Ce même jour, Jésus sortit de la maison, et s'assit au bord de la mer. Une grande foule s'étant assemblée auprès de lui, il monta dans une barque, et il s'assit. Toute la foule se tenait sur le rivage. Il leur parla en paraboles sur beaucoup de choses, et il dit: Un semeur sortit pour semer.

Il leur proposa une autre parabole, et il dit: Le royaume des cieux est semblable à un grain de sénevé qu'un homme a pris et semé dans son champ. C'est la plus petite de toutes les semences; mais, quand il a poussé, il est plus grand que les légumes et devient un arbre, de sorte que les oiseaux du ciel viennent habiter dans ses branches. Il leur dit cette autre parabole: Le royaume des cieux est semblable à du levain qu'une femme a pris et mis dans trois mesures de farine, jusqu'à ce que la pâte soit toute levée.

Le royaume des cieux est encore semblable à un trésor caché dans un champ. L'homme qui l'a trouvé le cache; et, dans sa joie, il va vendre tout ce qu'il a, et achète ce champ. Le royaume des cieux est encore semblable à un marchand qui cherche de belles perles. Il a trouvé une perle de grand prix; et il est allé vendre tout ce qu'il avait, et l'a achetée.

 

ed 290821 1Matthieu 13, v.1-3a, 31-33, 44-46 (traduction LSG)

Aujourd’hui chers amis, je voudrais vous parler des paraboles. Les paraboles, ces petites histoires très courtes, que l’on raconte souvent aux enfants, que l’on retient assez rapidement. Les paraboles, ces petites histoires que l’on trouve souvent dans les évangiles… et dont très souvent la manière de les comprendre, leurs explications ne sont pas fournies. Tenez, saviez-vous que juste dans l’Évangile selon Matthieu, il y avait pas moins de 24 paraboles ? Dont 14 sont précédées ou suivies immédiatement de la référence au Royaume ? « Le Royaume des cieux est semblable à … » et la parabole suit. Nous en avons lu quelques-unes : pas d’explications. Impossible de savoir comment les comprendre de manière exacte, et pourtant, elles ont une place importante dans les enseignements de Jésus. Cela fait plusieurs siècles que l’on discute sur ces paraboles, que nous les interprétons, sans jamais en finir car à chaque fois, un nouveau sens y est trouvé ! Plus nous les travaillons et plus de nouveaux sens apparaissent ! Remise en contexte : utilisation des paraboles

Les paraboles. Si l’on va un peu plus loin, les paraboles ne sont pas que de simples histoires ou de simples analogies, vous imaginez bien. Jésus a souvent enseigné en paraboles, à tel point que cette forme de langage est considérée comme un des traits dominants de sa prédication.

Il n’en est pas l’inventeur, non : il était lui-même l’héritier d’une longue tradition, nourrie et traversée par des cultures, des courants de pensées et des religions diverses. Les Grecs les connaissaient bien (Epictète dans ses Entretiens, 1er siècle par exemple). Le judaïsme les employait comme moyen d’enseigner l’histoire du peuple et de la Loi, de manière orale. Le mot hébreu est d’ailleurs mashal : il s’agit alors plus d’une fonction que d’une forme littéraire. Il s’agit d’utiliser des images pour enseigner et expliquer les Ecritures.

Une des différences avec la tradition dont il hérite se glisse ici : l’enseignement de Jésus, lorsqu’il utilise des paraboles, ne fait jamais de référence au reste de l’Ecriture. Il emprunte à la vie quotidienne des auditeurs, selon la tradition, mais pour donner matière à interpréter la réalité, à l’envisager autrement, à faire ce fameux pas de côté.

