Alléluia ! Toi mon âme, loue le Seigneur ! Je veux l'acclamer toute ma vie, célébrer mon Dieu par mes chants tant que j'existerai. Ne comptez pas sur les gens influents : ce ne sont que des êtres humains, ils sont impuissants à sauver. Dès qu'ils rendent leur dernier souffle, dès qu'ils retournent à la terre, leurs projets périssent avec eux. Heureux celui qui a pour secours le Dieu de Jacob et qui met son espérance dans le Seigneur son Dieu ! Il a fait les cieux et la terre, la mer, avec tout ce qui s'y trouve. Il est l'éternel gardien de la vérité. Il rend justice aux opprimés, il donne du pain aux affamés. Le Seigneur libère ceux qui sont enchaînés, le Seigneur rend la vue aux aveugles, le Seigneur remet debout ceux qui fléchissent, le Seigneur aime les justes. Le Seigneur protège les réfugiés, il soutient la veuve et l'orphelin, mais il fait échouer les projets des méchants. Le Seigneur règnera pour toujours. Il est ton Dieu, Sion, de siècle en siècle ! Alléluia !

Psaume 146 (Version Nouvelle Français Courant) 

lob 271122 11. Il est très intéressant de s’arrêter quelques instants auprès de ces paroles du psaume 146, car ces paroles nous permettent de faire une distinction pouvant nous aider à mieux vivre les déceptions du quotidien. La distinction entre espoir et espérance.

2. Pour ma part, je décrirai l’espoir comme étant cette attitude où à partir de mes expériences, je me mets à espérer une amélioration. Je me sens remplis d’espoir lorsque, à partir de ce que je connais, je me mets à imaginer une progression; une progression telle qui permettra un jour enfin d’accéder à la situation rêvée à laquelle j’aspire tant. Je me sens remplis d’espoir lorsque je me mets à imaginer la communauté de mes rêves, le conjoint de mes rêves, le travail de mes rêves ; pour y parvenir, il faudrait juste trouver le moyen d’améliorer l’existant. Pour cela, il faudrait juste arriver à réfléchir un peu, rassembler des moyens et ensuite faire un effort. Le rêve n’est pas loin. Si on arrive à parfaire l’existant, on pourra le savourer. Je suis rempli d’espoir lorsque ayant conçu la situation rêvée, je m’attelle à perfectionner l’existant. 

3. Dans cette logique de l’espoir, la déception peut être vécue comme quelque chose d’insupportable. Car elle vient doucher nos plus belles attentes.

Quand la communauté nous déçoit, nous claquons la porte. Quand le conjoint nous déçoit, nous lui accordons peut-être un sursis, mais la prochaine fois, lui disons-nous, nous lui passerons la corde au cou. L’autre qui nous déçoit nous est tellement exaspérant que nous en devenons durs avec lui. 

Parfois, nous sommes tellement attaché à nos espoirs, ces derniers nous paraissent tellement important et beaux, que nous les préférons à la réalité telle qu’elle se donne à nous. Nous préférons le conjoint de nos rêves au conjoint que nous avons en face de nous. Nous préférons tellement notre conjoint rêvé que nous nous mettons à exiger l’impossible du conjoint réel.

Quand nous sommes remplis d’espoir et que les choses ne vont pas comme nous le voudrions, nous devenons cinglants. Nous accusons l’autre, les autres de tous les maux ; ou bien même parfois, c’est contre nous-mêmes que nous retournons notre amertume. Parce qu’elle nous met dans de tels états, nous préférons esquiver le plus possible la déception lorsque nous sommes remplis d’espoir.

Quand la déception surgit en nous ou autour de nous, nous la craignons. Car nous ne savons pas comment la gérer. Nous en venons même à préférer l’éviter, en espérant qu’elle disparaitra toute seule.

4. Ainsi, dans cette logique, nous en venons à nous dire : qui ne fait pas l’expérience d’amélioration, de progression de son quotidien vers le quotidien qu’il s’est imaginé et qui le remplit d’espoir, alors celui-ci ne peut pas avoir d’espérance.

