Manipulation de la parole de Dieu et invocation  de Dieu par l’homme par la parole.

 

 

Genèse 4, 9-26

« L'Éternel dit à Caïn : Où est ton frère Abel ? Il répondit : Je ne sais pas ; suis-je le gardien de mon frère ? Et Dieu dit : Qu'as-tu fait ? La voix du sang de ton frère crie de la terre jusqu'à moi. Maintenant, tu seras maudit de la terre qui a ouvert sa bouche pour recevoir de ta main le sang de ton frère. Quand tu cultiveras le sol, il ne te donnera plus sa richesse. Tu seras errant et vagabond sur la terre. Caïn dit à l'Éternel : Mon châtiment est trop grand pour être supporté.
Voici, tu me chasses aujourd'hui de cette terre ; je serai caché loin de ta face, je serai errant et vagabond sur la terre, et quiconque me trouvera me tuera. L'Éternel lui dit : Si quelqu'un tuait Caïn, Caïn serait vengé sept fois. Et l'Éternel mit un signe sur Caïn pour que quiconque le trouverait ne le tuât point. Puis, Caïn s'éloigna de la face de l'Éternel, et habita dans la terre de Nod, à l'orient d'Éden.
Caïn connut sa femme ; elle conçut, et enfanta Hénoc. Il bâtit ensuite une ville, et il donna à cette ville le nom de son fils Hénoc. Hénoc engendra Irad, Irad engendra Mehujaël, Mehujaël engendra Metuschaël, et Metuschaël engendra Lémec. Lémec prit deux femmes : le nom de l'une était Ada, et le nom de l'autre Tsilla. Ada enfanta Jabal : il fut le père de ceux qui habitent sous des tentes et près des troupeaux. Le nom de son frère était Jubal : il fut le père de tous ceux qui jouent de la harpe et du chalumeau. Tsilla, de son côté, enfanta Tubal Caïn, qui forgeait tous les instruments d'airain et de fer. La soeur de Tubal Caïn était Naama. Lémec dit à ses femmes : Ada et Tsilla, écoutez ma voix ! Femmes de Lémec, écoutez ma parole ! J'ai tué un homme pour ma blessure, et un jeune homme pour ma meurtrissure. Caïn sera vengé sept fois, et Lémec soixante-dix-sept fois. Adam connut encore sa femme ; elle enfanta un fils, et l'appela du nom de Seth, car, dit-elle, Dieu m'a donnée un autre fils à la place d'Abel, que Caïn a tué. Seth eut aussi un fils, et il l'appela du nom d'Énosch. C'est alors que l'on commença à invoquer le nom de l'Éternel. »

Extraits de « La Bible Second version 1910 »

 

const3A) L’homme Bâtisseur

Frères et sœurs en Christ, dans la bible, lors d’une précédente prédication,  pour exprimer qu’un homme couche avec une femme, il y a cette expression déjà repérée par beaucoup d’entre vous : « Adam connut Eve », et ce matin Caïn connu sa femme,  mais il y a aussi  d’autres expressions possibles plus fréquemment usitées que la Bible utilise ailleurs. La Bible emploie deux autres termes « aller vers » et « coucher avec » pour signifier que deux êtres s’aiment et vivent un profond respect mutuel. L’expression « connaitre » dans le sens d’avoir une relation sexuelle  que choisit le narrateur indique clairement que la relation entre Adam et Eve comme celle de Caïn et de sa femme est une relation un peu forcé avec un dominant et une dominée, si je puis m’exprimer ainsi. Le récit d’entrée de jeu nous décrit un disfonctionnement de la relation au niveau du couple humain. Caïn donc connu sa femme. Vous remarquerez aussi que cette  femme n’a pas de nom. Le disfonctionnement de la relation ici est d’un autre ordre puisque Caïn est le seul nommé comme si l’ombre d’Eve, sa mère, planait encore sur lui. La femme de Caïn n’a donc pas de nom et ne parle pas, comme si elle n’existait pas.

