Jean 13 v14

Frères et sœurs en Christ,

Il est important d’avoir entendu juste avant ce texte du lavement des pieds le récit de la résurrection. Cela est important, car cela nous permet de méditer ce texte du lavement des pieds dans cette perspective du Christ ressuscité des morts, nous n’oublions pas, en effet, que l’évangile selon Jean à été écrit bien après cette résurrection.

Jean 13 v 14 : « Si donc je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. »

Dans ce passage de l’Évangile, nous voyons comment Jésus prends soin de ses disciples là où ça fait mal : les chemins où il les envoie (que l’on peut comprendre comme une métaphore de la vie) sont parsemés d’embûches, de pièges, ce sont leurs pieds qui ont été meurtris, blessés, lui même a vécu cela avec eux, pour eux ; ce sont ces endroits douloureux qui sont la priorité des priorités. Pour nous aujourd’hui ce qui nous meurtri le plus c’est la pression, le stress, la vitesse, l’angoisse de perdre son travail, la crainte de trop s’endetter, le souci de l’avenir de nos enfants et petits enfants, la maladie qui pointe le bout de son nez et qui nous rappelle notre finitude. Bref, tout notre être à besoin de délicatesse, de calme de temps à autres. Oui nous avons besoin de cette paix de Dieu au plus intime de nous même car elle seule à ce pouvoir incroyable que nous ne soyons pas submerger par toutes ces craintes et ses angoisses qui nous traversent et parfois s’installent en nous. Nous avons besoin de cette rencontre avec le Christ ressuscité, pour nous retrouver. Nous avons besoin cette Présence pour nous construire. Pâques annonce cette rencontre au plus intime de notre être entre notre esprit et Dieu lui-même.

1 Une certaine conception de l’autorité

Sur les chemins de la Galilée du temps de Jésus les individus se déplaçaient en sandales. Ce matin nous sommes venus au culte avec nos chaussures du dimanche.

Dans le langage courant lorsque nous voulons être désagréable envers un collègue de travail qui nous agace nous disons à un autre collègue : « regarde, regarde le cireur de pompe fait son entrée,», dans le sens que cette personne fait « le lèche botte ». Cette personne, veut être bien vu par le chef et obtenir quelques avantages. Derrière ce jugement radical il y a une certaine conception de l’autorité. Souvent un individu s’abaisse devant une certaine autorité car elle a le pouvoir de faire ou défaire les carrières. Et paradoxalement si le chef qui détient l’autorité ne tient plus son rôle de chef (tel que tout le monde l’entend aujourd’hui), il ou elle ne sera plus respecté et par sa hiérarchie et par ses employés. Pas si simple finalement d’exercer une autorité aujourd’hui… Et comme un fait exprès, le lavement des pieds qu’entreprend Jésus auprès de ses disciples vient bousculer toutes nos conceptions classiques d’autorité.

L’autorité avec Jésus est donc revisitée dans cette scène du lavement des pieds. Voici le Dieu fait homme quitter ses vêtements et venir en humble « garçon de bain » s’agenouiller et laver les pieds meurtris de ses disciples fatigués ! Il vient sans masque, sans fard, sans apparat, sans garde du corps, il n’a de protection qu’un linge.

2 Une autre conception de l’autorité

Jésus comme à son habitude vient donc renverser les raisonnements humains qui sont en place depuis des millénaires. Dans la pensée biblique celui qui à l’autorité c’est celui qui fait grandir l’autre. Ce qui est intéressant ici dans le comportement de Jésus c’est qu’il décide volontairement, pour faire grandir l’autre, de prendre une position d’esclave. L’esclave est celui qui lave les pieds de son maître. Pierre comprend l’acte de Jésus au premier degré, d’où sa réaction étonnée: « Toi, Seigneur tu me laverais les pieds ». Sous entendu : «  ce n’est pas ton rôle, ta position de choisi de Dieu, de Dieu lui-même. Ta mission ne te cantonne pas dans cet acte là, bien au contraire elle t-en éloigne car c’est à nous de tenir ce rôle la à ton égard » Pierre cet homme au caractère entier continue et dit : « Non, jamais tu ne me laveras les pieds. » Sous entendu  «  j’ai une très haute idée de ta personne cher Jésus, et je sais qui je suis, je ne puis accepter cela. »

