Créée en 2012, l’Église Protestante Unie de France (EPUF) est l’union de l’Église réformée de France et l'Église évangélique luthérienne de France. Ces deux Églises sont nées au XVIe siècle dans le mouvement de la Réforme. Elles sont membres fondateurs de la Fédération protestante de France (1905). Cette nouvelle Église s’inscrit dans une dynamique commune, en vue d’un meilleur témoignage et de service de l’Évangile au sein de la société française. Elle prend en compte le plus largement possible la diversité existant dans les traditions luthérienne et réformée avec la volonté de s’en enrichir. Voici un article qui présente le protestantisme vu par un membre de l’Église protestante unie.

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Repères :

  • 400 000 personnes font appel aux services de l’Église protestante unie de France
  • 500 pasteurs dont 1/3 de femmes
  • 480 paroisses
  • 1 100 lieux de culte
  • 2 facultés de théologie
  • 9 régions
  • 10 000 animateurs et responsables
  • 250 000 participants à la vie de l'Église

En France, 1,5 million de personnes se disent protestantes de convictions (3 % de la population métropolitaine)

L’Église protestante unie dans l’histoire du protestantisme

  • Évolutions. Au XVIe siècle, la Réforme protestante apparaît presque simultanément en plusieurs points d’Europe. Elle est unie sur des convictions fondamentales : Dieu est un Père qui nous aime inconditionnellement et non pas un juge qu’il faut craindre ; tous les humains sont égaux devant lui ; la Bible a plus d’autorité que l’Église, etc. Elle est diverse dans ses formes et ses expressions. En France, elle naît au carrefour des idées luthériennes venues du monde germanique et de l’humanisme de la Renaissance. Les Églises luthériennes et réformées constituent ce que l’on a coutume d’appeler les Églises historiques du protestantisme. Les Églises réformées se réclament de la tradition héritée du réformateur français Jean Calvin (1509-1564) qui avait mis l’accent autant sur la souveraineté des Écritures que sur la toute puissance de Dieu. Les protestants français ont toujours été une petite minorité. Longtemps persécutés, ils ont progressivement trouvé leur place dans la société française, à partir de la Révolution et grâce aux progrès de la laïcité, dont ils ont été des promoteurs actifs.
  • Le protestantisme contemporain se diversifie. En France, les deux tiers de ses Églises et mouvements sont membres de la Fédération protestante de France, dont l’Église protestante unie fut cofondatrice (en 1905) et dont elle est la première Église en nombre de membres. Le protestantisme évangélique (baptistes, pentecôtistes, etc.) est en croissance, en particulier grâce aux protestants venus d’outre-mer et de pays du Sud. Le protestantisme luthérien et réformé se renouvelle : la création de l’Église protestante unie en 2012 en témoigne.


Quels sont les « piliers » du protestantisme ?
Le protestantisme a quelques principes forts, depuis Martin Luther jusqu’à ce jour.

  • La foi seule. En méditant la Bible, Luther a redécouvert le sens profond de la foi : être reconnu juste aux yeux de Dieu. Aucune oeuvre, même bonne, ne peut permettre à l’homme de « mériter » ce regard de Dieu. Seule la foi compte !
  • La grâce seule. Cette foi, les protestants estiment qu’elle est l’oeuvre de Dieu et non de l’homme (Luther). Ce don est adressé à tous, même si tous ne s’en saisissent pas. L’Évangile est la bonne nouvelle de l’amour de Dieu sans condition pour l’homme. Elle est cette grâce première de Dieu qui suscite la foi. L’homme ne vit que de cette grâce (1 Co 15,10).
  • En même temps juste et pécheur. Le croyant juste par la foi n’en est pas moins pécheur par ses actes. Guidé par sa lecture de la Bible et travaillé dans son coeur par l’Esprit, le croyant est amené à devenir meilleur, un peu plus chaque jour.
  • L’Écriture seule. Martin Luther revalorise la Bible en refusant la tradition des Pères de l’Église (Tertullien, Origène...) et rend la Bible au peuple en la traduisant dans sa langue. Il va aussi simplifier l’interprétation de la Bible en définissant une méthode de lecture : tout passage biblique est à comprendre en fonction de la venue et de la mort de Jésus-Christ. Comme la Bible est la seule source d’autorité pour le croyant, cela l’amène à refuser toute autre autorité sur sa vie, et en premier lieu celle du pape.
  • Le sacerdoce universel. Vivant tous de la grâce de Dieu, et tous enseignés par la Bible, tous les croyants sont « prêtres » et peuvent donc enseigner, baptiser ou présider la Cène.
  • Christ seul. Il n’y a aucun autre médiateur que le Christ. Marie ne peut en aucun cas répondre aux prières des croyants, pas plus que les saints. Le Christ est le seul Seigneur et Sauveur, le seul en qui l’homme peut se confier et le seul qui ouvre le sens de l’Écriture.
  • L’Église doit sans cesse se réformer. L’Église est une réalité humaine. Elle peut se tromper, comme disait Luther. Elle doit sans cesse regarder si son fonctionnement est fidèle à la Bible.
  • Dieu seul. La vie du croyant n’a d’autre but que de rendre gloire à Dieu, par ses actes et ses paroles. « À Dieu seul la gloire ! », dira le protestant à l’instar de Jean-Sébastien Bach qui signait ainsi ses manuscrits.