Puis  le rédacteur de ce récit s’attarde sur la construction de la première ville, les éleveurs nomades, les musiciens, les forgerons. Caïn et son fils sont donc les bâtisseurs d’une ville. Deux interprétations sont possibles nous dit le théologien André Wenin. La première c’est que  Caïn refuse son statut d’être humain errant sur terre et s’inscrit donc en réaction à la parole divine. Il décide donc de devenir sédentaire dans une ville. La seconde interprétation possible nous rappelle que  fort du signe protecteur  que le Dieu Amour a placé sur lui, Caïn peut donc  tranquillement construire une ville et  s’installer sans avoir peur de qui que ce soit.  Ces deux interprétations sont intéressantes car toutes les deux insistent sur  cette initiative et cette décision de l’être humain de construire une ville. Ceci   nous permet de prendre conscience que notre humanité est habitée par une incroyable liberté  de créer, d’entreprendre, de bâtir…C’est un don que nous avons reçu de Dieu. Le réel est transformable, notre vie quotidienne peut être modifiée par nos engagements, nos rencontres, nos décisions. Le champ du possible est vaste pour celui qui est prêt à se lancer dans la danse de la vie…Ce récit, l’air de rien, en creux, nous dit donc que l’avenir est vraiment ouvert devant nous. Il y a, bien entendu, des contraintes inhérentes à la vie en société mais il y a surtout une incroyable liberté de bâtisseur qui sommeille dans chaque être humain. Regardez cette belle ville de Montpellier, il a fallu qu’un Maire comme Georges Frèche, fasse partager à un grand nombre sa belle vision qu’il avait de  Montpellier pour que cette petite ville de province devienne une grande ville du sud est !

Notre Dieu  s’émerveille surement devant cette incroyable inventivité qui caractérise notre humanité. Mais notre Dieu ne se contente pas de s’émerveiller. Il nous accompagne, il tient compte de notre inventivité. Ne nous propose-t-il pas, pour la fin des temps, une cité céleste qui descend des cieux ? En effet, nous pouvons voir dans cette promesse divine une réelle délicatesse de notre Dieu qui s’adapte à cette humanité bâtisseuse qui par bien des côtés, reconnaissons le,  est surprenante…Caïn donc construit une ville et Dieu par la suite s’adapte et promet une cité céleste qui descendra des cieux comme nous le rappelle donc le livre de l’Apocalypse. Retenons en tout premier lieu, à travers ce récit mythique du chapitre 4 de la Genèse, l’incroyable capacité de notre humanité à modifier et à transformer le réel qui nous entoure par  la construction des villes, par notre capacité à fabriquer des outils, des instruments de musique et par ce  désir d’organisation qui nous caractérise. Mais ce récit amorce aussi un autre aspect de notre humanité, un aspect un peu plus sombre, un peu plus inquiétant. Et ce côté obscur, pour reprendre la thématique des deux trilogies du film star wars, ce côté obscur nous le découvrons à travers  un personnage étonnant : Lémec.


B) L’homme manipulateur !manipulation

 Lémec le grand manipulateur !  Lémec le grand séducteur qui ne peut se contenter d’une seule femme ! Il a donc deux femmes Ada et Tsilla et il leurs dit « Ada et Tsilla, écoutez ma voix ! Femmes de Lémec, écoutez ma parole ! J'ai tué un homme pour ma blessure, Et un jeune homme pour ma meurtrissure. Caïn sera vengé sept fois, Et Lémec soixante-dix-sept fois »

Lémec a pris la grosse tête dirait-on aujourd’hui ! Non seulement il a pris la grosse tête mais en plus il met sa créativité, son goût d’entreprendre au service du côté obscur…
Souvenons-nous ce que nous avions dit dimanche dernier sur ce fameux signe que Dieu plaça sur Caïn. Dieu, protège Caïn  afin de dissuader tout être humain violent qui s’approcherait de Caïn.  Cette menace d’une violence largement supérieure à celle qu’un individu violent s’apprêterait à  commettre sur Caïn ressemble étrangement à la théorie de la dissuasion nucléaire  que notre pays à adopté. Bref, cette parole : « l'Éternel mit un signe sur Caïn pour que quiconque le trouverait ne le tuât point », décrit en réalité une constante biblique : Dieu ne veut pas la mort de celui qui pêche, qui meurt, il espère que l’être humain, Caïn y compris, change de comportement afin de vivre selon Dieu.  Comme nous le rappelle le prophète Ezechiel et tout l’Evangile.

Lémec perpétue deux crimes,  sous-entend le rédacteur de ce récit, celui d’un adulte et d’un enfant… Ce double meurtre est  dit d’une manière un peu poétique. L’écriture de ce récit est intéressante car la façon de dire laisse supposer que Lémec se considère, paradoxalement,  comme une victime :  « Femmes de Lémec, écoutez ma parole! J'ai tué un homme pour ma blessure, Et un jeune homme pour ma meurtrissure. Caïn sera vengé sept fois, Et Lémec soixante-dix-sept fois ».

Lémec pense se protéger par sa propre parole. Il déclare que si quelqu’un le tue la vengeance sera plus terrible que celle de Caïn… Lémec dans ce récit n’a pas compris l’histoire de Caïn car il interprète le signe  que Dieu à placé sur Caïn comme une vengeance  alors qu’il n’en est rien en réalité.

