Ainsi donc, tout comme vous avez accueilli le Seigneur Jésus-Christ, marchez en lui; soyez enracinés et fondés en lui, affermis dans la foi telle qu'elle vous a été enseignée, et soyez-en riches en exprimant votre reconnaissance à Dieu. Faites attention: que personne ne vous prenne au piège par la philosophie, par des tromperies sans fondement qui s'appuient sur la tradition des hommes, sur les principes élémen taires qui régissent le monde, et non sur Christ. En effet, c'est en lui qu'habite corporellement toute la plénitude de la divinité. Vous avez tout pleinement en lui, qui est le chef de toute domination et de toute autorité. C'est en lui aussi que vous avez été circoncis d'une circoncision qui n'est pas faite par la main de l'homme, mais de la circoncision de Christ, qui consiste à vous dépouiller du corps de votre nature pécheresse. Vous avez en effet été ensevelis avec lui par le baptême et vous êtes aussi ressuscités en lui et avec lui, par la foi en la puissance du Dieu qui l'a ressuscité. Vous qui étiez morts en raison de vos fautes et de l'incirconcision de votre corps, il vous a rendus à la vie avec lui. Il nous a pardonné toutes nos fautes, il a effacé l'acte rédigé contre nous qui nous condamnait par ses prescriptions, et il l'a annulé en le clouant à la croix. Il a ainsi dépouillé les dominations et les autorités et les a données publiquement en spectacle en triomphant d'elles par la croix.

Col. 2,6-15 (Nouvelle Bible Segond)

1.
lb160418Nous sommes dans le temps de Pâques. Profitons de cette période pour approfondir le sens que nous donnons à la résurrection. Souvent, quand nous pensons à la résurrection, nous pensons à quelque chose de futur. Quelque chose qui se situe en avant de nous, dans un temps que nous ne maitrisons pas, puisqu'il s'agit du temps après notre mort. Or les Écritures viennent brouiller cette perception. Car à certains endroits, comme dans la lettre aux Colossiens, il est question de la résurrection non pas comme quelque chose de futur, mais comme quelque chose de passé.

« ensevelis avec Christ par le baptême, vous vous êtes aussi réveillé ensemble, en Lui » (2,12).

En parlant ainsi de la résurrection, l'auteur de la lettre aux Colossiens ne vise pas à propulser ses auditeurs dans un futur improbable, mais il cherche à les reconnecter à une expérience qu'ils ont déjà vécue. L'expérience de leur baptême.

Cet angle d'approche est très intéressant. Pour faire comprendre la résurrection, il ne cherche pas à expliquer et décrire comment sera la suite. Il prend appuis sur un geste symbolique, le baptême et il dit à ses lecteurs : rappelez-vous ce que vous avez expérimenté lorsque vous avez vécu le baptême.

En quelques miettes de secondes, vous avez peut-être eu l'impression que des portes s'ouvraient et par leur entrebâillement, vous avez aperçu une autre dimension de la vie, une dimension profonde, vaste, lumineuse. Impression fulgurante qui demande par la suite bien des mois, voir des années pour être intégrée. Aujourd'hui encore, il s'agit de sonder les impressions profondes que ces instants fugaces ont laissé en vous.

Alors que la vie quotidienne a repris le dessus, alors que ses lecteurs ont tendance à oublier cette prise de conscience et de tout le potentiel qu'elle contient, notre écrivain cherche à réveiller ce souvenir en ses lecteurs afin qu'ils s'en nourrissent à nouveau.

« ensevelis avec Christ par le baptême, vous vous êtes aussi réveillé ensemble, en Lui » (2,12). Alors si vous êtes morts avec le Christ aux éléments du monde, pourquoi vous replacez-vous sous des prescriptions légales ? Pourquoi jouez-vous petit ? Pourquoi ne vivez-vous pas en tant que ressuscités ? Pourquoi ne vivez-vous pas tout le potentiel de vie, de liberté que vous offre le Christ ?

2.
Si notre écrivain peut ainsi lier la résurrection du Christ au geste symbolique du baptême, c'est parce que dans la première église, le baptême se faisait par immersion. Le catéchumène entrait dans l'eau accompagné par celui qui allait le baptiser. Si au moment d'entrer dans l'eau, le catéchumène était actif puisqu'il choisissait de le faire, au moment où il était plongé entièrement, et surtout au moment où il était retiré hors de l'eau, là le catéchumène était passif, puisque c'était la personne à côté de lui qui le saisissait pour le faire revenir à l'air libre.

L'enjeu de cette mise en scène était que le catéchumène expérimente un passage, celui de la mort vers la vie. La plongée symbolisant ici une noyade, une mort, et la saisie lui permettant d'être retiré des eaux, symbolisant le salut, la résurrection. Ce passage, il ne l'accomplissait pas seul, avec ses uniques ressources. S'il était actif durant ce passage, tout ne dépendait pas que de lui. Personne ne se baptise de lui-même, toute personne est baptisée par quelqu'un d'autre, avec quelqu'un d'autre.

L'enjeu était même que le catéchumène expérimente quelque chose de l'ordre de la naissance, puisque, après être resté un certain temps sous l'eau, lorsque le baptisé était tiré hors de l'eau, ses poumons se gorgeaient d'air comme ceux d'un nouveau-né sortant du liquide amniotique.

lb160418 2Ainsi par le rituel du baptême, il s'agissait de faire expérimenter au catéchumène quelque chose qui est au cœur de la foi chrétienne, l'expérience de la mort et de la résurrection. En faisant du baptême le rite de passage marquant l'entrée du catéchumène dans la foi chrétienne, la première église a voulu signifier que cette expérience de mort et de résurrection est cardinale pour la foi chrétienne.

