Maintenant, ainsi parle le Seigneur, celui qui te crée, ô Jacob, celui qui te façonne, ô Israël : n'aie pas peur, car j'ai assuré ta rédemption. Je t'ai appelé par ton nom : tu es à moi ! Si tu traverses les eaux, je serai avec toi ; si tu passes les fleuves, ils ne t'emporteront pas ; si tu marches dans le feu, tu ne te brûleras pas, et les flammes ne te dévoreront pas.
Car je suis le Seigneur (YHWH), ton Dieu, le Saint d'Israël, ton Sauveur ; je donne l'Egypte en rançon pour toi, Koush et Seba à ta place. Du fait que tu as du prix à mes yeux, du fait que tu es glorifié et que je t'aime, je donne des hommes à ta place et des peuples pour ta vie.
N'aie pas peur, car je suis avec toi ; de l'orient je ramènerai ta descendance et de l'occident je te rassemblerai.
Esaïe 43, 1-5 (Nouvelle Bible Segond)
Un jour, nous sommes venus au monde.
Quand nous regardons l'immensité du cosmos, nous réalisons le miracle que c'est qu'une toute petite planète (2 : planète terre) comme la nôtre ait pu développer des conditions pour permettre à des êtres aussi complexes que nous de naître, vivre et se développer.
Oui, quand nous regardons le ciel étoilé la nuit, nous pouvons être émerveillés. De nous dire : incroyable, nous sommes un tout petit point perdu dans l'immense univers et nous sommes vivants ! Nous aurions pu tout à fait ne jamais exister. La terre aurait pu se trouver à quelques moi d'années lumières de là où elle a été placée et la vie n'aurait pas pu se développer. Il aurait fait trop chaud ou trop froid. Or, cela n'a pas été le cas. Nous avons reçu l'occasion d'être vivants.
Quel cadeau ! Comment allons-nous répondre à ce cadeau ???
Quand nous recevons un cadeau à notre anniversaire, nous savons à qui dire merci et nous savons qu'il faut dire merci. Une fois que nous l'avons dit à la bonne personne, nous savons que nous avons fait ce qu'il fallait faire.
Cependant, quand nous parlons du cadeau qu'est la vie, à qui allons-nous adresser ? Pour dire quoi ?
Vaste question ! Enorme question où il n'y a pas de réponse toute faite et qui nous laisse perplexe, ne sachant pas comment y répondre.
Une réponse possible à cette question, c'est de nous dire : nous avons reçu des capacités, de l'intelligence, de la force, eh bien, utilisons pleinement toutes ces capacités, car c'est ainsi que nous exprimerons le mieux notre reconnaissance pour le cadeau reçu.
C'est ainsi que certains en utilisant pleinement les ressources qu'ils ont reçues se mettent à pratiquer une activité, une activité qui tout en leur donnant beaucoup de plaisir, leur donne aussi l'occasion d'entrer en relation les uns avec les autres et de vivre de beaux moments.
Pour certains, c'est la musique.
Pour d'autres c'est le sport.
Pour d'autres encore, c'est le contact avec les animaux.
En déballant leur cadeau, en découvrant leur capacité, certains en viennent à se comparer à d'autres. Cela gâche leur plaisir d'être vivants. En pratiquant leur activité, ils ou elles réalisent que quelqu'un d'autre réussit mieux qu'eux, comme si lui avait reçu plus de capacité, ou qu'il arrivait mieux à les utiliser.
Ainsi obnubilé par cette comparaison, ils n'arrivent plus à se réjouir d'être là. Ils se mettent à douter d'eux-mêmes en pensant qu'il faut qu'ils travaillent dur pour enfin avoir le droit d'être accepté parmi le groupe.
Au lieu que ce soit la joie et la gratitude d'être vivant qui soit leur moteur pour utiliser à fond leur capacité, c'est le stress et la sensation de devoir prouver leur valeur qui les motive à agir.
Dans ces moments-là, il peut être bon de se rappeler un passage de la Bible comme celui que nous venons de réentendre.
Quand le peuple d'Israël reçoit cette parole, il est en train de vivre une crise. Il se pose beaucoup de question sur lui-même, sur sa vie et se demande ce qu'il fait sur terre.
Le peuple d'Israël vient de voir sa capitale Jérusalem être détruite, son temple symbole de sa richesse, être incendié. Car un autre peuple, plus puissant l'envahit et une armée étrangère occupe tout son territoire.
C'est un grand moment de doute : le peuple d'Israël se dit qu'il n'a pas réussi à exister en tant que peuple indépendant, qu'il a été moins bon que d'autres dans sa manière de diriger sa vie. Bref parce qu'il a moins bien su utiliser toutes ses capacités, il a moins de valeur et de dignité que d'autres.
