Du chef de chœur. Psaume de David. Les cieux racontent la gloire de Dieu, la voûte céleste dit l’œuvre de ses mains. Le jour l’annonce au jour, la nuit l’explique à la nuit. Ce n’est pas un langage, ce ne sont pas des paroles, on n’entend pas leur voix. Leurs mesures apparaissent sur toute la terre, leurs accents vont aux extrémités du monde ; c’est là qu’il a placé une tente pour le soleil. Celui-ci, tel un marié sortant de sa chambre, tout content, se met en route, tel un vaillant guerrier. Il s’élance des extrémités du ciel et achève sa course à l’autre extrémité; rien n’est à l’abri de sa chaleur. La loi du Seigneur est parfaite, elle restaure la vie ; le témoignage du Seigneur est sûr, il rend sage le naïf. Les directives du Seigneur sont droites, elles réjouissent le cœur ; le commandement du Seigneur est limpide, il fait briller les yeux. La crainte du Seigneur est pure, elle subsiste à jamais ; les règles du Seigneur sont vérité, elles sont toutes justes ;  elles sont plus précieuses que l’or, que beaucoup d’or fin ; plus douces que le miel, que le miel qui coule des rayons. Moi-même, ton serviteur, je suis averti par elles ; pour qui les observe l’avantage est grand. Qui peut connaître ses erreurs involontaires ? Tiens-moi pour innocent de ce qui m’est caché. Préserve-moi aussi des gens arrogants ; qu’ils ne dominent pas sur moi ! Alors je serai intègre, innocent de toute transgression grave. Que les paroles de ma bouche et le murmure de mon cœur soient agréés de toi, Seigneur, mon rocher et mon rédempteur !

etoilesPsaumes 19 (traduction Nouvelle Bible Segond)  

1. «  Les cieux racontent la gloire de Dieu »
Ce matin, je vous propose de méditer autour cette phrase du psalmiste qui est traversée par un émerveillement profond. Si cette phrase vaut la peine que nous nous y arrêtions, c’est parce qu’elle oriente notre attention vers quelque chose capable de réveiller en nous des émotions lumineuses. 

En ce temps de crise sanitaire qui s’éternise, il est important et nécessaire d’orienter notre attention vers ce qui nous rendra capable de supporter l’atmosphère pesante dans laquelle nous nous trouvons.  Le philosophe Emmanuel Kant disait :  «Deux choses remplissent le cœur d'une admiration et d'une vénération toujours nouvelles et toujours croissantes, à mesure que la réflexion s'y attache et s'y applique : le ciel étoilé au-dessus de moi et la loi morale en moi. » (Emmanuel Kant, Critique de la raison pratique)

Eh bien, pour que notre coeur ne soit pas rempli de désolation, de peur ou de stress, mais d’une admiration toujours nouvelle, attachons-nous à réfléchir face au ciel étoilé. Pour que notre coeur ne soit pas rempli de peur ou de stress, mais d’une admiration toujours croissante, capable de porter la désolation, la peur ou le stress, attachons-nous à méditer  cette phrase du psalmiste : 

«  Les cieux racontent la gloire de Dieu » 

2. Si cette phrase est intéressante à méditer, c’est parce qu’elle nous confronte à une expression toute à fait particulière : la gloire de Dieu.

Bien que expression se retrouve souvent dans les Écritures bibliques, elle peut néanmoins nous rendre mal à l’aise. En tant que protestants impliqués dans le vivre ensemble de la  cité, nous pouvons nous méfier d’une telle expression qui, au lieu de nous ancrer dans la réalité et d’alimenter notre motivation à nous engager concrètement, nous ferait planer dans des  considérations mystico-stratosphériques. 

Pour dissiper cette méfiance, arrêtons-nous quelques instants autour de cette expression «  la gloire de Dieu » et demandons-nous ce qu’elle signifie ?  En hébreu, le mot gloire recouvre plusieurs sens : il fait référence à la parure, la beauté, mais aussi ce qui a du poids, de la densité, de la gravité. En grec, le terme signifie, quand à lui, la splendeur. 