En cela, il ne s’agit pas d’un discours d’élite, nécessitant diplômes et formations, mais d’une parole qui propose à chacun, chacune, d’interpréter le monde : Jésus propose alors une expérience interprétative à la personne qui entend les paraboles. Les paraboles cherchent en effet à susciter une rencontre individuelle avec Dieu, en proposant aux auditeurs d’approfondir la compréhension de leur propre existence. La parabole, parce qu’elle offre tout un panel d’images, de mises en situation, juste ce qu’il faut de personnages et d’éléments de suspense et de surprise ; parce qu’elle ouvre à notre imaginaire, elle aère nos cœurs comme le levain de cette femme aère la pâte ; elle tente de nous retrouver dans le quotidien de nos tâches, elle nous interpelle individuellement. Parce que la parabole est un support pour parler de Dieu et de son Royaume, elle suscite en nous une réflexion personnelle sur notre relation à Dieu, dans une communauté rassemblée par le Christ. Qu’aurions-nous fait à la place du personnage principal ? Qui sommes-nous dans l’histoire ? Pourquoi ces quelques phrases nous choquent ou nous paraissent si évidentes ? Comment l’histoire aurait-elle pu être transposée au monde d’aujourd’hui ?

La parabole permet de semer une toute petite idée, quelques mots au détour d’une page qui sont appelés à se déployer dans nos vies, à s’exprimer et à se déployer de plus en plus comme cette petite graine de moutarde qui devient un si grand arbre.

ed 290821 2La parabole comme discours sur Dieu

La parabole nécessite en cela la participation de son auditeur pour élaborer sa signification : c’est une mise en œuvre artistique du langage, c’est une poésie qui vise à mettre en relation le sujet auquel elle s’adresse et le sujet dont elle est porteuse, ici le Royaume de Dieu. La parabole vise le cœur de chacun, chacune d’entre nous, elle invite à changer de manière de vivre, d’interpréter la présence de Dieu dans le monde car en combinant les associations, en rapprochant des éléments, elle ouvre nos manières d’appréhender le monde et Dieu. En cela, les paraboles sont une manière bien particulière de parler de Dieu.

Et oui, les paraboles ne sont pas juste des histoires, des contes pour enfants : elles sont une manière de parler de Dieu, de transmettre non pas un discours figé, maîtrisé, définitif sur Dieu mais de transmettre une manière, une façon, un processus permettant à chacun, chacune, d’être touché au cœur, d’expérimenter une relation toute personnelle avec Dieu.

Les limites des discours sur Dieu

Car finalement, comment pourrions-nous faire autrement ? Comment pourrions-nous faire autrement que de témoigner, de transmettre, d’enseigner, une démarche plutôt qu’un discours « sur ». Comment pourrions-nous faire autrement que de proposer une expérience pour voir et vivre autrement plutôt qu’un discours descendant et réservé à quelques-uns ?

Un discours « sur » établit en effet une domination. Dire sur, nécessite de connaître, cerner totalement, maîtriser assurément le sujet. Or comment pourrions-nous cerner totalement Dieu alors qu’il est créateur et nous créature ? Comment pourrions-nous le cerner totalement, maîtriser complètement le discours sur Dieu alors que nous sommes dans le cadre et lui transcendant ce cadre, alors que nous sommes dans le monde et lui transcendant ce monde ?

Notre langage ne peut exprimer que ce qui est dans le cadre, il ne peut absolument pas définir la transcendance de Dieu. Et pourtant, il est nécessaire de parler de Dieu, de parler de son invitation au Royaume, il est nécessaire de parler de sa volonté à faire route à nos côtés. Il est nécessaire de parler de Dieu, de parler de sa présence dans nos vies, individuellement et non pas de parler SUR Dieu.

Et en cela, la Bible permet de décrire Dieu… à partir de discours humains, à partir de mythes, de vécus d’hommes et de femmes, de lettres témoignant de leur compréhension des évènements, et de paraboles. La Bible permet de décrire Dieu … mais avec un langage humain, notre langage limité, soumis aux catégories du monde, aux cultures et aux âges.

Le discours de l’Etre humain sur Dieu dépend de la parole venue de Dieu qui le précède, mais celle-ci ne lui interdit pas de s’exprimer, bien au contraire. Jésus Christ, le Verbe qui s’est fait chair, incarnation de Dieu, apporte une parole qui invite à la parole, il apporte une parole qui invite à expérimenter, à entrer en relation avec les autres, à transmettre … et dans ces paroles, il y a les paraboles !

