La force du Saint-Esprit - une méditation de Joël Dahan :

La langue est un petit membre et se vante de grands effets, avec un peu de feu elle peut brûler une grande forêt ( Jacques 3 ). C’est dangereux une langue ! Dans le Nouveau Testament, il en est question notamment à partir de Pentecôte sous plusieurs formes : les langues de feu, les langues maternelles, la langue « des anges » ou le parler en langue ( la glossolalie, terme non biblique composé en grec du mot « langue » et du mot « bavardage » ). La langue est donc suspecte, efficace et redoutable à la fois.

L’étranger, c’est d’abord celui qui ne parle pas notre langue, très différent de celui qu’on a l’habitude de voir ou d’entendre. Celui qui est « du dehors », hors du commun. Celui qui est en dehors de l’image que nous nous faisons de l’homme et peut-être simplement de nous-même : Sa couleur, son vêtement, son apparence, mais aussi son langage verbal ou non verbal.

pentecote200x200À la fondation John Bost, beaucoup de résidents, étranges au premier regard, n’ont pas la parole mais ont une langue et un langage. D’autres ont beaucoup de mots, mais ces mots ne forment pas forcément un langage cohérent qui servirait une communication aisée. Etrange ! Et passionnant. Que faire de ces mots, ces expressions, ces sons, ces cris qui expriment une part de leur humanité et de leur foi.

Je ne pratique pas le parler en langue et je vois dans le Nouveau Testament que Paul s’en méfie. Il craint ceux qui se mettraient en avant et il demande à ce que ces expressions soient cadrées et interprétées pour les autres. Et si le parler en langue était simplement la possibilité que nous offre Dieu de nous exprimer et de nous écouter même lorsque nous n’avons plus les capacités de mettre des mots sur notre foi ? Cela me fait penser aux expressions authentiques de certains résidents adressées à Dieu le dimanche au temple de la fondation. Nous pourrions bien sûr les considérer uniquement comme des manifestations de troubles du langage. Mais ce que nous entendons ne sont pas uniquement des langages dégradés, déficients, mais de véritables prières et chants hors normes, sans mots, mais qui disent avec tout le corps ce que des mots bien agencés pourraient sans doute ne jamais exprimer.

« Bien chanter pour Dieu, c'est chanter par des cris de jubilation (…) ». Ce cri est un son manifestant que le cœur enfante des sentiments qu'il ne peut exprimer. Et à qui cela convient-il mieux qu'au Dieu inexprimable ? Il est inexprimable, en effet, celui que tu ne peux traduire dans le langage. Et si tu ne peux parler, mais que tu n'aies pas le droit de te taire, qu'est-ce qui te reste, sinon de chanter en cris de jubilation ? Que ton cœur se réjouisse sans prononcer de paroles et que l'infinité de tes joies ne soit pas limitée par des syllabes. ( Saint Augustin, homélie sur le psaume 32 )

Comment en communauté accueillir l’étrange et passer du rejet instinctif, à une écoute et un échange qui peuvent nous faire découvrir les merveilles que Dieu avait mises sur notre route ? Peut-être en apprenant, mieux que le parler en langues, la langue du corps et du cœur.

Joël Dahan ( Fondation John Bost ), pour le site internet EPUdF Montpellier (EPUMA) 02/2016.