Ne rendez à personne le mal pour le mal. Recherchez ce qui est bien devant tous les hommes. S'il est possible, autant que cela dépend de vous, soyez en paix avec tous les hommes. Ne vous vengez pas vous-mêmes, bien-aimés, mais laissez agir la colère, car il est écrit : A moi la vengeance, c'est moi qui rétribuerai, dit le Seigneur.Mais Si ton ennemi a faim, donne-lui à manger ; S'il a soif, donne-lui à boire ; Car en agissant ainsi, Ce sont des charbons ardents que tu amasseras sur sa tête.Ne sois pas vaincu par le mal, mais vainqueur du mal par le bien.

EPUF ukr2 cropRomains 12,17-21 (traduction LSG) 

1. Comme si deux ans de crise sanitaire n’avaient pas suffit, voilà qu’une guerre a éclaté !  Une guerre aux portes de l’Europe qui suscite en nous un mélange de sentiments : 

  •  de l’épouvante face à une armée qui est comme un véritable rouleau-compresseur détruisant tout sur son passage.
  • de l’indignation face aux bombardements de maternités et de villes où se trouvent de nombreux civils, 
  • de l’effroi devant ces combats pour la prise de contrôle d’une centrale nucléaire qui risque de l’endommager et d’irradier tout le monde
  • de l’émotion face ces millions de réfugiés forcés à prendre la route 
  • du respect face à ces milliers de Russes qui manifestent dans leur pays pour contester cette guerre et qui se font emprisonner. 
  • de l’agressivité face à un agresseur cynique qui accepte le principe des couloirs d’évacuation des civils, mais pour mieux les canaliser vers le pays qui les a agressé 

2. Dès lors, une question aujourd’hui m’habite : Comment réagir face à un adversaire qui déjà à Grozny, ou à Alep a montré son peu de respect pour les populations civiles ? Comment réagir face à un adversaire qui joue un double jeu. Il affirme être menacé, mais agresse son voisin et déclenche une guerre meurtrière au mépris de toutes les règles internationales en vigueur ? Comment réagir face à cette menace proche qui développe en nous une anxiété ? 

Si nous n’avons pas choisi de nous retrouver aujourd’hui confronté à cette situation, nous pouvons choisir comment y faire face. 

C’est pourquoi, la question qui j’aimerai partager avec vous ce matin, c’est celle-ci : Comment réagir ? Non pas que ce matin, nous allons de suite trouver la bonne réponse à cette question. Non pas qu’il y ait une réponse uniforme et standard  à cette question. 

Comment réagir ? Il nous faut accepter de laisser cette question nous travailler dans les jours qui viennent. Il nous faut accepter qu’elle vienne déranger nos projets, bouleverser nos  programmes. 

Comment réagir à cette guerre ? Oui, c’est en laissant cette question nous travailler que peu à peu se forgeront en nous les réponses adéquates. 

3. Les Écritures bibliques contiennent de nombreux récits et paroles où nous voyons des croyants confrontés à des situations dramatiques, tout comme l’est la nôtre aujourd’hui ; et des croyants qui dans leur situation, ont cherché à réagir dans la foi. 

Des croyants qui, face à la situation dramatique qui est la leur,  cherchent à forger leur réponse en puisant leur énergie dans une autre émotion que celle de la rage ou de la haine. 

Ce matin, je vous propose de nous arrêter auprès d’un extrait de la lettre de Paul aux Romains, qui se situe tout à la fin de l’épître au moment où l’apôtre partage des exhortations. Je vous propose de méditer ces exhortations en espérant que cela nous inspirera dans notre manière de forger notre propre réponse. 

4. Comment réagir disions-nous ? Cette lettre de Paul nous dit : en ne rendant à personne le mal pour le mal. Mais en recherchant ce qui est bien devant tous les hommes. Ce verset ne délivre pas une petite morale convenue, bon marché et bien pensante. 

Rappelons-nous qu’il a été forgé également dans des circonstances dramatiques. Ce que ce verset pointe c’est la chose suivante : l’exhortation de ne rendre à personne le mal pour le mal, n’est pas une invitation à ne rien faire. Ce n’est pas une invitation à démissionner devant le mal dont nous sommes témoins. Mais c’est un conseil de ne pas réagir en symétrie

Quand le mal se manifeste et nous agresse, il suscite en nous en réaction des émotions puissantes. Un sentiment d’injustice, d’effroi, de révolte, de colère. Or en pointant le fait qu’il ne nous faudrait pas « rendre le mal pour le mal », ce verset souligne ceci : quand le mal nous agresse, il nous faut résister de toutes nos forces au fait d’être embarqué par lui. D’être embarqué par la première émotion qui ne vise qu’à rendre. 

Nous ne serons pas soulagé du mal lorsque nous chercherons de suite à nous en débarrasser en simplement le rendant à l’envoyeur. Nous serons soulagés du mal lorsque nous trouverons le moyen non pas de le rendre, mais de lui répondre. 

symukr crop5. Ainsi, pour nous débarrasser du mal, il nous faut sortir du tac au tac pour accepter de prendre le temps de comprendre la situation et d’écouter les sentiments qui nous habitent avant de répondre. 

Au lieu de réagir en symétrie, au lieu de laisser l’agresseur nous dicter notre réaction, il nous faut nous demander : Qu’est-il en train de se passer ?  Face à ce qui est en train de se passer, qu’est-ce que je ressens profondément ? 