3 Une relation de service en réciprocité.

Bref, Pierre ici à tout faux et nous avec lui souvent. Mais pourquoi avons-nous tout faux. Tout simplement par ce que nous décrétons depuis des millénaires qu’un être humain peut être au dessus d’un autre. Et si nous plaçons un être humain au dessus de nous cela implique que nous pensons que nous aussi, mais bien entendu pas nécessairement dans le même domaine, nous pouvons avoir cette place de choix, cette position apparemment agréable d’être au dessus d’un autre, des autres. Vit donc en nous le désir d’être servi par une ou plusieurs personnes. Ce désir peut se transmuer rapidement en un plaisir malsain de dominer celui qui me sert. De fait, servir est connoté parfois négativement dans notre esprit, dans notre pratique sociale. Nous confondons souvent la notion de compétence qui nous permet de mettre en valeur les dons que nous avons reçus avec celle du pouvoir que cette compétence peut entraîner lorsque nous la détournons de son objectif premier celle du service. Les compétences que nous avons ne sont pas là pour nous mais pour les autres.

Pour Jésus aucun être humain n’est au dessus d’un autre. Et cela est tellement vrai que lui, qui est Seigneur et Mètre, Dieu fait homme, montre l’exemple. Nous sommes ici dans le renversement total de rôles. Le Dieu fait homme lave les pieds à des gens simple….Je pense que nous devons prendre la pleine mesure de l’acte que réalise Jésus. Celui devant qui tout individu devrait se prosterner avec un grand respect décide dans un acte de liberté totale de laver les pieds. De plus, Jésus ne considère pas cet acte de laver les pieds comme un acte qui rabaisse un être humain. Jésus ne considère pas que son être même de Dieu perde de sa vitalité, de son honneur, de sa prestance en accomplissant cet acte. Bien au contraire, il nous indique, par cet acte, que l’être même de Dieu est service. Nous avons là une image de Dieu surprenante. Nous l’attendons plus souvent dans les éclairs, la puissance, les miracles, la royauté avec le faste qui va avec et il se révèle à nous tel un serviteur. Pire, il nous accueille tel un serviteur. Nous l’attendions comme un grand sage, comme le grand ordonnateur et il vient, paisible, laver les pieds de ses disciples. La sagesse est aussi service. Il est, Lui, notre Dieu, notre Sauveur, notre Seigneur au service de la vie, de l’Amour, du pardon, de la Sagesse. Et il attend que cette humanité que représente Pierre, ici, lui ressemble, tout simplement. Notre humanité qui à été crée, nous dit le livre de la Genèse dés l’origine à l’image de Dieu. Notre humanité voit son Dieu venir lui laver les pieds. Dieu en tant que Fils inscrit dans notre humanité, au plus intime de notre cœur, de notre mémoire, son être même de serviteur pour qu’a sa suite nous nous réjouissons avec Lui de servir.

Le service qu’accomplie Jésus est d’une totale gratuité. Servir c’est offrir son temps, son geste, son être. C’est être tout dans l’acte que nous accomplissons. Servir c’est vivre sa vie comme une offrande et ne pas se soucier du retour sur investissement. C’est une offrande pour la vie, au nom même de la vie, c’est l’offrande d’un service. C’est une joie, une paix que de vivre le service comme une offrande en Église comme dans notre vie sociale.

La bonne nouvelle ici c’est que Dieu, en Jésus Christ, par cet acte de laver les pieds de ses disciples, brise tous les dévoiements que notre humanité fabrique lorsqu’elle décide d’habiter une fonction sociale. Oui, posons-nous comme simple question : Comment orientons-nous notre engagement dans la fonction sociale que nous occupons?

