Le serviteur qui nous permet de bien vivre notre condition humaine

Voici mon serviteur que je soutiens, mon élu que j’ai moi-même en faveur, j’ai mis mon Esprit sur lui. Pour les nations il fera paraître le jugement, il ne criera pas, il n’élèvera pas le ton, il ne fera pas entendre dans la rue sa clameur ; il ne brisera pas le roseau ployé, il n’éteindra pas la mèche qui s’étiole ; à coup sûr, il fera paraître le jugement. Lui ne s’étiolera pas, lui ne ploiera pas, jusqu’à ce qu’il ait établi sur la terre le jugement,

Es 42, 1-4 (traduction LSG)

	Que voyez-vous ? Depuis toujours, les chrétiens lisent l’Ancien Testament ( cette première partie que nous avons en commun avec nos frères et soeurs juifs) en y trouvant des textes très anciens qui datent d’avant la venue de Jésus de Nazareth et qui pourtant annoncent sa venue.
	Par exemple : voici un passage de l’Ancien Testament tiré du livre du prophète Esaïe qui nous parle d’un mystérieux serviteur : Le prophète Esaïe ne précise pas QUI est le serviteur. Il ne fait que décrire son attitude. Et quand on observe son attitude, on réalise que le prophète décrit qqn :
	de calme, qui a de l’assurance, de l’autorité (il ne criera pas :
	d’attentif, de bienveillant, qui encourage : il ne brisera pas le roseau ployé
	qqn de déterminé, ayant de la vigueur, qqn de fort qui ne se laisse pas rebuter par les obstacles
	Quelqu’un dont la mission est de faire paraître le jugement. Sa mission est de rendre visible quelque chose qui est caché, quelque chose qu’on ne voit pas, parce qu’on a l’esprit trop pris, trop préoccupé par ailleurs.
	Dès le début du Christianisme, en lisant ce passage du prophète Esaïe, les chrétiens ont vu la description de l’attitude de Jésus. Jésus qui ne crie pas, mais parle avec autorité Jésus qui, à aucun moment est cassant, moqueur, hautain ; mais qui est avec chaque personne attentif et bienveillant. Jésus qui dans l’épreuve, n’a pas déserté, mais il a affronté les obstacles ( la croix) Oui pour tout cela, les chrétiens ont lu ce passage en se disant : (8) Jésus a vraiment incarné ce rôle de serviteur
	Cependant, si je vous raconte tout cela aujourd’hui, ce n’est pas pour en rester là. Mais c’est pour ensemble chercher à mieux comprendre la mission de ce serviteur. Esaïe parle de cette mission en disant une parole quelque peu mystérieuse au premier abord. faire apparaître le jugement. Qu’est-ce que cela veut dire ?? Voilà ce que j’aimerai clarifier avec vous ce matin.
	En Hébreu, le mot jugement vient d’une racine Mishpat qui signifie gouverner, juger. Le rôle du Serviteur est donc de faire apparaître une parole fiable, une parole qui serve de repère, Alors que les choses sont floues, alors que c’est le brouillard, on flotte. le rôle du Serviteur est de faire apparaître une parole qui puisse servir de repère et qui permette de nous orienter.
	Dans quelle situation brumeuse avons-nous besoin d’une parole qui puisse nous orienter ? Pour parler de notre vie, nous utilisons parfois une expression : notre condition humaine. Avec cette expression, nous touchons du doigt le fait que, si nous sommes capables de choisir et de faire plein de choses, nous sommes aussi soumis à des conditions. Des conditions que nous n’avons pas choisies, qui sont là, qui s’imposent à nous.
	Voici un tableau où est représenté la condition humaine. On voit quelqu’un qui essaye par tous les moyens à s’extirper des conditions étouffantes par lesquelles il est retenu. Il est attiré par une étoile, Il se bat. Mais il y a quelque chose d’angoissant et dramatique à le voir ainsi se débattre.
	Par moment, vivre sous ces conditions n’est pas si désagréables. Voici un tableau du peintre Magritte qui s’appelle justement la condition humaine. l’homme qui a peint ce tableau est à l’intérieur d’une pièce ; elle est dans un espace clos protecteur ; dehors le paysage est coloré, beau et chatoyant. l’homme vit dans des conditions qui le limite ( il ne voit pas tout, il ne peut voir qu’à travers une fenêtre), mais ces limites n’ont pas l’air si désagréables sauf que le paysage, ce n’est pas le vrai paysage : c’est un tableau : enfermé dans sa pièce, l’humain voit ce qui a été peint et non pas la réalité. Cela signifie : il voit quelque chose de beau, mais rien n’est sûr que ce soit cela le vrai paysage. Enfermé dans ces conditions, l’humain est un peu naïf et aveugle
	Que retenir de ces deux tableaux ? Ainsi vivre en tant qu’humain, () c’est accepter de vivre sous des conditions qui peuvent être agréables, () mais c’est aussi vivre sous des conditions qui peuvent être étouffantes et contre lesquelles parfois aussi il faut lutter pour atteindre l’étoile. Une prière écrite par un pasteur théologien américain reprend bien cela. Elle dit : Mon Dieu, donne-moi la sérénité d’accepter les choses qui ne peuvent être changées ; Donne-moi le courage de changer les choses qui doivent être changées Et donne-moi la sagesse de distinguer les unes des autres. Amen Donc avec cette prière, nous devrions avoir notre repère qui nous aide à trouver notre chemin dans le brouillard, qui nous aide à bien vivre sous les conditions de l’existence.