En faisant l’effort de comprendre et d’écouter, nous pensons souvent que nous perdons notre temps. Que cela n’est pas utile, car ce n’est pas cela qui va faire évoluer la situation. 

Dans le fond, c’est vrai ! Aujourd’hui, essayer de comprendre cette guerre, et écouter les émotions que cela suscite en nous, cela ne va pas résoudre le conflit ! 

Par contre, cela va provoquer un changement important. Au lieu que nous tournions en boucle avec nos émotions, cela va nous permettre de changer notre rapport à la situation. Cela va changer notre manière de regarder cette situation. 

Et si nous faisons cette démarche d’écoute et d’analyse avec d’autres, cela va nous permettre de ne plus nous sentir seul avec nos émotions, mais d’entendre d’autres façons de réagir qui viennent affiner et nuancer notre émotion, qui viennent aussi nous permettre de mesurer si nos perceptions sont adéquates. 

6. Plus je fais l’effort de sortir de la symétrie, plus je fais l’effort de comprendre la situation et d’écouter mes émotions, plus  alors émergent des idées de réponses. 

Nous disions tout à l’heure que ce conflit suscite en nous un mélange d’émotion. Au lieu de simplement nous laisser embarquer par elles, prenons le temps de comprendre quelles sont-elles. 

Quelle est l’émotion dominante qui nous submerge ? Est-ce que c’est l’angoisse que cette agression débouche sur  une catastrophe nucléaire ? Si cela était le cas, une manière de répondre à cette angoisse n’est-ce pas de commencer par chercher des renseignements  sur le niveau de risque d’une telle catastrophe et les moyens dont nous disposons pour y faire face. 

Quelle est l’émotion dominante qui nous submerge ? Est-ce l’effroi à l’idée qu’un pays de l’OTAN bascule dans la guerre ? Cherchons alors des informations fiables qui donnent des éléments nous permettant de bien comprendre l’évolution de la situation. 

Quelle est l’émotion dominante qui nous submerge ? Est-ce un immense sentiment d’impuissance ? Regardons les possibilités d’agir offerte actuellement par différentes associations que ce soit sous forme de dons en argent, en objet ou en bénévolat pour venir en aide à ceux qui sont sur le terrain ou qui se retrouvent réfugiés dans notre pays. 

Quelle est l’émotion dominante qui nous submerge ? Est-ce l’angoisse, face à l’augmentation des prix de l’énergie et d’autres biens du quotidien, de devoir sérieusement se serrer la ceinture et changer beaucoup d’habitudes pour arriver à joindre les deux bouts à la fin du mois ? 

Dressons l’oreille et entendons les initiatives solidaires qui ici et là germent afin que chacun puisse économiser de l’énergie.  

Quelle est l’émotion dominante qui nous submerge ? Le verset biblique disait de ne pas rendre le mal pour le mal, mais de rechercher le bien. En parlant ainsi, ce verset nous exhorte à travailler les émotions qui sont provoquées en nous par l’agression du mal pour qu’il en ressorte quelque chose de bien.

Ce verset nous exhorte à combattre les sentiments  d’angoisse, d’impuissance ou de colère en faisant quelque chose de bien, quelque chose qui ait de la valeur, du sens, du poids.  

7. Mais ce verset va aussi plus loin. Car le bien dont il est question, n’est pas simplement mon bien. Ce qui est bénéfique pour moi.  En effet, il dit : « Recherchez ce qui est bien devant tous les hommes. » En parlant ainsi, ce verset nous invite à sortir de la logique des camps et à rester dans un état d’esprit qui vise l’universel. 

Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Aujourd’hui un gouvernement est l’agresseur. Mais tous les Russes ne sont pas nos ennemis. Dans cette situation délicate et complexe, il nous faut nous encourager mutuellement pour que nous ne nous replions pas sur le bien de notre tribu, le bien de notre camp,  mais que nous continuions à chercher ce qui est bien devant tous les humains. 

asymukr cropCar c’est ainsi seulement que nous trouverons une solution durable à ce conflit. Il nous faut ensemble forger une réponse qui ne se contente pas de défendre uniquement le bien de notre tribu. Car quel que soit le résultat de cette guerre, il y aura encore sur terre des personnes qui seront russes ou ukrainiennes. 

C’est pourquoi il nous faut réagir en recherchant ce qui est bien devant tous, il nous faut forger une réponse qui puissent être reconnues comme bonne pour les Ukrainiens, pour les Russes ( je ne parle pas ici du gouvernement russe actuel, mais du peuple russe) et pour nous réunis. Le bien des uns ne peut pas tenir durablement s’il se fait au détriment des autres. 

8. «  Ne rendez à personne le mal pour le mal. Recherchez ce qui est bien devant tous les hommes. »  

Sortir de la symétrie, faire l’effort de comprendre la situation, écouter ses émotions. Rechercher ce qui est bien devant tous les humains,  Soyons lucide ! Mettre en pratique tout cela ne va sûrement pas arrêter la guerre. Cependant, cela va nous permettre de vivre cette épreuve en restant humain. 

« Comment réagir à cette agression ? » disions-nous. En trouvant une pratique à accomplir qui ne rende pas le mal, mais qui cultive entre nous  l’humanité. 

Que Dieu nous vienne en aide ! 

Amen

Luc-Olivier Bosset, le 27 mars 2022 (Jacou)
Crédit images: AvdL (mars 2022)