Ainsi en nous appuyant sur les ressources sémantique de l’hébreu et du grec, nous pourrions dire que la gloire est une beauté splendide qui attire notre attention vers ce qui est grave, important, essentiel.

Le théologien Karl Barth rappelle que dans les Écritures bibliques, la gloire n’est pas un des nombreux attributs de Dieu. Les Écritures affirment que Dieu est patient, compatissant, généreux, bon, exigeant. Et nous pourrions penser que du coup, la gloire viendrait s’ajouter en complément à cette longue liste. Que la gloire serait un attribut parmi tant d’autres. 

Or ce n’est pas le cas ! La gloire, c’est ce qui rassemble, reprend, intègre tous les attributs. La gloire, c’est la pleine richesse de toute la réalité de Dieu. Si la gloire est belle, c’est justement parce qu’elle rassemble de manière mystérieuse, attractive, toutes les caractéristiques que l’on attribue à Dieu, pour en forger un ensemble subtile et saisissant. 

Parler de la gloire de Dieu, c’est parler de cette splendeur dans laquelle rien n’est laissé de côté, mais où tout, vraiment tout est repris, assumé, porté de manière à devenir rayonnant et lumineux.  

Karl BarthDans les Écritures, quand il est question de la gloire de Dieu, il n’est pas question d’un phénomène paranormal qui ferait planer et nous déconnecterait de la réalité. 

Non, il est plutôt question d’une splendeur qui suscite en l’humain des émotions lumineuses. Quand il est en contact avec la gloire de Dieu, les Écritures nous racontent que l’humain est saisi d’un respect profond, de gratitude, de jubilation. 

Ce que nous disent les Écritures, ce que pour susciter en nous du respect, de la gratitude, de la jubilation, Dieu ne se révèle pas comme un roi terrifiant et exigeant. Il ne s’impose pas de manière autoritaire, mais en se révélant à nous comme étant splendidement magnifique. 

Dieu éveille en nous des émotions lumineuses, non pas en usant de menace et de violence, mais en laissant rayonner une beauté qui porte en elle toute la subtilité et la complexité de la vie divine. Et c’est attiré par cette magnificence de Dieu que l’on saisit ce qui est essentiel, important. C’est pourquoi la gloire de Dieu mérite notre plus grande attention. 

3. Ceci étant dit, faisons un pas de plus dans notre méditation. Car le psalmiste ne parle pas directement de la gloire de Dieu, mais il précise :  « Les cieux racontent la gloire de Dieu. ». En disant cela, il dit 2 choses : 

  • premièrement, le psalmiste n’a pas en face de lui directement la gloire de Dieu, mais il a en face de lui un vis-à-vis, les cieux, qui pique sa curiosité, qui l’ouvre à ce que peut être, à ce qu’il pressent être la gloire de Dieu.
  • deuxièmement, en disant de manière métaphorique que les cieux  racontent la gloire de Dieu, ce qu’il cherche à dire c’est le spectacle du ciel étoilé vaste et infini éveille en lui une émotion qui est du même ordre que celle que provoque en lui la gloire de Dieu. Les cieux évoquent en lui la même attitude de jubilation, de gratitude, de respect qu’il pouvait ressentir face à la gloire de Dieu. 

Il y a dans cette phrase du psalmiste comme une invitation à nous laisser saisir par la splendeur qui surplombe nos têtes chaque soir, à lâcher nos écrans, à quitter nos murs, pour écouter l’histoire que nous raconte les Cieux. 

calvinCalvin nous invite à la même démarche, lorsqu’il affirme que non seulement les cieux, mais le monde créé dans son ensemble est le « théâtre saisissant de la gloire de Dieu. »Pourquoi user de telles formules quelque peu grandiloquentes ? Pourquoi ici ne pas se contenter de dire que les cieux sont jolis, que le monde créé est un théâtre ? 