	Cependant, pour certaines personnes cette prière ne suffit pas. Au lieu de donner un repère fiable pour avancer, elle vient amplifier le brouillard. Oui, elle amplifie le brouillard, car elle invoque Dieu. Or pour elles, justement dans cette histoire de conditions humaines, le problème c’est Dieu. Oui, le problème c’est Dieu. Car pourquoi ce Créateur nous a-t-il imposé de telles conditions ? Il nous a créé avec de formidables ressources et potentialités ( la capacité de parler, de rire et d’avoir de l’humour, capacité de réfléchir et de choisir. D’agir non pas simplement par réflexe ou par instinct, mais agir avec des motifs, des raisons réfléchies Or pourquoi toutes ces capacités de choix, si finalement, nous ne pouvons pas tout choisir et faire comme nous le souhaiterions ??? Pourquoi le Créateur nous a-t-il imposé des limites à notre liberté ? Pourquoi nous a-t-il placé dans une chambre où notre regard est conditionné à ne pouvoir regarder l’extérieur que par une seule et unique fenêtre ? Pourquoi est-ce qu’Il nous impose de telles limite ?? C’est insupportable. Est-ce qu’Il le fait parce qu’Il se méfie de nous ? Parce qu’Il veut nous cacher des choses ? Parce qu’Il veut maintenir un pouvoir sur nous ? Que nous soyons toujours de pauvres créatures qui doivent encore et toujours Le prier, parce qu’elles sont enfermées dans leur chambre ; alors que si elles étaient dehors, derrière le tableau, là elles verraient comment les choses sont réellement et là elles n’auraient plus besoin de prier, car elles pourraient vraiment choisir par elle-même… Voyant la condition humaine comme une camisole de force, certaines personnes ne trouvent pas la paix en priant cette prière de Niebuhr. Elles ont plutôt envie de faire sauter cette camisole de force en se révoltant contre le Créateur.
	Parmi toutes ces façons de percevoir la condition humaine, comment nous orienter ? Car chacune de ces manières de voir les choses porte en elle une part de vérité. Mais chacune porte en elle aussi, quelque chose qui a besoin d’être repris et travaillé pour être amélioré. C’est lorsque nous sommes dans un tel brouillard que nous pouvons ressentir le besoin de rencontrer non pas un héros surplombant et altier qui saurait tout sur tout, mais ...
	un serviteur qui sans crier, avec assurance n’éteint pas la mèche qui fume encore de nos perceptions ; d’un serviteur qui avec patience et détermination, fait apparaître le jugement, c’est à dire une parole claire qui permet d’évaluer avec justesse chaque chose. Précisément ici, qu’est-ce que peut nous apporter le témoignage de Jésus qui soit pour nous un repère fiable nous aidant à nous orienter dans la vie ? Sans trembler et ni se fatiguer, jusqu’au bout de sa vie, Jésus a témoigné qu’Il était, comme chacun de nous, une créature aimée de Dieu. Que Dieu nous avait créé libres et conscients, parce qu’Il désire ardemment tisser avec nous une relation non pas formelle et contrainte, mais une relation de personne à personne. Sans trembler ni vaciller, Jésus a témoigné que les conditions auxquelles nous sommes confrontées peuvent devenir bonnes, si elles servent à nous ouvrir aux autres et à nous mettre en relation avec d’autres. Les limites auxquelles nous sommes confrontés ne sont pas des contraintes vicieuses imposées par un Créateur qui aurait peur de nous, peur que nous lui prenions sa place ; non les limites deviennent bonnes, lorsqu’elles sont l’occasion de nous faire entrer en relation les uns avec les autres ; car c’est en tissant de telles relations, de manière libre et personnelle, que peu à peu nous comprenons quel type de relation libre et personnelle le Créateur désire vivre avec nous. Pour que nous soyons convaincus que les conditions imposées, les limites, de notre existence peuvent être quelque chose de bons, il faut que nous soyons également convaincu de l’intention profonde du Créateur. C’est la tâche du Serviteur de nous rendre crédible le fait que le Créateur ne se méfie pas de nous, mais qu’au contraire, Il désire ardemment de nous rencontrer de personne à personne. Or Jésus a été ce serviteur crédible, car au moment les plus cruciaux de son existence, il n’a pas déserté, ni tremblé. Il a pleinement incarné cette volonté de relation du Créateur. Il a fait apparaître aux yeux de tous cette intention profonde de Dieu. Il a fait paraître le jugement.
	Dès lors, au milieu de nos brouillards d’aujourd’hui, ce serviteur Jésus continue d’apporter une lumière qui nous permet de faire la part de choses. Quand les événements nous enserrent et nous étouffent, nous pouvons être certains que ce n'est pas la volonté de Dieu que nous soyons ainsi étouffés ; non, même là, la volonté de Dieu est que nous vivions ; même là, le Créateur veille que nous ne soyons pas anéantis, mais que nous soyons toujours accueillis dans sa lumière vivifiante et glorieuse.