Du 18 au 28 novembre 2014 sont exposés dans les locaux de la Médiathèque de Pignan des copies de peintures issues du fonds de documentation ELLENBERGER et des objets originaires du Lesotho appartenant à la collection familiale de M. Guy Baccuet. Au delà de leur haute qualité artistique, ces fresques nous permettront de découvrir la relation particulière que ce peuple a su tisser avec la nature. N’est-ce pas un enjeu important aujourd’hui où les questions écologiques sont prioritaires dans notre actualité ?

Une magnifique manifestation à ne pas manquer.

Localisation : Médiathèque de l'Agglomération « La Gare », 34570 Pignan, 04 67 47 61 69busmenmatdeclic

Période : 18 au 28 novembre 2014

Vernissage suivi d’un exposé de Gilles Vidal, IPT Montpellier : vendredi 21 novembre, 18h00

Matinée déclic : dimanche 23 novembre à partir de 10h00. Pour découvrir les publications de l'intervenant Gabriel Preiss, socioanthropologue, cliquez sur ce lien.

Conférence de Marc Azéma, cinéaste,scientifique membre de l'équipe de la grotte Chauvet :    28 novembre 2014 à 18 h

Contact : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. ; tél. : 04 67 83 79 41

Pour en savoir plus, cliquer ici.

 

Voici les différents exposés de l'exposition :

Pourquoi l’Église Protestante Unie de Montpellier et Agglomération  organise-t-elle une exposition d’art rupestre Bushmen (Luc-Olivier Bosset) ?

Au mois de septembre 2013, beaucoup étaient déjà là pour marquer le dépôt d’une plaque sur la façade du temple de Pignan, une plaque à la mémoire de Thomas Arbousset,  né à Pignan en 1810  et  qui a été pendant 27 ans, missionnaire dans cet endroit au Sud de l’Afrique qui est devenu par la suite le Lésotho.

Aujourd’hui, en novembre 2014, nous nous retrouvons à la médiathèque de la Gare de Pignan pour le vernissage de cette exposition d’art rupestre intitulée : Regards Bushmen, une émotion artistique.

Quel lien peut-il y avoir entre ces deux manifestations ? En un mot comme en cent, je dirai : Morija.

C’est le nom de cette station missionnaire fondée au Lésotho par Arbousset et Casalis dans les années 1834 et qui au cours des décennies et jusqu’à aujourd’hui allait  accueillir  bien des missionnaires (qu’on appelle désormais « envoyé »).

À la fin du XIXième siècle, Morija est devenue une station missionnaire « mère »  fondant d’autres stations missionnaires dans le Lesotho. Une de ces stations «  filles »  est brûlée par des Boers en colère ; le missionnaire David Frédéric Ellenberger  doit partir précipitamment avec sa famille.  Il trouve refuge dans un abri sous roche à Masitisi, une caverne qu’il aménage pour en faire sa demeure. Dans ce lieu naîtra son fils Victor. Or sur les parois de cet endroit se trouvent des peintures rupestres aussi belles que fascinantes.  C’est ainsi qu’un déménagement forcé devient l’occasion de mettre au monde un intérêt poussé pour un art et un peuple premier  à l’époque pas du tout prisé.

Sur la route de chacune de nos existences, des événements se croisent sans que, souvent,  cela ne fasse grand bruit, ni ne laisse de traces marquantes. Aussitôt arrivés, bientôt oubliés. Mais parfois, sans trop que nous sachions l’expliquer, la coïncidence  des évènements  devient rencontre.

Si nous sommes ici aujourd’hui, c’est parce que à la suite de plusieurs générations dans la famille Christol-Ellenberger la découverte de ces peintures rupestres a provoqué chez bien des personnes de vibrantes émotions artistiques qui elles, laisse des traces indélébiles dans le marbre de nos mémoires.

En participant à la tenue de cette exposition, l’église protestante unie de Montpellier et agglomération désire partager avec le plus grand nombre ce « parler visible » d’un peuple premier en voie d’extinction.

Puisse l’observation de ces peintures renouveler le regard que nous portons  sur ces peuples premiers. Puissions-nous ressortir de cette visite en n’ayant peut-être pas la foulée aussi gracile que celle des ces personnages faisant le grand écart, mais une foulée qui en entrant en contact avec la terre apprend à se laisser  porter et enseigner par elle.  

Ce fut un plaisir d’organiser cette exposition en partenariat avec l’AFEBAT, sans qui rien n’aurait été possible. Je cède à présent la parole à son président.

 

Pourquoi s'intéresser aux bushmen de nos jours  (Jean-Pierre van Cornewal,  président de l’Association Française pour l’Etude des Bushmen Artistes Txam) ?

Mesdames Messieurs, chers amis,

Pourquoi s'intéresser aux bushmen de nos jours ? Quelle drôle d'idée.

Les bushmen n'ont pas profité du néolithique et sont restés chasseurs cueilleurs.Ils vivaient en clans se déplaçant librement au gré des saisons, des mouvements de la faune chassée, des ressources qu'ils pouvaient trouver dans le sol. Ces clans s’affrontaient de temps à autre. Ils côtoyaient, parfois violemment, les Hottentots. Ceux ci avaient vraisemblablement traversé le néolithique avec profit et étaient déjà des éleveurs de bétail. Il y a longtemps que Bushmen et Hottentots occupaient le sud de l'Afrique. Les portugais tentèrent au XVIe siècle, sans succès, de s'y installer. Puis sont arrivés dans la deuxième moitié du XVIIe ceux qui l'ont sérieusement colonisé : hollandais, anglais et français. Dés lors, les bushmen ont été pris en étau entre les colons qui petit à petit remontaient vers le nord à partir du Cap de Bonne Espérance, et les bantous peuplades noires descendant d'Afrique centrale vers le sud.

