« Le cœur tourné vers Noël, nous couvons du regard la couronne de l’avent qui s’illumine peu à peu comme éclot lentement une fleur. L’avent, temps d’espérance et de joie. Car nous connaissons ce que nous attendons : la venue de Jésus, le petit enfant emmailloté dans la crèche, l’étoile qui guide les mages, et les anges qui chantent « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la Terre aux hommes… ».

Mais voilà que les traductions s’emmêlent, car il y a ici un mot grec difficile à rendre en français. Il contient l’idée du plaisir, de la faveur, de la volonté, au sens de « ce dans quoi l’on se complait, car c’est ce qui est selon la volonté ». On pourrait alors traduire quelque chose comme « paix sur la Terre aux hommes de la joie », mais on ne sait toujours pas s’il s’agit de la joie de Dieu ou de celle des hommes ! On comprend mieux les différentes traductions possibles : « Paix sur la Terre aux hommes que Dieu aime » (ceux qui font la joie de Dieu), ou encore « Paix sur la Terre aux hommes de bonne volonté » (ceux qui se réjouissent).

Ce verset est tiré de l’évangile selon Luc où ce mot ou ses dérivés reviennent trois autres fois. Or, à chaque fois, il s’agit de la joie de Dieu ! Après le baptême de Jésus, Dieu lui dit « Tu es mon fils bien-aimé, en toi je me réjouis. » (Lc 3, 22). Plus loin, c’est Jésus qui parle : « Je te loue, Père, de ce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents, et de ce que tu les as révélées aux petits ; oui, Père, il en est ainsi selon ta joie » (Lc 10, 21). Enfin, « Ne crains pas, petit troupeau, car c’est la joie de votre Père de vous donner le Royaume. » (Lc 12, 32).

noel300x300Y aurait-il alors dans notre verset une idée d’élection, une paix réservée à ceux qui font la joie de Dieu ? Noël serait-il exclusivement pour ceux qui sont conformes à la volonté de Dieu ? Oui. Mais sans doute nous faisons nous une fausse idée de ce qu’est la volonté de Dieu. Les trois autres passages de Luc nous éclairent pourtant sur ce que Dieu choisit, et en qui il place sa joie. Il s’agit non pas des sages, mais des petits, non pas d’une foule bien assurée, mais du petit troupeau craintif. Quant à Jésus, cette déclaration ne retentit pas dans l’éternité de sa divinité, mais au cœur de son humanité, au moment où Dieu choisit de marcher pleinement sur le chemin des hommes sans éviter la repentance du baptême qui pourtant ne semble pas le concerner. Oui, il y a élection de la part de Dieu. Il y a élection de ce qui est petit et temporel… Mais il n’y a pas élection parmi les hommes, il y a élection des hommes. Dieu a choisi l’Humain pour marcher avec lui sur son chemin.

Le chant des anges s’adresse ainsi à tous les hommes, à chacun d’entre nous : Paix sur la Terre parmi les hommes que Dieu a fait hommes selon sa volonté. Alors ne craignons pas d’être humain, ne craignons pas d’être petits et temporels, ne craignons pas d’être fragile comme Jésus dans la crèche. Ne cherchons pas à être suffisants, mais cherchons plutôt à marcher ensemble, avec Dieu, et avec nos frères. Allons, dans la Paix de Dieu.

Solène Caux-Vaissié  (décembre 2022)