Si je suis Président de la république, homme politique, syndicaliste, entrepreneur, banquier, cadre, président d’une association, engagé dans une œuvre, commerçant, employer d’état, simple ouvrier, engagé dans l’église, père et mère de famille, suis-je dans le même état d’esprit que le Christ lorsqu’il lave les pieds de ses disciples ? Ai-je laissé émerger cette notion de service qui est inscrite en chacun de nous, par le Fils, depuis que Jésus Christ est ressuscité des morts. Oserai-je la laisser se déployer dans la fonction que j’occupe avec l’aide de l’Esprit Saint ? Et aurais-je l’audace de rendre gloire à Dieu le Père et de témoigner de son Amour lorsque l’on s’approchera de moi pour me remercier du service accomplie ?

4 Les uns les autres

Ce qui est capital aussi aux yeux de Jésus c’est de se laver les pieds les uns les autres. Les uns et les autres … Tout est là, dans cette expression les uns et les autres. C’est la réciprocité dans le service qui est primordiale pour Jésus, c’est grâce à cette réciprocité dans le service que la notion d’esclave et de maître cède la place à celle du serviteur qui un jour sera servi, il deviendra ainsi comme un maître et un autre jour il deviendra comme un serviteur. Les rôles ne sont pas figés, par ce que la vie n’est pas figée. Et si nous nous plaçons dans le rôle unique de celui qui sert, ou de celui qui doit être servi nous figeons la vie, nous sclérosons la relation humaine, et nous entrons dans la logique infernale de la conquête d’un pouvoir, quel qu’il soit afin d’occuper la plus haute place et d’attirer tous les regards, d’être au centre. Notre seule difficulté c’est d’accepter réellement parfois d’être servi par d’autres et de devenir à notre tour serviteur…

Nous sommes des serviteurs à la suite du Christ dans ce monde. Nous sommes des serviteurs parce que le royaume des cieux s’est approché, par ce que nous sommes en communion avec le Père, parce que le Fils vit en nous et parce que nous marchons dans l’Esprit et par l’Esprit. Nous sommes devenus des serviteurs par ce que Jésus Christ à été crucifié, qu’il est mort et qu’il est ressuscité.

Celui qui est ressuscité à donc orienter notre humanité dans cette direction. L’image que Dieu à révélé de lui-même à travers le Fils Unique est donc celle d’un serviteur. Je le répète, serviteur de la vie, de la paix, du pardon, de l’amour selon Dieu…C’est notre véritable image d’être humain, c’est cette image là qui permet le vivre ensemble, qui suscite la solidarité, qui nous permet d’accueillir la culture de l’autre comme nous la rappeler le pasteur Jean Arnold de Clermont lors de ces trois conférences… Sommes-nous fiers de cette image de serviteur que le Christ endosse en lavant les pieds de ses disciples ? Sommes-nous prêt à revêtir ce nouvel habit que nous propose le Christ ? Sommes-nous prêt à le conserver, à le rendre encore plus éclatant ? Nous sommes en communion avec le Christ ressuscité à chaque fois que nous nous inscrivons dans cette dynamique du service. Nous réjouissons le cœur même de Dieu lorsque nous marchons ainsi sur les traces du Christ ? Nous sommes bien loin de tous ces fastes que notre humanité ce fabrique pour ce donner de l’importance….Nous sommes bien loin aussi de toutes ces fausses images de Dieu que nous nous fabriquons et que d’autres colportes. Celui qui est ressuscité à résolument placé notre humanité dans une nouvelle orientation. La fête de Pâques célèbre cette nouvelle orientation. Continuons à placer notre confiance en Jésus le Seigneur afin de vivre de la sienne.

Amen

Pasteur Jean-Pierre Julian, Culte de Pâques 2013