Celui ou celle qui a goûté à la parole du Royaume est appelé à son tour à la proposer, le parcours ne mène pas à un point d’arrivée fixe mais à un nouveau départ, à une transmission d’un relai transformé, adapté par la personne réceptrice qui devient transmettrice. Comme cette graine de moutarde, toute petite graine, apportée là, reçue et abritée par la terre, qui devient bien plus grande que les plantes potagères, qui abrite à son tour les oiseaux, permettant alors un nouvel écosystème.

Nos vies : des paraboles aussi !

En parlant en paraboles, Jésus communique sa connaissance du Royaume de Dieu. Il livre sa propre expérience de Dieu, il l’offre, il nous l’offre encore aujourd’hui en partage. Son expérience, qui ne peut se transformer en discours « sur ». Son expérience, qui ne peut être réduite à un simple discours : il nous propose un prisme, une manière de témoigner qui entre en résonnance avec nos parcours, nos préoccupations, avec nos vies.

Le Royaume de Dieu ne se dit pas dans des termes étranges, hors de réalité, il est comparable à ce que nos yeux, nos oreilles et nos cœurs peuvent facilement expérimenter. La parabole se charge d’entraîner cette expérience banale plus loin, là où l’étonnement l’emporte. Comme ce grain de moutarde, bien connu pour sa petitesse qui devient si grand, chose si improbable.

Le Royaume de Dieu est déjà là, déjà présent dans notre monde, dans nos trajectoires personnelles et collectives. Il est semblable au levain qui aère généreusement nos cœurs, il est semblable à la graine de moutarde qui croît si discrètement mais sur lequel, un jour, notre regard tombe et là tout change de sens, les priorités sont renversées, les valeurs de références dans nos vies sont changées, comme ce marchand de perles qui vend tout pour devenir un acheteur d’une seule et unique perle.

ed 290821 3Le Royaume de Dieu est comme … nos vies bouleversées, changées, animées par cette bonne nouvelle d’un Dieu qui veut faire route avec nous. Le Royaume de Dieu est comme … nos témoignages d’un instant ou de toute une vie : nos témoignages, nos anecdotes, nos analogies deviennent à leurs tours des paraboles qui proposent à d’autres une expérience (la nôtre), du suspense, des paraboles qui donnent la voie à des témoins qui nous ont marqués, qui présentent les surprises, les évènements fondateurs de nos vies de chercheurs de sens. Car oui, chers amis, il y a des tranches de nos vies qui nous donnent à entrevoir le Royaume de Dieu ! Elles n’attendent que d’être regardées, observées, mises en mot pour qu’à notre tour, nous continuions à partager ces expériences du Royaume de Dieu, ces instants où la Grâce de Dieu surgit subrepticement dans nos vies.

Les paraboles des Évangiles se voulaient inscrites dans le quotidien des contemporains de Jésus. Alors aujourd’hui, chers amis, je voudrais vous inviter, nous inviter, à laisser nos vies devenir des paraboles, à laisser la place dans nos quotidiens pour que le Royaume y surgisse. Je voudrais vous inviter, nous inviter à regarder dans le rétroviseur pour y découvrir ces moments dans nos vies où ce fut le cas, pour les mettre en mots, en récit, pour nous-même mais aussi pour les partager afin que ces récits deviennent à leur tour des paraboles, pour qu’ensemble nous continuions à découvrir toute la largeur, la hauteur et la profondeur de ce Royaume de paix, de justice et d’amour, sans tenir un discours définitif SUR Dieu mais en disant : oui, un jour, j’ai senti, j’ai vu, j’ai vécu une toute petite partie de ce qu’était le Royaume, il était comme …

Amen.

Émeline Daudé, le 29 août 2021 au temple de la rue Maguelone à Montpellier.
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