Dimanche 28 avril 2013

Sept heures quarante-cinq : 5 bénévoles sont affairés à la préparation des sandwichs, tandis que d'autres font chauffer le percolateur et les croissants. Et voilà que 30 minutes avant l'ouverture se présente Madeleine, notre doyenne de 91 ans; elle habite non loin et, insomniaque, vient avec son doux sourire chercher son en-cas dominical pour éviter la foule.

Nous sommes 12 ce matin et, à 8 heures 30, tout le monde est à son poste quand Georges ouvre le portail, derrière lequel piétinent plus de 20 personnes. Copieusement servis, ils vont s'asseoir par affinités et, un peu plus tard, nous passerons entre les tables avec les plateaux remplis de pains au chocolat croustillants. Au fil de la matinée arriveront beaucoup de nouvelles têtes, des femmes septuagénaires, de jeunes Roms célibataires ne parlant pas un mot de français, des jeunes Français inconnus mais souriants.

Surprise plaisante, nous retrouvons Oliver, le routard allemand parti l'été dernier en vélo pour l'Espagne. Il n'a pas dépassé Carcassonne et revient pour un temps dormir sous le même pont que l'an dernier ! Il range soigneusement son vélo crotté à côté de celui d'Eric, un fidèle venu depuis Mauguio, son chien courant derrière lui. On abreuvera le maître et son chien. Un autre revenant, Leighton, notre ami gallois, paraît bien fatigué; questionné il sourit et avoue qu'il a dansé la salsa "all night long" et qu'il va vite se reposer après son petit-déjeuner.

Mais aujourd'hui la souffrance est aussi là : Sabine, jeune femme en radiothérapie fait un malaise; son diabète est mal contrôlé, elle mesure son taux de sucre : 3.60 grammes ! Les pompiers appelés viennent vite l'emmener aux urgences. Regardant cela, Jean-Michel nous avoue y être passé quelques jours avant : le routard de 54 ans a échappé à un infarctus. Il a reçu plein de conseils, difficiles à suivre quand on a un sac de 20 kilos à porter tout le temps et sa tente à monter - comme il le fait depuis 33 ans - chaque soir dans l'herbe mouillée des bas-côtés de la route de Lattes ! Enfin Mina, la sexagénaire cardiaque venue du Maroc et en instance d'expulsion, a de plus en plus de mal à se déplacer.

Pourtant l'atmosphère est détendue, presque gaie, les conversations se croisent d'une tablée à l'autre tandis que les chiens, silencieux, circulent entre les convives. Voici que Kelian, un accueilli en demande de baptême et suivi par le Pasteur Jullian, nous annonce son anniversaire : vite un gros gâteau, vite une bougie allumée, vite quelques paroles pour fêter ses 20 ans à Babel Café.

A 9 heures 30 on entame la distribution à emporter, la Banque Alimentaire a été généreuse et nous pouvons donner à ceux qui le souhaitent, soit 2 sandwichs, soit un sandwich et une salade variée en boîte; ils seront 69 à en profiter sur les 136 adultes venus ce matin. Au total seront distribués plus de 180 paquets avec quelques suppléments de jus de fruits, de yaourts à boire ou de bonbons en chocolat pour les enfants.

Commencée avec notre doyenne de 91 ans, la matinée se termine avec le salut militaire de Zaïm, notre doyen de 93 ans. Il nous a apporté la photo de sa décoration par le Général Paulet il y a 10 ans : "Honneur à l'Ancien" y est inscrit au dos. Venu depuis la Paillade, cet ancien combattant de l'Armée française doit quémander un peu de lait et des biscuits pour ses petits enfants chaque dimanche. A 11 heures, la cour balayée, les tables rangées dans le frais matin d'avril, les pigeons viennent picorer les miettes dans le silence revenu. Un dimanche "ordinaire" à Babel-Café…

Sur les 14 bénévoles de ce jour à Babel Café, 4 sont des accueillis de l'an dernier. Quand viendrez-vous partager leur joie ?

La modeste expérience des petits déjeuners dominicaux de la communauté protestante de Montpellier, mise en place il y a deux ans, ne pourra se poursuivre que par la venue de nouvelles forces. Tous ceux qui se sentent appelés par le service fraternel sont attendus par ceux qui ont tenté d'ouvrir, par l'esprit et par l'action, sur un autre "possible" des hommes. C'est en passant par ceux-ci qu'ils pensent entrer en dialogue avec le divin…

"Ils s'entraident et chacun dit à son frère : Sois fort !" Esaïe 41.6

Révaz Nicoladzé