Voici donc ce que je dis et ce que j'atteste dans le Seigneur : c'est que vous ne devez plus vous comporter comme les gens des nations se comportent, dans la futilité de leur jugement. Ils ont l'intelligence obscurcie, ils sont étrangers à la vie de Dieu à cause de l'ignorance qui est en eux, parce que leur cœur est obtus. Ayant perdu tout sens moral (littéralement ayant anesthésié), ils se sont livrés à la débauche, pour commettre avec avidité toute sorte d'impureté. Mais vous, ce n'est pas ainsi que vous avez appris le Christ, si du moins c'est bien lui que vous avez entendu et si c'est en lui que vous avez été instruits, conformément à la vérité qui est en Jésus : il s'agit de vous défaire de l'homme ancien qui correspond à votre conduite passée et qui périt sous l'effet des désirs trompeurs, d'être renouvelés par l'Esprit dans votre intelligence et de revêtir l'homme nouveau, qui a été créé selon Dieu dans la justice et la sainteté que produit la vérité.Rejetez donc le mensonge, et que chacun de vous parle avec vérité à son prochain ; car nous faisons partie les uns des autres. Si vous vous mettez en colère, ne péchez pas ; que le soleil ne se couche pas sur votre irritation ; ne laissez pas de place au diable. Que le voleur ne vole plus ; qu'il se donne plutôt de la peine à travailler honnêtement de ses propres mains, pour avoir de quoi donner à celui qui est dans le besoin. Qu'il ne sorte de votre bouche aucune parole malsaine mais, s'il en est besoin, une bonne parole qui soit constructive et communique une grâce à ceux qui l'entendent. N'attristez pas l'Esprit saint de Dieu, par lequel vous avez été scellés pour un jour de rédemption. Que toute amertume, animosité, colère, clameur, calomnie, ainsi que toute malfaisance, soient enlevées du milieu de vous. Soyez bons les uns envers les autres, pleins d'une tendre bienveillance ; faites-vous grâce, comme Dieu vous a fait grâce dans le Christ.

lob juin2022 1Ephésiens 4, 17-32 (traduction LSG) 

1. À la suite de la fête de Pentecôte, nous sommes appelés à vivre selon l’Esprit. Vivre selon l’Esprit Saint, qu’est ce que cela veut dire ? Voilà ce que j’aimerai méditer avec vous aujourd’hui. 

2. Au prime abord, nous pouvons douter que le passage de la lettre aux Éphésiens que nous venons de réentendre puisse nous indiquer des pistes de réponses. 

Intuitivement, en nous appuyant sur nos souvenirs et nos lectures, nous aurions envie de dire que vivre selon l’Esprit, c’est vivre une libération, un envol. Ce qui nous retenait et nous pesait (nos peurs, nos hontes, nos déceptions, nos fautes) ne nous immobilisent plus. Nous recevons de plus loin que nous-mêmes de l’air, du souffle, des ressources qui nous permettent de nous élancer et de retrouver de la liberté. 

Ainsi intuitivement, nous avons envie de dire que vivre selon l’Esprit, c’est vivre avec ce sentiment de légèreté retrouvée.

Certes ce passage de la lettre aux Éphésiens parle d’être renouvelé par l’Esprit dans notre intelligence, de revêtir l’homme nouveau, des expressions qui véhiculent cette liberté retrouvée, cet envol. Cependant, ce passage est aussi rempli de jugements portés sur les autres, notamment quand les gens des nations sont critiqués parce qu’ils auraient  perdu leur sens moral et vivent dans la débauche. 

Ce passage est aussi rempli de recommandations moralisantes qui demandent, voir même exigent de bannir en nous et entre nous toute amertume, animosité, colère, clameur, calomnie, ainsi que toute malfaisance. 

Ainsi à cause de ces exigences morales radicales et pesantes, à cause de cette manière de pointer du doigt les autres en les accusant de multiples maux, nous avons de la peine à trouver au prime abord dans ce passage la lumière dont nous aurions besoin pour mieux comprendre ce qu’est la vie selon l’Esprit. 

lob juin2022 23. Mais, lorsque nous persévérons dans notre lecture, nous découvrons des pépites qui nous ouvrent des pistes de réponses tout à fait éclairantes. Par exemple, la pépite que j’aimerai partager avec vous ce matin tient en un mot. C’est le mot « Comme » qui se trouve au début et à la fin de notre passage. Au début : « ne marchez plus comme les gens des nations » ; à la fin : « faites-vous grâce, comme Dieu vous a fait grâce dans le Christ. »

Souvent, nous entendons dans ce mot «  comme »  l’invitation à nous comparer. Sous entendu, il ne faudrait pas faire comme lui, mais plutôt faire comme lui. Il ne faudrait pas agir comme les gens des nations, mais agir comme Dieu a agit dans le Christ. 

Cependant, il y a dans ce mot une idée qui nous pousse à aller plus loin dans notre méditation. Et c’est là qu’il devient une vraie pépite. 

Quand l’écrivain exhorte « faites-vous grâce comme Dieu vous a fait grâce dans le Christ », il nous dit ceci : que la grâce de Dieu qui a été révélée et incarnée par le Christ dans les contacts qu’il a eu avec ses contemporaines, eh bien que cette grâce soit la source qui vous alimente au moment où vous aussi vous tissez des liens avec vos contemporains. 

