Lorsque vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites, qui se plaisent à prier debout dans les synagogues et aux coins des grandes rues, pour se montrer aux gens. Amen, je vous le dis, ils tiennent là leur récompense. Mais toi, quand tu pries, entre dans la pièce la plus retirée, ferme la porte et prie ton Père qui est dans le secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra. En priant, ne multipliez pas les paroles, comme les non–Juifs, qui s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés. Ne faites pas comme eux, car votre Père sait de quoi vous avez besoin avant que vous le lui demandiez.

Matthieu 6, 5-8 (Nouvelle Bible Segond)

bosset 090918811. En parlant comme il le fait, Jésus ne critique pas le fait que les gens pratiquent la prière. Il critique le fait qu’en la pratiquant, ils recherchent une récompense extérieure, « être bien vu et admiré des autres » et non une récompense qui vient de l’intérieur de la pratique…

2. Nous pouvons passer parfois toute notre vie à faire des choses et parfois, à faire des choses très importantes, non pas parce que cette pratique nous enrichit, mais parce que nous recherchons une récompense extérieure. Nous choisissons un métier non pas parce que ce métier nous plait et nous intéresse, mais parce que par lui nous pensons obtenir la reconnaissance d’un proche. Nous choisissons de nous habiller d’une certaine façon, non pas parce cela nous correspond, mais pour être bien vu des autres. Or si dans notre enfance, on nous a promit des récompenses si nous faisions bien nos devoirs ou si nous pratiquions régulièrement notre instrument de musique ou si sur terrain nous marquions des buts, eh bien arrive un moment où cette manière de procéder ne fonctionne plus. Plus nous évoluons, plus nous murissons, moins nous avons envie d’agir uniquement pour obtenir une récompense extérieure. Plus nous évoluons, plus pour agir, nous avons besoin de trouver un goût, une raison, une motivation interne à la pratique. Sinon, à quoi bon persévérer dans cette pratique ?

3. Donc, dans le passage biblique que nous avons entendus ce matin, Jésus exhorte justement à aller plus loin dans la pratique. À ne pas en rester à des formalités extérieurs, mais à entrer pleinement, intimement dans cette pratique. A pratiquer la prière, non pas pour les récompenses extérieures qu’elle promet, - à l’époque de Jésus, c’était être bien vu des gens- . Mais à pratiquer la prière en « entrant dans la pièce la plus retirée de la maison » En grec le mot pour qualifier « la pièce plus retirée » peut aussi signifier le cellier. Cet endroit où l’on stocke la nourriture pour toute la maisonnée. Ainsi, nous pourrions aussi traduire le conseil de Jésus de la manière suivante : quand tu pratiques la prière, ne le fais pas en cherchant une récompense extérieure, mais trouve à l’intérieur, tout au fond de la pratique le cellier qui va nourrir ton élan, qui va renouveler ton envie. Ce conseil de Jésus, je le trouve très intéressant à méditer, car il nous rappelle quelque chose d’essentiel : à l’intérieur de chaque pratique que nous exerçons, il y a un cellier. Parfois, il me faut du temps pour le découvrir, tant ce cellier est une pièce retirée. Mais Jésus invite à persévérer. Il encourage à trouver ce qui est profondément nourrissant, cette saveur, ce plaisir, cette joie qui est au coeur de chaque pratique. Ce faisant, c’est comme si Jésus nous disait : peu importe les raisons qui au départ t’ont mis en route. Peut-être qu’au début, tu t’es mis à faire à jouer au foot pour faire plaisir à ton grand-père. Peut-être qu’au début, tu as choisi ce métier pour les avantages qu’il offrait. Eh bien, c’est normal, car souvent au bosset 09091882début nos motivations sont intéressées. Ce faisant, n’en reste pas là. Continue de jouer au foot, continue d’exercer ton métier, en ne restant pas attaché à ces biens extérieurs, mais en trouvant ta joie et ta nourriture au coeur même de ta pratique. 3. Oui Trouve le cellier qui est retiré, caché au coeur de chaque pratique ! Jusqu’à présent, j’ai donné des exemples de pratique qui concerne le sport ou un métier. Or maintenant, j’aimerai m’arrêter avec vous à la pratique spécifique dont parle ici Jésus : la prière. Il fut un temps où la pratique religieuse était étayée, encouragée par de multiples incitations sociales. Aller au culte permettait d’être bien vu des gens. Or aujourd’hui, cet étayage a disparu. Et je crois que c’est une grande chance. Car cela nous invite à pratiquer non pour être bien vu, mais parce qu’en pratiquant nous découvrons une saveur qui nous enrichit. Aujourd’hui, au niveau de notre vie spirituelle, nous sommes invités à la pratiquer, comme le musicien sans le sous qui continue à jouer du violon, non pas parce qu’à la fin, il aura un grand cachet, mais parce que, lorsqu’il joue du violon, sa vie n’a pas la même saveur. Alors, il joue, il joue peu importe le regard des autres. Il joue car cela l’alimente, cela insuffle en lui de l’ardeur, de l’envie, de la joie.

