Pour le méchant, la déclaration de transgression est au fond de mon cœur, aucune frayeur de Dieu devant ses yeux. Car il se regarde avec complaisance, pour consommer sa faute, pour assouvir sa haine. Les paroles de sa bouche sont malfaisance et tromperie ; il renonce au bon sens, au bien. Il prépare des plans malfaisants sur son lit, il se tient sur une voie qui n’est pas bonne, il ne rejette pas le mal. SEIGNEUR, ta fidélité est dans le ciel, ta constance va jusqu’aux nues. Ta justice est comme les montagnes de Dieu, tes jugements comme le grand abîme. SEIGNEUR, tu sauves les humains et les bêtes. Combien précieuse est ta fidélité, ô Dieu ! À l’ombre de tes ailes les humains trouvent un abri. Ils se rassasient de l’abondance de ta maison, et tu les fais boire au torrent de tes délices. Car auprès de toi est la source de la vie ; par ta lumière nous voyons la lumière. Conserve ta fidélité à ceux qui te connaissent, et ta justice à ceux qui ont le cœur droit ! Que les pieds de l’orgueilleux ne viennent pas jusqu’à moi, et que les mains des méchants ne me fassent pas fuir ! C’est là que tombent les malfaisants ; ils sont renversés et ne peuvent pas se relever.

Psaumes 36 (Nouvelle Bible Segond)

abs11.

Un jour un père questionne son fils : Pourquoi t’échappes-tu sans cesse pour aller courir dans la forêt ? Je cherche Dieu, dit l’adolescent. Mais, pourquoi aller dans la forêt pour le chercher ? dit le père,  Dieu n’est-il pas partout ? Et n’est-il pas le même partout ?  Alors pas besoin de t’échapper et d’aller dans la forêt pour le trouver !  Reste simplement là où tu es. C’est vrai, dit le fils, Dieu est le même partout… Cependant c’est plutôt moi qui ne suis pas le même partout. Quand je suis dans la forêt, je suis plus ouvert et disponible, c’est pourquoi j’ai besoin d’y aller pour Le rencontrer.

Peut-être qu’aujourd’hui, nous nous sentons proche de cet adolescent. Comme lui, nous cherchons Dieu. Nous sommes ouverts et curieux par rapport à ce qui est en relation avec la foi, la spiritualité, Dieu. Tout cela nous intéresse, nous sommes intéressés d’en découvrir plus, sans trop que nous soyons capables de dire précisément ce que nous cherchons.

Et dans cette quête, il y a des moments, il y a des endroits qui deviennent porteurs. Des endroits, des moments qui sont comme la forêt pour l’adolescent de notre histoire et qui nous permettent d’entrer dans une disposition d’esprit, une ouverture intérieure propices aux découvertes.

Cette disposition d’esprit, cette ouverture intérieure, nous ne l’obtenons pas par un décret de notre volonté. Cela nous est donné lorsque nous sommes dans un contexte porteur. Et ce contexte peut être :

  • une balade en forêt,
  • un temps de vacance où le rythme quotidien n’est plus trépidant, 
  • l’écoute d’une musique qui nous fait goûter une profonde émotion,
  • une rencontre enveloppée d’amitié et de bienveillance…  

À chacun ici de compléter la liste en disant ce qui a été pour lui un contexte porteur. Car le chemin dans notre questionnement s’invente, non pas simplement par l’effort de notre volonté, mais aussi et surtout lorsque nous trouvons, lorsque nous sommes rencontrés par un tel contexte porteur…


2.

Ici je me rappelle un conseil qui nous avait été donné lors de notre formation de pasteur :

« Vous allez devenir en quelque sorte des professionnels du religieux. La Bible, le temple, les chants… Jusqu’à présent tout cela vous a mis en route et a planté en vous le désir d’approfondir votre foi. Or maintenant, la Bible, le temple, les chants vont devenir votre lieu de travail. Et parce qu’ils vont devenir votre lieu de travail, il se peut qu’un matin, en lisant la Bible ou en chantant un chant, cela ne va pas vous ouvrir intérieurement. Il se peut qu’un jour en allant au temple, cela ne va pas vous mettre dans une disposition intérieur vous permettant de continuer votre quête de Dieu. Car tout cela vous rappellera trop les contraintes de votre boulot.  

Eh bien, si c’était le cas, il est très important que vous retrouviez un autre lieu, un autre endroit qui réveille votre désir, qui réouvre votre esprit. Ne vous entêtez pas dans un fonctionnement, trouvez plutôt votre forêt, ce lieu porteur où vous n’êtes pas le même afin de rester éveillé et ouvert,  trouvez ce milieu qui nous donne et redonne envie de prier, qui garde vivant en vous le désir d’être relié à ce Dieu qui nous attend partout. »

Même si vous ne vous destinez pas à devenir pasteur, je crois que tous nous sommes concernés par ce conseil. Quand notre pratique spirituelle devient routinière, quand ce que nous vivons, les paroles que nous entendons glissent sur nous comme l’eau sur les plumes d’un canard et que nous devenons imperméables à ce que nous lisons et à ceux que nous rencontrons, c’est le signe que nous avons besoin de retrouver notre forêt, ce lieu qui nous rend de nouveau perméables et ouverts  à la Vie !


abs23.

