier « détruire ». Cependant, ce même verbe peut aussi décrire « la transformation de l’être, la transformation du désir de quelqu’un, la transformation de son agir. Bref, il peut aussi exprimer la réalité d’un retournement intérieur, d’une conversion. 

Le récit biblique est savoureux et plein d’espièglerie lorsqu’il nous décrit un prophète Jonas qui lui, n’avait manifestement perçu que le sens premier à ce verbe. Quand il déambule dans les rues de Ninive, il en annonce la destruction. Et il le fait avec conviction en pensant que c’est là ce qui va arriver.

Mais le récit nous dit que Jonas est fâché lorsqu’il voit que la ville n’est pas détruite. Il pense qu’il a été envoyé pour rien. Voir même qu’il est la risée des autres parce que justement la suite des événements a montré qu’il a eu tort. Que cela ne s’est pas passé comme il l’avait annoncé. 

Or, quand on creuse le coeur de son message et qu’on découvre le double sens du verbe hapak, on peut se dire que Jonas a été dépassé par sa propre parole. Il n’est pas conscient des potentialités profondes qu’elle véhicule ! Il ne les découvre qu’en parlant. C’est pourquoi il est important qu’il parle. Il pensait devoir annoncer la destruction, mais dans les faits, ce que Dieu lui demandait de faire, c’était de parler pour qu’il puisse y avoir évolution, transformation des comportements. 

Au premier abord, Jonas pense que son annonce ne s’est pas réalisée. En effet, à la fin du récit, la ville n’est pas détruite. 

Et pourtant, quand on creuse le coeur de son message et qu'on s’appuie sur le deuxième sens, on découvre qu’au contraire, dans les faits, l’annonce de Jonas se réalise pleinement : chaque habitant est retourné, dans le sens d’une transformation de l’être, du désir, de l’agir. 

Ainsi, si Jonas doit parler, ce n’est pas pour faire peur et tétaniser les habitants de Ninive, mais c’est pour leur permettre d’évoluer et de changer.  

De cette méditation du récit biblique de Jonas, j’en retiens pour nous ceci: Ce double sens du verbe « détruire » en hébreu peut nous permettre d’écouter autrement les messages d’alerte que nous adresse celles et ceux qui sont aux prises avec les évolutions de notre climat. 

Souvent, une pression s’exerce sur eux pour qu’ils délivrent des messages positifs. Car il est convenu que tout le monde a marre d’entendre des messages anxiogènes. Par contre, si le message est positif, alors tous les gens suivraient. 

Mais rien ne serait plus dommageable que ces experts arrêtent de parler vrai et qu’ils se mettent à nous dire ce que nous avons tellement envie d’entendre, du genre « oui, oui, la situation est problématique, mais ne vous inquiétez pas on s’en occupe ; nous allons mettre en oeuvre une solution qui ne nécessite aucun effort de votre part. » Pour que nous puissions évoluer et vivre une transformation intérieure, il y a besoin que ces personnes osent dire ce qu’elles pensent sincèrement, même si cela dérange. Il y a besoin qu’elles nous livrent leur constat. 

Car c’est ainsi seulement qu’elles réveilleront notre capacité à écouter, réfléchir et changer. C’est seulement ainsi que nous pourrons être transformés et inventer des réponses à la hauteur des défis de la situation. Puisse cette histoire de Jonas développer notre capacité à tendre l’oreille et être capable d’entendre une parole difficile à entendre, mais qui dans le fond mobilise ce qu’il a de meilleur en nous : notre capacité à changer. 

Amen

Luc-Olivier Bosset, le 15 mai 2022 à Cournonterral.