4. Ceci étant dit, allons un peu plus loin : comment décrire le plaisir, la joie que l’on peut éprouver quand on pratique la prière ? Peut-être tout simplement en reprenant les mots de Jésus : la joie qui émerge de l’intérieur de la pratique de la prière, c’est la joie qui vient lorsqu’on se sent établi dans une profonde confiance, qu’on ne se fait plus du souci pour notre avenir ou celui de nos proches, quand nous avons confiance puisque quoi qu’il arrive, notre Créateur qui est là dans le secret sait de quoi nous avons besoin. Ainsi, Je n’ai pas à multiplier les actions pour être vu, je n’ai pas à multiplier les paroles pour être entendu, car là au fond de la prière, je reçois une confiance qui tranquillement m’autorise à être. Ne t’épuise pas à courir après des signes extérieurs de reconnaissance. Sois simplement qui tu es ! Tu n’as rien à prouver pour être. Tu es. Cela suffit. Après tout ce que tu as reçu et aussi malgré tout ce que tu n’as pas reçu, après tout ce que tu as fait, malgré tout ce que tu n’as pas fait, tu n’as rien à prouver. Tu es. Tu as au dedans de toi un coeur qui bat et Tu es appelé à la vie. Cela suffit. »

bosset 09091883Certes, nous le savons bien… combien nos vies ne sont pas idéales et parfaites. Combien, elles sont parsemées de blessures, de ruptures, de cicatrices. Eh bien la saveur que je découvre en pratiquant la prière, c’est de réaliser que c’est précisément cette vie-là, ma pauvre vie, et non une vie idéale, parfaite, c’est cette vie-là qui est aimée de Dieu. Pour que cette vie puisse être pleinement vécue, nous avons tous une multitude de besoins. Besoins de manger et de te vêtir, besoin d’être en relation, besoin d’être reconnu dans tes capacités et tes compétences. Cependant par rapport à tous ces besoins, confiance ! Avec notre vie telle qu’elle est, non pas notre vie idéale et rêvée, mais notre vie telle qu’elle est, ouvrons-nous sans faux semblant à chaque journée qui commence. Car là dans chacune de ces journées, le Père qui est dans le secret veillera à ce qu’il y ait une nourriture pour alimenter chacun de nos besoins. Alors, pour prendre soin de nos besoins, ne nous épuisons pas à être bien vu au coin des rues. Ouvrons-nous plutôt à chaque journée qui commence. Et savourons cette vie qu’il nous est donné de goûter. Savourons là délicatement, pleinement, joyeusement. Et cela pour notre épanouissement et pour la gloire de Dieu. Amen

Luc-Olivier Bosset, Cournonterral, le 9 septembre 2018 (photos : unsplash)