Or au milieu de tous ces doutes, voilà que le prophète Esaïe fait entendre la voix de Dieu. Dans ce contexte, Dieu n'est pas celui qui se moque d'Israël en lui disant : bien fait, tu n'as pas réussi ! Dieu n'est pas celui qui gronde Israël en lui disant, espèce d'incapable, pourquoi n'as-tu pas réussi ?
Dieu est celui qui dit à Israël :« Je t'ai appelé par ton nom, tu es à moi. »
La dignité d'Israël ne dépend pas de la manière dont il a rempli son rôle. Elle dépend de Dieu qui même au creux de la vague, lui dit : je t'appelle. Je désire être en relation avec toi, car je t'aime, tu as de la valeur et du prix au point que pour toi, je suis prêt à mettre son pesant d'or. Toutes les richesses de l'Égypte, de Koush et Seba pour toi.
En m'adressant ainsi à toi, je ne te demande pas d'être quelqu'un d'autre, je ne te demande pas d'être comme l'Égypte, l'Assyrie ou Babylone. Non, je t'appelle par ton nom. Je t'offre une relation qui te donne du temps et de l'espace afin que tu puisses pleinement porter ton nom. Pour que tu puisses devenir Israël, le peuple unique que tu es.
Un peuple qui a une histoire particulière, qui vit des hauts et des bas. Un peuple qui est loin d'être parfait. Mais un peuple qui comme chaque autre peuple a reçu le cadeau d'exister.
Alors réponds à ce cadeau, en ne te comparant pas aux autres, en ne cherchant pas à faire comme les autres. Mais réponds à ce cadeau en vivant ta vie, en portant ton nom, de manière la plus sage possible.
En venant sur terre, nous avons reçu du temps, un corps, de l'énergie, un cœur, de l'intelligence, un cerveau, un goût pour être en relation les uns avec les autres...
Parfois, nous avons vécu des expériences qui nous font douter de toutes nos ressources, du coup, nous vivons comme si nous roulions en ayant laissé le frein à main. Nous vivons, nous faisons plein de choses dans la vie, mais avec un nœud, une crispation, une peur, une retenue.
Du coup, nous vivotons en n'osant pas vraiment puiser dans les ressources qui nous ont été données. Ce faisant, c'est comme si nous déballions à moitié le cadeau.
Ici, dans cette communauté chrétienne que nous formons, nous déballons chaque dimanche le cadeau qu'est la vie, en cherchant à être relié à Dieu.
Prier, c'est prendre le temps de réaliser tout ce qui nous a été donné comme ressource, de se dire : waouh, quelle machine incroyablement complexe qu'est mon corps, quel océan profond est mon intelligence, quelle source jaillissante peut devenir mon cœur, quelle capacité incroyable a ma langue pour tisser des relations...
Puis prier, c'est aussi recevoir de Dieu, dans n'importe quelle circonstance de notre existence l'interpellation à vivre en grand notre vie, car elle est unique !
Dieu est cette adresse qui nous invite à vivre en ne jouant pas petit, mais en portant pleinement notre nom. Au cœur de nos moments de doute. Quand nous nous consumons dans le feu de notre jalousie,
Quelles que soient les hauts et les bas, les fleuves, les tempêtes que nous ayons à traverser, Dieu est là, il nous accompagne.
Dans ces moments-là, il nous redit : je t'ai appelé par ton nom, tu es moi. Je désire tisser une relation avec toi, non avec quelqu'un qui aurait pu être quelqu'un d'autre. Je désire non pas tisser une relation avec quelqu'un qui est pasteur, mais bon qui ne sera jamais un Martin Luther King ; non, je désire tisser une relation avec toi en tant que Luc-Olivier.
Et quand moi, je doute, quand je me compare, Dieu est dans cette voix qui se dresse et qui me donne cette adresse : ne cherche pas à être quelqu'un d'autre, sois Luc-Olivier.
Une histoire issue de la sagesse juive raconte la chose suivante : le rabbin Zousia racontait à ses catéchumènes la chose suivante. Savez-vous quelle question le Seigneur, créateur du Ciel et de la terre, nous posera lorsque nous quitterons cette vie terrestre pour le rencontrer au ciel ?
Ses catéchumènes proposent :
- qu'as-tu fait de ton frère ?
- non dit le rabbin
- as-tu été aussi courageux que Moïse affrontant pharaon ?
- non dit le rabbin
- as-tu été aussi fidèle qu'Abraham quittant son pays pour aller dans un autre endroit dont il ne connaissait rien ?
- non dit le rabbin ; Dieu ne me demandera pas : as-tu été comme Abraham, Moïse ou David... Il me demandera simplement : Zousia, as-tu été dans ta vie Zousia ? Zousia, as-tu répondu au cadeau qu'est la vie, en vivant pleinement toutes tes capacités, en étant Zousia ?
Amen
Luc-Olivier Bosset, Cournonterral (le 1er octobre 2017)