(Christophe Jacon, Hors-série 95 questions sur le protestantisme)

Les convictions de notre Église protestante unie

  • Nous vivons d’une confiance reçue et partagée. « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son fils… », affirme l’Évangile selon Jean. Cet amour nous précède. Ce don est premier, gratuit. Cette confiance est inconditionnelle. Puissamment libératrice, elle nous appelle à faire confiance à notre tour.
  • La lecture de la Bible nous met debout. Loin d’être un règlement à appliquer, la Bible est comme une bibliothèque de 66 livres qui font appel à notre sensibilité et notre intelligence. Ensemble et avec l’Esprit de Dieu, nous la recevons comme la référence de notre foi, nous la lisons comme une source d’inspiration, nous l’interprétons pour vivre aujourd’hui. Lire la Bible nous rend acteurs et responsables.
  • Nous avons besoin les uns des autres. Dieu parle à l’intime de notre coeur en passant par la Bible et par le prochain. Nous ne pouvons pas être en relation avec Jésus-Christ sans l’être avec les autres. Chaque paroisse est solidaire des autres paroisses, et une Église particulière n’est rien sans l’Église universelle. En somme, Dieu nous appelle à ne jamais faire l’économie des autres, car c’est par eux qu’il nous rejoint.
  • La vie bonne est une vie sobre. Être sobre, c’est un style de vie qui favorise le partage, la responsabilité, la simplicité. Loin de toute austérité étroite (Jésus s’est laissé traiter de glouton et de buveur !), c’est ne pas se laisser fasciner par la dépense ostentatoire, qu’elle soit d’énergie, de ressources naturelles, d’argent. C’est garder sur nos projets et nos oeuvres, nos réussites et nos échecs, cette petite distance bienfaisante qu’on appelle l’humour !

Ces convictions ne sont pas nouvelles. On les résume parfois d’un slogan : Sola fide (la foi seule), Sola scriptura, (l’Écriture seule), ou d’une formule : sacerdoce universel des croyants (égalité et responsabilité commune entre pasteurs et laïcs)… Nous les croyons d’une pertinence inégalée aujourd’hui. (EPUF, Choisir la confiance)

Quelles différences protestants / catholiques ?
Ils appartiennent à la même religion. Mais ils forment deux confessions différentes car ils divergent sur certains sujets importants. D’abord, les protestants ne reconnaissent aucune autre source d’autorité pour la foi que la Bible (Ancien et Nouveau Testaments ont la même autorité).
Les catholiques ajoutent à celle-ci la tradition des Pères de l’Église : Tertullien, Saint Augustin, Origène... Dans cette dernière, et non dans les Écritures, se trouvent attestées les doctrines du Purgatoire ou de la prière aux saints.
Ensuite, les protestants contestent tant l’infaillibilité papale (tout le monde peut se tromper) que l’autorité qu’il s’arroge sur les consciences. Habité par l’Esprit, et guidé par Lui dans sa lecture de la Bible, le croyant peut connaître les voies sur lesquelles il est appelé à marcher. C’est la reconnaissance de l’égalité de chaque croyant, homme ou femme, quelle que soit sa place dans l’Église. Cela s’appelle le « sacerdoce universel ».
De plus, catholiques et protestants reconnaissent tous deux que le croyant est sauvé par l’amour de Dieu, au moyen de la foi. Mais les catholiques soutiennent que l’on peut lui associer un certain nombre « d’oeuvres » : tous ces actes bons accomplis par le croyant dans sa vie de tous les jours contribuent à son salut. Les protestants refusent cette conception. Ils disent que la foi est nécessaire et suffisante pour le salut : les oeuvres sont des conséquences « naturelles » de la foi.

