Le dossier du CEP du mois de février 2016 est consacré à l'architecture : l'art de révéler l'homme. L'architecture a une grande importance dans la vie humaine et également dans la Bible et dans l'Église.  Aiileurs dans le CEP : La Margelle, une Église ouverte, Rencontre avec Ruth Arce-Rosales, une étudiante punchy, La Chine et le protetstantisme, Toute l'actualité régionale protestante. Le CEP est le mensuel d'information de l'Église Protestante Unie en Cévennes-Languedoc-Roussillon. Lisez  l'article du dossier Les enjeux de l'architecture de Christophe Jacon en libre accès sur notre site et trouvez toute information pour s'abonner au CEP ici.

cep fevrier2016Trouvez le sommaire complet ici. Pour vous abonner, envoyez Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser..

Un article du dossier de ce mois en exclusivité pour l'EPUMA :

 

Les enjeux de l'architecture

 

La Bible s'intéresse à la ville et à l'architecture. Elle présente Paul ou Dieu lui-même comme de savants architectes. Yahvé fournit même des plans précis. Le peuple est par ailleurs souvent comparé à une maison.

Dans la Bible, la métaphore de la maison est une des images les plus courantes pour parler d'Israël, avec celles, agricoles, du champ et de la vigne. Les deux images sont d'ailleurs complémentaires. L'image de la maison fournit au peuple le sentiment fort de la communauté ; les Israélites sont rassemblés sous un même toit, un même abri. La métaphore du champ, elle, vient manifester combien le travail de Dieu est constant, laborieux et répétitif. Quoi qu'il en soit, le peuple est édifié par cet architecte qu'est Dieu. C'est un acte de création, au sens où c'est la parole de Dieu qui est le ciment lui permettant de tenir debout. C'est un acte de grâce. Et de grâce seule. Il est bien question de vivre ensemble (cf. Ephésiens 2.19-22). La métaphore de l'architecture est prise, justement, car cet art a des conséquences directes sur notre manière de vivre en famille ou en société.


S'entendre
La maison est le lieu de vie par excellence. Les familles qui vivent sous le même toit sont appelées à s'entendre. Cela peut s'avérer difficile quand la famille au sens large comprend des domestiques, n'ayant pas la même religion. C'est pour cela que le Lévitique prescrit aux Israélites des règles de vie très précises (Lévitique, chap. 25 et suivants). Il est clair que l'architecture d'une maison peut, en elle-même, influer un certain vivre ensemble. Encore faut-il savoir lequel comme le rappelle l'architecte Nicolas Westphal : " le vivre ensemble ne dit pas tout. Ce n'est pas en soi une valeur. Il faut savoir quoi "vivre ensemble" et comment ". Et d'ajouter que ce vivre ensemble ne peut pas être que le " le résultat d'une volonté extérieure ". Un exemple : " après la révolution russe, les hommes politiques et les architectes russes ont essayé de mettre au point des systèmes de vie collective où il n'y avait plus de famille : les enfants étaient élevés par tout le monde. Mais cela n'a pas marché. Un certain vivre ensemble a voulu être imposé, mais les gens l'ont refusé ". Cela ne veut pas dire que des idées innovantes ne peuvent émerger par l'architecture. Nicolas Westphal en veut pour preuve l'édification des temples : " Jean Calvin a voulu qu'il y ait des bâtiments pour éviter que la foi ne se vive de manière privée, comme un club. Le club est un certain vivre ensemble, mais dont le Réformateur ne voulait pas. Il souhaitait que le vivre ensemble de la foi chrétienne soit public et ouvert sur le monde ".

Place à la rencontre
Il faut donc s'interroger sur les valeurs que nous souhaitons mettre en avant. L'ouverture aux autres, par exemple, peut être encouragée par une certaine architecture : baies vitrées, terrasse, balcon et délimitation du terrain par de petits fourrés au lieu de hautes haies (à noter que l'actuelle attention à " l'isolation peut conduire à l'isolement ", selon la formule de Nicolas Westphal). Dans le même ordre d'idées, celui de l'ouverture aux autres et d'une mixité locative (bureaux, logements…) par la création " d'îlots ouverts ", par l'architecte Christian de Portzamparc, en lieu et place des traditionnels " îlots fermés ", est une innovation des plus intéressantes. Elle fait place à la rencontre.

Au service de…
La société de consommation a bien compris le profit qu'elle pouvait tirer de l'architecture. Non seulement les grandes marques, telles Vuitton ou LVMH, ont recours à des architectes de renom pour transformer leurs espaces de consommation en temple culturel à visiter, mais les grandes surfaces ordinaires s'engouffrent également dans cette brèche. Fini les rectangles métalliques, froids et sans âme ! Place à des lieux où il fera bon consommer et donc être. A l'image du centre Bullring, à Birmingham, attirant 37 millions de " visiteurs-consommateurs " par an (plus que tout autre site au Royaume-Uni), les centres commerciaux ordinaires espèrent, par l'architecture, sortir de l'anonymat et créer des lieux où la consommation cessera d'être vulgaire et méprisable. Une architecture donc clairement au service non de la rencontre (ce qui compte), mais de l'acte d'achat (ce qui se compte).

… la voix
Mais l'architecture a également partie liée à la voix et donc à la parole. C'est peut-être pour cela et parce qu'ils avaient tout à construire que les protestants se sont tant intéressés à l'architecture, tentant de mettre en pierres et en bois les mots de la théologie nouvelle. Un exemple. Les protestants ont dès le début abandonné la disposition " en long " pour privilégier le " quadrangle " : la chaire se trouve au milieu de l'assemblée, répartie en quatre côtés. Les chaises sont ainsi à égale distance, ou presque, de la Parole. Les croyants voient le prédicateur et sont mieux à même de l'entendre. C'est là l'important puisque " la foi vient de ce que l'on entend " (Romains 10.17). Ces questions de parole, et de musique aussi, conduiront les protestants à veiller, dans leurs réalisations architecturales, à l'acoustique.
Une attention que nous avons peut-être perdue

 

Texte : Christophe Jacon (journal Ensemble)