Pourquoi est-ce que je vous raconte tout cela ? En quoi est-ce en lien avec le psaume 36 que nous avons relu ? Dans ce psaume,  l’écrivain même s’il ne nous parle pas de forêt nous décrit son milieu porteur :

« Car auprès de toi est la source de la vie par ta lumière, nous voyons la lumière. »

Quand il est en relation avec ce « Tu », cela le réouvre à la vie. Il n’est plus hermétique, il ne se protège plus, il n’adopte plus ces attitudes qui font que petit à petit tout s’éteint et s’arrête. Non, il se réouvre. Grâce à la relation tissée avec ce « Tu », il se réouvre, il est retrouve le contact avec la source dynamique et rafraichissante de la Vie.

Auprès de ce « Tu », les journées du psalmiste ne sont plus une succession d’actes et d’action qui laissent secs et creux. Grâce à la relation avec ce «  Tu » mystérieux, ces journées redeviennent des occasions pour être remis en contact avec la Source.

Quand le psalmiste dit «  par ta lumière, nous voyons la lumière », il témoigne que dans l’atmosphère de cette relation avec ce « tu » mystérieux, à la lumière de ce qu’il vit grâce à cette relation, il se met à porter un regard renouvelé sur la vie. Auprès de cette source, le regard redevient clair, le regard redevient capable de percevoir la lumière, la vie en chaque chose. Auprès de cette source, le regard ne porte pas un jugement superficiel sur les êtres et les événements. Mais le regard se fait profond, le jugement qu’il porte devient, pour reprendre une autre métaphore de ce psaume, aussi profond que « le plus grands abîme ».

3.

Ces métaphores du psalmiste m’interpellent. Est-ce que pour nous, la relation à Dieu nous connecte à la Source de la Vie ? Est-ce que notre pratique spirituelle renouvelle notre regard au point que nous devenons capables de porter un jugement profond sur les situations de notre quotidien ?

Car souvent, pour nous, la religion est perçue comme des rails contraignants. Ce qui touche à la religion, les pratiques comme la catéchèse, le culte, les lectures de la Bible sont perçues comme des démarches fastidieuses qu’il faut accomplir avec obéissance et soumission.

Nous ne comprenons pas pourquoi un culte se déroule de cette façon. Nous ne comprenons pas pourquoi nous lisons la Bible et pas un autre livre, qu’importe ! Nous le faisons quand même car un tel déroulement, un tel livre sont sacrés et on ne change pas ce qui est sacré ! Au contraire, on se soumet à ce qui est sacré.

À cause de la sacralité dont nous revêtons chacune de ces démarches, la lecture de la Bible, le culte, la catéchèse deviennent des pratiques qui au lieu de nous remettre en contact avec la Source de la Vie, nous rendent secs et creux.

Si tel est notre état d’esprit, il est bon de laisser les métaphores du psalmiste nous rejoindre. Il est bon de l’entendre nous parler, non pas d’une cérémonie sacrée, mais d’un « Tu » qui l’ouvre, qui le reconnecte à la source de la vie. Car c’est cela qui donne de la solennité à cet écrit. C’est pour cela que nous conservons précieusement ce vieux passage de la Bible et que nous le méditons encore aujourd’hui :

abs3Parce qu’il nous invite à voir plus loin que le sacré. Si nos pratiques religieuses ont un sens, c’est parce qu’en les accomplissant, nous nous ouvrons à la vie. Si le fait de vivre un culte a un sens, si le fait de lire la Bible a un sens, c’est parce qu’au travers de ces pratiques, je suis peu à peu remis en contact avec un « tu » qui est comme une source qui m’ouvre à la vie.

4.

Au sein de notre société sécularisée où tout s’achète et se vend, nous n’avons pas à poursuivre coûte que coûte une tradition sans rien y changer, nous avons à persévérer, souvent en faisant des détours, dans une pratique qui nous ouvre peu à peu à une autre logique que celle de la consommation, une logique qui soit aussi généreuse et rafraichissante qu’une source.

Oui, quand dans notre quotidien nous sommes happés par des logiques réduisant l’existence  à n’être qu’un perpétuel calcul intéressé, il est bon de nous investir dans des pratiques nous ouvrant à une autre perception.

Et si pour persévérer dans de telles pratiques, il nous faut quitter nos temples pour vivre une balade en plein air, pourquoi pas ? Vu que nous ne sommes pas les mêmes partout, l’essentiel n’est pas de perpétrer coûte que coûte une tradition sacrée, l’essentiel est de trouver le contexte qui nous permette d’être vulnérable à ce « Tu »  pour qui la vie n’est pas qu’achat et vente, mais plutôt une source qui se donne généreusement pour  que l’autre grandisse.

Amen

Luc-Olivier Bosset, Prédication Balade Déclic du 26 août 2018, culte en plein air, Bois des Aresquiers. Images : https://unsplash.com/