(Christophe Jacon, Hors-série 95 questions sur le protestantisme)

  • Les protestants croient-ils en la Vierge Marie ? Marie, mère de Jésus, est mentionnée dans le Nouveau Testament. Elle apparaît comme un témoin privilégié, voire comme un modèle d’obéissance, de foi et de louange. En revanche, elle n’est pas l’objet de culte ni de vénération particulière. Seul Jésus-Christ est sauveur, rédempteur et intercesseur auprès de Dieu. Le protestantisme refuse donc toute forme de piété mariale et s’oppose aux dogmes catholiques récents de l’immaculée Conception (qui concerne la conception de Marie elle-même et non celle du Christ) et de l’Assomption. (Franck Honegger, Hors-série 95 questions sur le protestantisme)
  • Quels sacrements son reconnus chez les protestants ? Le baptême et la cène (communion) sont les deux seuls sacrements reconnus et pratiqués, Jésus n’ayant institué que le baptême (« Allez, de toutes les nations, faites des disciples, les baptisant... » Matthieu 28) et la Cène (« Faites cela en mémoire de moi » Luc 22,19). Le baptême est un signe d’amour (de Dieu), d’appartenance (à la communauté des croyants) et de vie nouvelle (par la foi confessée). Suivant les Églises protestantes, l’âge des baptisés varie selon qu’on insiste sur le signe de l’amour de Dieu (pour les enfants) ou bien la foi du baptisé et sa volonté de changer de vie (pour les adultes). De même, la pratique va de l’aspersion d’eau (EPUF) à l’immersion totale du baptisé. La Cène est célébrée avec du pain et du vin ou du jus de raisin. Le pain symbolise le corps du Christ, le vin son sang. Elle peut être pratiquée fréquemment ou non et rassemble soit la communauté (enfants compris), soit les croyants adultes baptisés, soit ceux qui se sentent dignes d’y participer. (Franck Honegger, Hors-série 95 questions sur le protestantisme).
  • Pourquoi les protestants rejettent-ils l’adoration des reliques et des saints ? Jean Calvin a répertorié pas moins de quatorze clous de la Croix dans son Traité des reliques ! Il y dénonce la superstition et tente d’ouvrir les yeux des croyants sur la réalité des reliques et de leur commerce. Aujourd’hui, les protestants considèrent toujours les reliques comme des objets d’idolâtrie qui éloignent du Christ et dénoncent toute forme de sacralisation. Dans le Nouveau Testament les croyants sont nommés « saints ». Mais aucun d’entre eux, si exemplaire soit-il, ne saurait être un protecteur ou un intermédiaire à qui un culte devrait être rendu. Leur vie peut cependant être un exemple de foi. (Franck Honegger, Hors-série 95 questions sur le protestantisme).
  • Les protestants croient-ils au purgatoire ? Le purgatoire serait un lien entre enfer et paradis dans lequel tous devraient aller après leur mort et avant leur jugement. Le protestantisme rejette cette conception, car elle n’est pas nommément citée dans la Bible. La seule mention existante vient de II Macchabées 12,39-45, qui n’appartient pas aux livres retenus dans les Bibles juive et protestante. La préparation pour le Jugement Dernier se fait uniquement pendant la vie terrestre, par la foi seule. Après la mort, plus rien ne peut être changé.

(Franck Honegger, Hors-série 95 questions sur le protestantisme)

Pourquoi des Églises protestantes par milliers ?
Des protestants, il y en a de toutes sortes : des réformés, des baptistes, des luthériens, des évangéliques, des pentecôtistes... De quoi y perdre son latin ! Comment expliquer ce phénomène ? Les protestants sont, comme certaines cellules humaines, « fissipares ». Autrement dit : ils se développent en se divisant. Chacun devenant par la suite une Église, une dénomination pour être exacte, autonome. Mais si pour la cellule humaine le processus de division est naturel, comment l’expliquer pour les protestants ? Tout simplement parce qu’ils ont des sensibilités différentes : les uns plus attachés à l’émotion, les autres plus sensibles au rituel ou à la réflexion. Mais plus fondamentalement, les divisions s’expliquent par la multiplicité des interprétations de la Bible. La fidélité à la Bible est si importante qu’ils préfèrent quitter une Église « infidèle » à leurs yeux pour créer, ou faire partie d’une autre Église, plus « fidèle ». Bref : un désaccord et « fissa, je pars » !

(Christophe Jacon, Hors-série 95 questions sur le protestantisme)

Texte : Claudine Albrecht (août 2016)