Une personne qui ne ferait que des déceptions ne pourrait pas avoir d’espérance. Une personne qui ne ferait que des expériences frustrantes ne peut que sombrer dans la désillusion, l’amertume et le désespoir.

5. Eh bien, c’est en contre pied de cette logique là, que les Écritures bibliques nous témoigne d’une autre attitude. Là où la logique que je viens de décrire affirme « là où il y a la déception, il n’est pas possible d’espérer » , les Écritures bibliques osent affirmer : là où il n’y a plus d’espoir, il est possible de découvrir et vivre l’espérance.

Alors qu’aujourd’hui, nous entrons dans le temps de l’Avent, je trouve tout à fait étonnant la manière dont les Écritures bibliques nous racontent la longue attente du Messie.

Quand nous plongeons dans les récits bibliques, nous réalisons que cette longue attente est jalonnée de déceptions. Au lieu que le fil de la narration fasse mention de héros qui au fur et à mesure du temps qui passe s’améliorent et progressent, eh bien ce fil de la narration ne fait que mettre en lumière des héros décevants et frustrants. Au lieu que l’histoire parcourue par Israël montre une prise de conscience graduée et ascendante, cette histoire nous emmène de désillusions en désillusions.

Sans exception, les rois qui se succèdent et qui devaient être un peu mieux que leur prédécesseur la figure du messie tant attendu, eh bien tous ces rois les uns après les autres se révèlent ne pas être à la hauteur.

Les prophètes surgissent pour piquer le peuple afin que ce dernier ne placent pas son espérance dans de telles figures humaines, le peuple lui aussi, ainsi que certains prophètes ne se montrent pas à la hauteur. Plus nous lisons les Écritures bibliques, moins nous sommes mis en contact avec des récits enjolivés qui pourraient nous faire rêver. Plus nous tournons les pages du vieux livre, plus c’est à désespérer qu’un jour puisse apparaître enfin le sauveur tel que nous l'imaginons.

Or c’est cette longue histoire qui nous permet de passer de l’espoir à l’espérance. A la manière dont les choses sont racontées, les Écritures nous apprennent à ne craindre aucune déception. Car là où il n’y a plus d’espoir, il est possible de vivre l’espérance.

lob 271122 26. Mais qu’est-ce que l’espérance ? Si jusqu’à maintenant, j’ai précisé ce que pouvait être l’espoir, je n’ai encore pas pris le temps de clarifier ce que pourrait être l’espérance. Le psaume 146 nous ouvre une belle perspective, lorsqu’il affirme :

Heureux celui qui met son espérance dans le Seigneur! Lui qui a créé les cieux et la terre, la mer, avec tout ce qui s'y trouve. L’espérance, ce n’est pas attendre l’amélioration de ce qu’on connait. L’espérance commence lorsqu’on se reconnait comme créature face à un Créateur.

Qu’est-ce que cela veut dire ? Nous reconnaître comme créature, c’est reconnaître que tout un ensemble de conditions ont été réunies pour que notre existence soit rendue possible. Notre venue à l’existence ne dépend pas de nous. Un ensemble de circonstance ont été données qui a permis notre advenue à la vie.

Nous reconnaitre comme créature, c’est reconnaitre tout ce donné. Par exemple dans le psaume 146, l’écrivain fait mention de l’orphelin, de la veuve, de l’opprimé. Or par la manière dont il les mentionne, nous comprenons de suite que la dignité de chacune de ces personnes est un fait élémentaire, une donnée de base. L’orphelin, la veuve, l’opprimé n’ont pas à faire quelque chose qui puissent améliorer leur situation pour qu’enfin ils soient les uns et les autres reconnus comme dignes.

Non ! Quoi qu’il puisse arriver, que les uns et les autres réussissent ou non à améliorer leur situation, leur dignité leur est donnée. L’espérance s’ancre là : endurer une situation éprouvante, en étant confiant que ni le fait d’être orphelin, veuve, immigré, aveugles, courbés, affamés ne nous enlèvent cette dignité reçue de Dieu dès notre création. C’est parce que cette dignité leur est irrévocable que ces personnes n’attendent plus que, comme le dit le psaume, que des gens influent les sauvent.