Pourquoi ? 

De là où j’en suis arrivé dans ma compréhension des Écritures, je dirai ceci : si les Écritures ou Calvin ajoutent cette expression de la gloire de Dieu, c’est pour que nous restions, malgré les ambiguïtés, les complications, les dysfonctionnements de notre monde, capables d’émerveillement. 

Je m’explique : c’est une chose de scruter et analyser les cieux ; c’en est une autre de scruter ces mêmes cieux en les laissant nous raconter une beauté qui les dépasse. 

C’est une chose d’affronter la dure réalité ; c’en est une autre d’affronter  cette réalité en restant ouvert et sensible à une splendeur qui nous dépasse. 

Dire que notre quotidien exprime quelque chose de la gloire de Dieu, ce n’est pas  nous voiler la face en enjolivant le tableau. 

C’est devenir réceptif dans ce quotidien à cette splendeur nous permettant d’en supporter toutes les ambiguïtés.  

C’est, au contact de ce quotidien ambigu et compliqué, nous ouvrir à une beauté qui renouvelle en nous des ressources de gratitude, de respect et de joie, afin que nous puissions habiter humainement et pleinement ce quotidien compliqué. 

C’est, alors que nous sommes immergés dans ce quotidien, nous ouvrir à une beauté qui nous remet en selle et nous permet ensuite d’agir dans ce même quotidien en étant mû par cette jubilation, cette gratitude, ce respect que nous avons pu éprouver face à la gloire de Dieu.  

4. Je crois que si nous ne nous approprions pas cette expression « notre quotidien exprime quelque chose de la gloire de Dieu », nous serons moins bien équipés pour cheminer avec les ambiguïtés et les complications de ce quotidien. 

Car si cette expression nous manque, vers quoi orienterons-nous notre émerveillement ? Par exemple, vous conviendrez que souvent, ce qui nous remplit de joie, de gratitude et de respect, c’est le fait d’être en bonne santé. Il n’y a rien d’inconvenant à cela ; au contraire, c’est même tout à fait normal d’être reconnaissant lorsque nous sommes en bonne santé. 

Cependant, cela peut devenir problématique lorsque la maladie survient. En liant étroitement notre capacité d’être émerveillé à la santé, nous pouvons nous retrouver démunis quand cette bonne santé s’en va. Pour quelle raison devrions-nous être reconnaissants, puisque la raison qui fonde notre gratitude nous a été enlevée ? Dans ces moments-là, nous pouvons ressentir l’importance d’ancrer la raison de notre émerveillement dans quelque chose qui, quand la santé s’en va, demeure. 

Nous émerveiller d’être l’expression de la gloire de Dieu, c’est nous émerveiller d’une beauté qui n’est pas liée uniquement à la bonne santé. Les raisons de nous émerveiller peuvent demeurer, même quand cette santé vacille. Car ces raisons d’émerveillement s’ancrent dans un terreau plus profond. Notre émerveillement vient de la beauté qui nous est permis de sentir et de goûter, grâce au simple fait d’exister. Si nous n’étions pas venus au monde, jamais nous aurions pu pressentir cette beauté. 

Voilà pourquoi il est important que nous puissions nous approprier personnellement cette expression. «  notre quotidien exprime quelque chose de la gloire de Dieu ». Car en la faisant nôtre, nous apprendrons à nous ouvrir à une vaste splendeur, qui intègre en son sein la santé, mais qui ne se résume pas à elle. 

Par exemple, en vivant au contact d’une personne atteinte d’Alzheimer ou d’un enfant profondément autiste, nous apprendrons à les laisser nous raconter à leur manière une facette de la gloire de Dieu, à les laisser nous ouvrir à cette beauté grave qui attire notre attention sur l’essentiel.  

Amen

Luc-Olivier Bosset, le 27 septembre 2020 à Maurin.
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