Singulière fête que celle de la Pentecôte ! Dans notre calendrier liturgique, elle est la seule dont le nom ne dit rien de son objet : il n’indique que la simple distance temporelle (pentekoste : 50ème jour) par rapport à Pâques ! La seule à commémorer un épisode dont Jésus est absent. La seule à célébrer un événement qui n’est pas unique, puisque, dans les Actes des Apôtres, nous pouvons lire trois récits dans lesquels l’esprit saint « tombe sur, se répand, ou vient sur » un groupe : à Jérusalem (2,1-4), chez Corneille (10, 44-48) et à Ephèse (19, 5-7).

On peut s’interroger sur le choix  qu’a fait l’Eglise, assez tardivement (fin du IVe siècle), de célébrer la première « pentecôte » ; certes, en plus de son antécédence, elle bénéficie d’une description plus impressionnante que les autres : le bruit  « venant du ciel, comme d’un souffle violent » et surtout les fameuses langues « comme de feu » qui descendent sur les têtes des disciples pour ressortir  par leurs bouches sous forme de langues étrangères, opération bénéficiant de l’ambivalence du nom « langue » en grec et dans les langues romanes - mais pas dans les autres ( cf. tongue et language en anglais). Il y a là du reste une forme de fantastique un peu dérangeante pour un esprit du XXIe. Il me semble que la seconde, chez Corneille, moins pittoresque, correspond mieux à notre sensibilité réformée : elle présente surtout l’importante particularité de ne pas se limiter au groupe restreint des disciples juifs mais de s’adresser pour la première fois aux païens.

Nous est-il permis de choisir notre pentecôte ?

Christian Seiler (mai 2021)