Certes, si ces gens influent pouvaient participer à l’amélioration de leur situation, cela serait une très bonne chose. Mais dans le fond, le psalmiste invite à ne pas placer toute sa confiance dans ces gens influents, car eux aussi sont des gens qui un jour passent et avec eux aussi les capacités d’amélioration.

Ce faisant, le psalmiste invite à ancrer notre espérance dans un terreau plus profond, afin que quand tout passe, nous puissions garder l’espérance.

7. Donc, dans ce psaume, la dignité n’est pas connue selon le modèle que nous nous serions forgé d’une amélioration possible. Non ! La dignité est un donné de base. la dignité est reçue. Cette dignité, nous n’avons pas à l’imaginer ; nous avons à toujours mieux à la recevoir, nous ouvrir à elle afin de mieux la comprendre. La dignité, nous n’avons pas à la construire, nous avons à toujours mieux la découvrir. 

lob 271122 38. Sur la base de cet exemple, nous pouvons mieux percevoir en quoi l’espérance est différente de l’espoir. La grande différence se trouve dans la manière dont nous vivons nos déceptions. L’espoir nous fait craindre et éviter les déceptions.

L’espérance les endure sans s’y résigner. Quand nous nous rappelons que nous ne sommes que des créatures qui avons reçu notre dignité du Créateur, alors, nous pouvons être déçus parce que l’autre ne se comporte pas de manière digne comme nous l’avions imaginé, nous pouvons être éprouvés, contrariés, dépités, désillusionnés, désenchantés, désabusés, trahis, révoltés parce que l’autre par son comportement vient fracasser la dignité que nous avions conçue, oui nous pouvons ressentir tout cela, mais cependant, nous ne sommes pas sans espérance.

Car au fond de nous, brûle cette braise : quoi que nous fassions ou pas, la dignité ne dépend pas de nous. Comme le dit le psaume : ce n’est pas nous qui sommes les gardiens de la vérité ; c’est le Créateur. 

9. Le psaume 146 décrit celui qui a appris à faire la différence entre espoir et espérance comme étant heureux. Heureux ici ne signifie pas être béa, naïf, planer et vivre hors sol. Heureux, parce que désormais celui ou celle qui est ancré dans l’espérance est capable d’accepter les lourdeurs du quotidien et les imperfections des autres sans être submergés par la colère ou le désespoir. Il est heureux parce qu’au contact des tares, il se laisse être rejoint par une espérance qui vient de plus loin que lui !

Elle est heureuse parce qu’au contact des défaillances humaines, elle a laissé ses propres attentes se dégonfler et que ce faisant, elle a découvert l’espérance du Créateur pour ce monde. Il est heureux parce que son espérance étant placée dans le Seigneur, et non plus dans sa capacité à améliorer les choses, alors il n’attend pas tout de la situation. Il n’accuse plus les autres de tous les maux quand les choses dérapent.

Elle est heureuse parce qu’au lieu d’exiger l’impossible de elle-même, elle fait ce qu’elle peut faire, en étant consciente que ce n’est pas tout et aussi en étant ouverte et curieuse de voir comme les autres feront ce qu’ils pourront faire.

Il est heureux parce qu’en accueillant ce que les autres peuvent leur donner, il accepte que cela reste toujours relatif, imparfait. Elle, il est heureux car en arrière-fond, ils ont compris que Dieu n’est pas la fine pointe de ce qu’ils ont réussi, mais que Dieu est celui qui les recueille lorsque leurs déceptions les font tomber de haut.

Amen

Luc-Olivier Bosset, le 27 novembre 2022 à Maurin.
Crédit images: AvdL. 1-Fontaine de Fontestorbes (2022), 2-Quissac (2022), 3-Château La Roque à Fontanès (2022)