L'identité profonde de Jésus se joue là. La résurrection n'est pas une anecdote, un épiphénomène dans la trajectoire de cet homme. Il en va là au contraire d'une caractéristique fondamentale de son identité. Jésus, sa vie durant n'a cessé de vivre cette dynamique de mort et de résurrection. D'ailleurs l'évangéliste Jean ne s'y trompe pas quand il fait dire à Jésus : « Je suis la résurrection et la vie ». Oui, Jésus est cette vie résurrectionnelle, cette vie qui traverse la mort pour ressusciter.

Être chrétien, être disciple du Christ, c'est donc se lier à cette vie dont l'identité est d'être la résurrection. C'es donc se lier à cette dynamique. Être chrétien, c'est, en étant lié au Christ, apprendre de lui à ne plus avoir peur de la mort, et surtout être entrainé par Lui vers la résurrection.

Le baptême est ainsi devenu le geste concret où symboliquement la catéchumène reliait sa propre vie à celle du Christ; où symboliquement on laissait Jésus dont l'identité intime était une dynamique de mort et de résurrection, où on laissait Jésus guider et façonner sa propre vie.

Ainsi la phrase « ensevelis avec Christ par le baptême, vous vous êtes aussi réveillé ensemble, en Lui » (2,12) contient tout cela :

  • ensevelis = fait référence à cette descente dans le fond sombre des eaux, cette noyade
  • mais cette descente, cet abandon, je ne les vis pas seul. Je les vis avec le Christ, je les vis à cause du Christ, pour le Christ, à la suite du Christ.
  • et parce que je suis lié au Christ ( le préfixe SUV se retrouve lié à chaque verbe de cette phrase), c'est Lui qui me saisit pour me retirer hors de l'eau, c'est en Lui, par Lui, grâce à Lui que je ressuscite.

Ainsi cette manière de parler de la résurrection au passé, nous invite à aborder nos situations de vie en nous posant les questions suivantes :

Quand je suis confronté à un changement dans ma vie, un décès, un déménagement, une réorientation professionnelle, est-ce que je me sens prêt à ressusciter avec le Christ ? Est-ce que je suis prêt, alors que je m'immerge dans l'inconnu, à laisser la parole de Celui qui est la résurrection et la vie me retirer hors de l'eau ? Est-ce que je suis prêt à LE laisser m'accompagner dans cette mort afin qu'il me fasse renaître et ressusciter en Lui ?

Dans les décisions que j'ai à prendre, est-ce que je suis prêt à lier ma vie à celle du Christ au point d'écouter sa parole et la laisser faire mourir en moi ce qui doit mourrir, ces vieilles habitudes usées et dépourvues de vie, ces peurs et ces blessures qui sont comme des boulets, et laisser aussi cette parole faire naître en moi ce qui doit naître, cette identité profonde de fils et fille de Dieu ?

Est-ce que je suis prêt à ressusciter avec le Christ ? Est-ce que je suis prêt à laisser se déployer dans toute ma vie, ce qui a été signifié symboliquement dans le baptême ? Est-ce que je suis prêt à devenir un homme, une femme, adulte, libre de tous ces « éléments du monde », pour reprendre à nouveau cette expression de la lettre aux Colossiens, ces éléments qui nous jugent et nous contraignent en nous disant « ne prends pas, ne goûte pas, ne touche pas... », mais qui, au fond, sont gonflé de vanité et des pensées de la chair ?

Est-ce que je suis prêt à ressusciter avec le Christ, à devenir en étant uni à lui, un être à la conscience éveillée, au jugement aiguisé, au coeur large, au regard lucide, apaisé et bienveillant ? Cette résurrection, cette nouvelle naissance, elle a eu lieu symboliquement au moment du baptême. Est-ce que je suis prêt à lui donner plus de place dans ma vie actuelle ?

3.
lb160418 3Très souvent, nous pensons que croire à la résurrection de Jésus, c'est être spectateur docile d'un événement merveilleux et fantastique, c'est être lecteur crédule d'un vieux récit tellement vieux qu'il parle de choses qui ne nous concernent plus. Ce n'est pas ce que nous dit la lettre aux Colossiens : croire au Crucifié Ressuscité, c'est accepter de plonger dans un processus qui nous concerne et nous renouvelle en profondeur. Croire au Crucifié Ressuscité, c'est, là où nous nous sentons vieux, usés, rabougris, fatigués, désabusés, se relier à Celui qui peut faire mourrir en nous le vieil homme et faire advenir l'être intérieur.

« ensevelis avec Christ par le baptême, vous vous êtes aussi réveillé ensemble, en Lui »(2,12).

En écrivant ceci l'auteur de la lettre aux Colossiens affirme que la résurrection ne concerne pas l'après-mort, mais notre vie ici bas. Nous ressuscitons quand nous faisons un avec Le Christ, quand nous nous relions au Christ, lui premier-né d'entre les morts, quand nous nous laissons être entrainé dans sa dynamique de Vie.

En écrivant comme il le fait, l'auteur des Colossiens ne cherche pas à expliquer la résurrection. La résurrection n'est pas affaire d'opinion, mais de relation. Il invite plutôt ses lecteurs à se relier au Christ. A laisser se tisser entre Lui et nous, une relation plus intime, plus personnelle, plus profonde. A laisser sa parole, son identité nous questionner, nous toucher, nous rejoindre.

Sommes-nous prêts à ressusciter avec le Christ ?

Amen

Luc-Olivier Bosset (Cournonterral, le dimanche 16 avril 2018)