Oui que votre attitude les uns envers les autres soit le reflet de cette grâce de Dieu. Et votre attitude deviendra ce reflet non pas parce que vous l’aurez décidé et que vous vous serez efforcé à le réaliser, mais votre attitude deviendra ce reflet naturellement, parce que vous aurez simplement pris le soin de vous établir près de cette source, parce que vous aurez pris soin de venir régulièrement boire à cette source. 

Avant d’exiger de faire comme le Christ et de nous réprimander si nous ne faisons pas comme lui, l’écrivain nous exhorte à nous relier à la grâce que Jésus de Nazareth a révélée et incarnée. Avant de nous sermonner en nous lestant d’exigences radicales, l’écrivain nous exhorte au milieu des vicissitudes de l’existence, alors que nous courons le risque de nous éparpiller en nous laissant happer par moult sollicitations, de ne pas nous disperser, mais d’en revenir à la source et de boire à cette source; 

L’écrivain nous exhorte à revenir à cette borne de recharge qu’est la vie de Jésus de Nazareth et là nous brancher sur cette prise pour puiser toutes les ressources  dont nous avons besoin pour ensuite vivre selon l’esprit. 

Tout à l’heure, nous parlions de la vie selon l’Esprit comme étant un envol. Eh bien, ici dans ce passage, l’écrivain nous rappelle que la vie selon l’Esprit commence par être branché sur une borne de recharge afin que nos batteries soient alimentées et remplies par l’énergie qui vient de la grâce. 

Pour pouvoir nous élever et nous envoler, il nous faut toujours veiller à être bien rechargés en grâce.

4. Pour vérifier si nos batteries intérieures sont bien rechargées en grâce ou bien si c’est le moment de nous brancher pour les alimenter, n’avons-nous pas besoin d’indicateurs ? Sur chacun de nos appareils, il nous est possible aujourd’hui de vérifier l’état de notre batterie en affichant une petite icône avec un pourcentage. 

Quel indicateur nous offre ce passage de la lettre aux Éphésiens nous permettant de discerner si notre batterie est bien suffisamment rechargée ? C’est l’indicateur d’une tendre bienveillance. « Soyez bons les uns envers les autres, pleins d’une tendre bienveillance. » 

Qu’est-ce que c’est une tendre bienveillance ? Une bienveillance tendre est une bienveillance qui est suffisamment nourrie et portée pour rester tendre. 

Quand notre bienveillance reste tendre, cela est un des signes qui révèlent que nous vivons selon l’Esprit. 

Oui,  si avec le passage des ans, des épreuves et des coups, notre bienveillance les uns envers les autres devient un cuir dur et épais, c’est le signe que nos batteries se sont vidées sous les coups de boutoir de l’existence. C’est le signe que nos ressources intérieures s’amenuisent et que nous  avons besoin d’aller auprès d’une borne de recharge pour nous remplir à nouveau de la grâce. 

lob juin2022 35. En traversant l’existence, nous tissons les uns avec les autres des liens. Au sein d’une famille, sur notre lieu de travail, dans nos engagements associatifs, nous tissons des liens. Nous nous côtoyons, nous sympathisons, nous fraternisons, mais aussi nous nous heurtons, nous nous décevons, nous nous blessons. Et parce que nous nous blessons, nous nous méfions et nous nous refermons. 

Conscient de cette réalité, notre écrivain biblique la décrit avec des expressions comme l’endurcissement du coeur, ou bien l’anesthésie de nos sens. Or comme remède à cette tendance naturelle, l’écrivain nous exhorte à ne pas devenir étranger de la vie de Dieu, ce que je traduirais par ne pas devenir étranger à la  grâce. Car c’est en ayant un contact régulier avec cette grâce, c’est en branchant à cette source, que nous recevrons les ressources dont nous avons besoin pour que notre bienveillance reste tendre. 

Quand un autre nous déçoit ou nous blesse, nous ne pouvons pas rester tendre en simplement prenant sur nous le poids de ce qui ne va pas ; en chargeant la mule que nous sommes, nous allons bien pouvoir pendant un certain temps montrer aux autres que nous restons tendres, mais ce n’est qu’une tendresse de façade. A un moment donné, trop lestée, épuisée par tous les efforts qu’elle aura fait,  la mule craque et fait un burn-out. 

C’est pourquoi, quand un autre nous déçoit ou nous blesse, l’enjeu est d’être près d’une source qui alimente en nous la bienveillance. C’est en étant près de cette source que nous recevrons de plus loin que nous-mêmes les ressources dont nous avons besoin pour que notre bienveillance soit capable de contenir les déceptions et les blessures sans être anesthésiée par elles. 

Une bienveillance qui reste libre, qui reste légère, qui reste tendre, c’est une bienveillance qui demeure près d’une source capable de l’alimenter en toute circonstance.

6. Vivre selon l’Esprit, qu’est-ce que cela signifie ? C’est vivre en veillant à ce que notre bienveillance ne soit pas anesthésiée par les insatisfactions et les blessures de l’existence, mais qu’elle puisse continuer d’être tendre. 

Elle continue d’être tendre, lorsqu’elle se branche sur une source, la grâce de Dieu, et qu’elle accueille au coeur de sa faiblesse une tendresse inépuisable. 

Amen

Luc-Olivier Bosset, le 12 juin 2022 à Maurin
Crédit images: AvdL, château La Roque, 26-6-2022