Ce résumé en quelques lignes plus que grossières n'a aucune prétention historique. L'histoire, avec un grand H, est certainement plus compliquée. Ce raccourci de plusieurs siècles d'histoire montre simplement que les bushmen sont restés différents. Et la différence a toujours été source de rejet :

  • La propriété individuelle, au sens des colons, était un concept inconnu des bushmen
  • Ils se déplaçaient librement, tuant du gibier pour se nourrir, mais aussi vaches et moutons en ignorant barrières et grillages
  • Ils n'ont pas d'écriture. Ils sont pourtant de très bons conteurs. Leur littérature est orale
  • Individualistes, ils ne supportent pas le concept de chef
  • Vivant de chasse et de cueillette, ils vivent en symbiose avec la nature
  • Leurs dieux font rarement l'objet de cultres. Leur mythologie était pourtant très développée
  • Ils avaient une connaissance approfondie des étoiles. Ils savaient lire la terre et les animaux
  • Pour obtenir certains biens, ils pratiquent le troc

Toutes ces différences font que les bushmen ont vite été considérés comme des êtres errants, frustes, sans foi ni loi, vivant de rapines et à ces titres chassés comme des animaux. S'ils étaient redoutés pour le poison dont ils enduisaient la pointe de leurs flèches, ils devinrent gibier, furent acculés dans les montagnes des Maloutis (actuel Lesotho) et petit à petit furent exterminés.

Ils nous ont laissé des peintures pariétales et des gravures dans des abris sous roche qui témoignent de leur maîtrise des couleurs, du trait et de l'observation des hommes et animaux. On trouve dans ces dessins des hommes, des femmes, des animaux, des êtres mythiques et certainement étranges. L'interprétation de ces dessins fait l'objet de nombreuses hypothèses disputées par les spécialistes. La datation des ces peintures n'est pas formellement définie, de quelques centaines d'années, à quelques milliers d'années. Nous resterons donc très prudents quant à la datation des fresques exposées et à leur signification.

Ce magnifique livre ouvert sur la nature est actuellement en perdition : les conditions climatiques, la malveillance de certains, la négligence et le mépris des états font que ce patrimoine disparaît peu à peu dans l'indifférence quasi générale.

Aujourd’hui, seules subsistent quelques tribus de bushmen en voie d'acculturation, majoritairement au Botswana et Namibie. Leur survie est menacée par des états et sociétés avides de rentabilité immédiate, diamants, tourisme. Malgré des décisions de justice en leur faveur, les accès à leurs points d'eau sont interdits ou les points d'eau sont empoisonnés. Ils ne peuvent plus chasser alors que de luxueuses « lodges » pour touristes sont construites sur leur terrain de chasse. Acculés dans des réserves, ils côtoient l'alcool, la drogue,

Nous savons poser un engin spatial sur une planète de quelques kilomètres de long située à 500.000.000 de kilomètres. Et nous savons faire du tourisme ethnique ou tribal qui décime les quelques noyaux de population premières parsemées et isolées sur notre bonne vieille terre. Nous devons veiller et admirer ces témoignages d'un passé que l'on peut considérer comme proche au regard des millions d'années d'existence de la terre. Nous avons aujourd'hui la volonté de sauver la biodiversité des espèces, peut être devrions nous aussi nous pencher sur la sauvegarde de la diversité des cultures. L'AFEBAT est heureuse d'avoir apporté sa modeste contribution à cette mémoire pour qu'elle reste vivante à notre époque.

Profitez, admirez, commentez ces fresques. Nous ne sommes pas des bushmen, mais comme eux, prenez plaisir à lire ces fresques.

Bonne exposition à tous.

 

Quand on parle de progrès, les bushmen nous interrogent  (Matinée Déclic à Cournonterral, Dély Fraisse)

Qu'aurions nous pu dire des bushmen avant que l'exposition organisée à la médiathèque de Pignan ne  nous les fasse découvrir au travers de leurs peintures, déposées dans les abris sous-roche des contreforts montagneux du Lesotho? Rien  si ce n'est un vague souvenir d'un film américain dont seul nous reste l'image d'un homme africain découvrant une bouteille de coca tombée d'un avion....

Le « primitif » devant ce qui se voulait être le symbole de notre « civilisation » occidentale!

Et nous voilà devant  leurs peintures, fidèlement  reproduites sur toile à l'initiative d'un homme passionné, Paul Ellenberger,  et d'un groupe de gens soucieux de faire partager les précieux documents. Nous entrons alors dans ce qui fait la vie de ce peuple : la chasse, la cueillette, les affrontements avec les ennemis venus de toute part tenter de les déloger de leurs terres, les rituels, les danses et les transes chamaniques... Qu'avons nous à apprendre de ce peuple? Que vient-il interroger chez nous?

Gabriel Preiss, socioanthropologue, nous a conduits, au cours de cette matinée, de questionnements en questionnements.

Quels enseignements tirer d'une société qui a inventé une façon d'être et de vivre ensemble si particulières?  Pour nos sociétés, sur-industrialisés et croulant sous l'avalanche de biens de consommation, peut-on imaginer entrer dans un processus de décroissance, comme certains l'évoquent?

Que penser de la sur-médicalisation, avec une pharmacopée sophistiquée  mais inaccessible aux pays pauvres quand l'on apprend que les bushmen se soignaient avec des plantes dont on s'accorde maintenant à louer les vertus?

Gardons nous bien cependant, par une simplification inopportune,  de formuler des  problématiques à partir seulement d'une comparaison parfaitement anachronique entre la société des bushmen et la nôtre!

Déplorons enfin la fin d'une culture qui n 'a pas résisté au choc des civilisations et à la toute-puissance des intérêts financiers de consortium étrangers.