Nous avons là, en quelques lignes  l’exemple parfait d’un homme  qui use et abuse de la parole de Dieu à ses propres fins. Un homme qui manipule par le langage ceux qui l’entourent et cela de trois manières :

1 Première manipulation

Lémec est  l’exemple type d’une humanité qui s’approprie une Parole de Dieu et la détourne de son sens initial en évacuant Dieu de son esprit.
 « Si Dieu à mis un signe sur Caïn je ne vois pas pourquoi moi, Lémec, je ne pourrais pas me mettre un signe de protection sur ma propre tête ». Lémec demande à son auditoire féminin d’écouter sa parole, d’écouter sa voix. Comme si les paroles qu’il prononce devant-elles allaient s’inscrire dans le marbre pour l’éternité…Lémec a pris ici la place de Dieu, mieux il est devenu tout puissant, du moins le croit-il…

2 Deuxième manipulation

Le Dieu Amour, nous l’avons vue, par le signe et la parole qu’il adresse à Caïn cherche à ce que la violence et le meurtre ne se répandent pas sur la terre comme une trainée de poudre qui prend feu. Lémec prend une toute autre direction. Il pose comme fondement que la vengeance est la meilleure des réponses pour s’imposer dans le monde. Le rédacteur de ce récit nous décrit donc une humanité qui, à travers Lémec,  fait le choix de la spirale de la violence  vengeresse pour garder un territoire, avoir une influence sur les consciences. Les mafias, qu’elle soit sicilienne ou marseillaise depuis fort longtemps appliquent à la lettre cette logique destructrice de la vengeance.

3 Troisième manipulation

Lémec réussit ce tour de force par sa verve poétique d’apparaitre comme une victime alors qu’il est à l’origine d’un double meurtre. En  disant : « J'ai tué un homme pour ma blessure, Et un jeune homme pour ma meurtrissure ». Il tente de se faire passer pour une victime et par ce biais il légitime à ses propres yeux son double meurtre…Cette manipulation peut nous apparaitre grossière. Mais à bien y réfléchir nous nous apercevons que dans la vie de tous les jours,  cette ficelle est toujours utilisée notamment en politique mais pas seulement. Par exemple, un homme se sépare de sa femme pour une autre femme et lorsqu’il rencontre son ex épouse pour régler certaines questions matérielles. Cet homme se débrouille avec ses mots pour inverser la situation devenant victime et son ex épouse coupable de ne pas accepter ses quatre volontés pour qu’il puisse s’épanouir avec son autre femme… Rien de nouveau sous le soleil… Si ce n’est que la Bible, l’air de rien, nous dévoile une manière d’être celle de Caïn, celle de Lémec et de tant d’autres  qui sont là pour nous aider à résister à toutes sortes de manipulations.

Le rédacteur de ce récit tout en nous décrivant le parcours créatif de Caïn le bâtisseur et la folie de Lémec, le manipulateur, nous permet aussi  d’entrapercevoir que l’humanité est pleine de ressource. En effet, la fin de ce récit nous annonce une nouvelle naissance celle de Seth. Réécoutons ce dernier passage et  ce sera notre conclusion.
« Adam connut encore sa femme ; elle enfanta un fils, et l'appela du nom de Seth, car, dit-elle, Dieu m'a donnée un autre fils à la place d'Abel, que Caïn a tué. Seth eut aussi un fils, et il l'appela du nom d'Énosch. C'est alors que l'on commença à invoquer le nom de l'Éternel. »

Le disfonctionnement de la relation que nous avions décelés  lors de la première prédication perdure ici car Seth aux yeux  d’Eve n’est que le remplaçant d’Abel et il faudra attendre la naissance du fils de Seth, Enosch pour que l’humanité prenne conscience qu’un nouveau face à  face à face, paisible, avec Dieu est possible. Mais c’est peut être cela que nous devons surtout retenir ce matin.

potEnoch, le fils de Seth, le petit fils d’Adam et Eve prend l’initiative de se tourner vers Dieu et de l’invoquer, de le nommer. La créativité de Seth, son énergie se tourne vers Dieu pour être régénérée, alimentée par l’énergie divine et découvrir ainsi que chaque être humain est unique et précieux. C’est peut-être ce à quoi Dieu nous appelle aujourd’hui  en Jésus Christ.

Il nous encourage  à mettre notre énergie, notre créativité, notre désir d’entreprendre, notre goût de bâtir au service de la vie, de l’entraide, de la solidarité, de la bienveillance, de la rencontre avec le prochain. Personne ne peut nous empêcher de développer cela, si ce n’est nous même. Alors ? Chiche !

Amen