Interrogé par les pharisiens pour savoir quand viendrait le règne de Dieu, il leur répondit : Le règne de Dieu ne vient pas de telle sorte qu'on puisse l'observer. On ne dira même pas : « Regardez, il est ici ! », ou : « Il est là-bas ! » En effet, le règne de Dieu est au milieu de vous.

Luc 17, 20-21 (traduction LSG) 

lob 180922 11. À l’heure où, chez nos voisins, une reine s’éclipse et où un nouveau roi lui succède sur le trône, parlons ce matin d’une notion biblique devenue quelque peu énigmatique pour nous qui vivons depuis plusieurs siècle sous une république, parlons du « règne » et même du « règne de Dieu ». 

À l’époque de Jésus, la question de la venue du règne de Dieu était dans tous les esprits, voir même parfois, elle rendait ces esprits fiévreux. Est-il possible qu’aujourd’hui cette même notion nous apporte un peu de cette lumière qui nous aide à nous orienter lorsque nous traçons notre voie sur le chemin de l’existence ? 

La réponse a cette question est « oui ».  C’est pourquoi je vais à présent essayer de partager avec vous cette lumière. 

2. Quand Jésus se fait interroger par des pharisiens, il est interpellé par des gens qui sont aimantés par le règne de Dieu, comme étant la cause pour laquelle il valait la peine de s’engager. Quand est-ce que Dieu allait établir son règne ? Sous entendu, quand le règne de Dieu allait-il enfin remplacer le règne de l’empereur romain qui avait envahit la terre d’Israël ? 

À l’époque, l’empereur de Rome avait les moyens d’établir les conditions sous lesquelles les gens en Israël allaient devoir passer leur existence. Bien sûr, cet empereur ne faisait pas la pluie et le beau temps, il n’empêche qu’il avait l’autorité pour fixer un nombre impressionnant de règles ayant un impact certain sur le quotidien de tous les gens vivant en Israël.  

Bien sûr grâce aux routes et à l’administration que cet empire a su mettre en place, de nombreuses villes et régions se sont développées autour de la mer Méditerranée. Sous le règne des empereurs romains, beaucoup d’habitants ont vu leurs conditions de vie s’améliorer. Mais sous ce même règne, les inégalités et les répressions étaient aussi chose courante. Chacun n’était pas à l’abri d’être un jour réduit en esclave s’il ne se soumettait pas aux conditions établies par la pax romana. 

Par rapport à ce type de règne, le règne de Dieu était d’un autre ordre. Toute sa vie durant, en parlant du règne de Dieu, Jésus de Nazareth a témoigné que les conditions établies par le Créateur étaient les mêmes pour tous ; et qu’en façonnant la femme et l’homme à sa ressemblance, c’est à dire en faisant de chaque humain une personne, capable de réfléchir et de choisir, le but poursuivi par le Créateur n’était pas de faire de cette créature un esclave docile et soumis, mais d’en faire un partenaire personnel avec lequel le Créateur pourrait entrer en communion. 

Donc quand les pharisiens demandent à Jésus « quand viendra le règne de Dieu », ils s’interrogent pour savoir quand viendront enfin les conditions de vie favorables permettant à chacune et chacun de ne pas vivre comme des esclaves, mais comme des partenaires personnels. 

3. Depuis l’époque où les pharisiens se posaient ce genre de questions, de l’eau a coulé sous les ponts. Le règne des empereurs de Rome a passé. Cependant, aujourd’hui n’aspirons-nous pas, nous aussi, à pouvoir vive sous des conditions qui soient le plus favorables possible ? 

Des conditions climatiques qui ne soient pas extrêmes ou imprévisibles, mais qui nous apportent suffisamment de lumières, de chaleurs, de régularité afin que nous puissions vivre sereinement…

Des conditions sociales qui ne soient pas chaotiques et désorganisées, mais qui puissent nous fournir une éducation, un milieu professionnel, des soins permettant que nous puissions nous former, développer pleinement nos capacités, pour ensuite les exercer et pour ensuite vieillir sereinement.

Quand nous renouons avec cette aspiration de vivre sous des conditions favorables, nous sommes en mesure de comprendre profondément ce que les Écritures bibliques entendent par la notion de « règne ». 

lob 180922 24. Ceci étant dit, allons plus loin. Lorsque les pharisiens interpellent Jésus sur la venue du règne de Dieu, ils se demandent  dans tout ce qu’ils vivent au quotidien où sont les conditions de vie qui reflètent le règne de Dieu ? Quelles sont les conditions de vie qui vont à l’opposé de ce règne ?  Et par rapport aux situations injustes qui vont à l’encontre de ce règne, quand seront donc vraiment mises en place les conditions de vie alignées sur cet règne ? 

De l’eau a coulé sous les ponts, il n’empêche leur questionnement peut aussi être le nôtre. Car, aujourd’hui de multiples signes montrent que les conditions climatiques sous lesquelles nous avons eu l’habitude de vivre sont en train de changer profondément ; et qu’il nous faut prendre la mesure de ces changements en changeant à notre tour…

Aujourd’hui nous vivons sous des conditions géopolitiques particulières avec une guerre au frontière de l’Europe qui vient remettre en cause les conditions économiques mise en place depuis la chute du mur de Berlin ; une remise en cause économique débouchant également sur une déstabilisation des conditions sociales sous lesquelles nous avons eu l’habitude d’évoluer. 

Dans toutes ces déstabilisations et ces dérèglements, comme les pharisiens au temps de Jésus, nous pouvons nous demander : quand va venir le règne de Dieu ? Alors que tout tangue et se fait menaçant, quand va venir une stabilité, une paix nous permettant d’avoir l’espace et le temps dont nous avons besoin pour sereinement nous épanouir ? Quand va venir le moment où tout ce qui a été mis en place par le Créateur va pouvoir enfin bien se développer, afin que le but pour lequel le Créateur a créé tout cela soit enfin atteint ? 

5. Pour trouver une réponse à la question « quand va venir le règne de Dieu », il faut d’abord que nous soyons au clair sur le but que poursuit le Créateur en nous créant. Il faut d’abord que nous soyons au clair sur pourquoi le Créateur nous a-t-il placé sur terre et appelé à la vie ? De là où j’en suis arrivé dans ma méditation des Écritures bibliques, je répondrai ceci : 

Si Dieu nous a créé, c’est pour que nous puissions découvrir la vie. La vie humaine, consciente, faite de relations et de rencontres, et où peu à peu, nous découvrons le bonheur que c’est d’être en relation les uns avec les autres, où nous découvrons le bonheur d’aimer quelqu’un et d’être aimé, où nous vivons le bonheur de tisser des amitiés fidèles, durables. 

Grâce à tous ces liens, peu à peu nous réalisons que nous ne sommes pas qu’un amas de chromosomes et de cellules, que nous ne sommes pas que de la poussière d’étoile, mais que nous sommes une personne unique au monde qui parle, qui discute, qui rit, qui pleure avec d’autres personnes uniques au monde. 

Si Dieu nous a créé, c’est pour que nous puissions découvrir cette qualité de vie là : une vie qui trouve son bonheur grâce aux relations de personne à personne qu’elle peut goûter. 

Et je dirai même plus : si Dieu nous a créé, c’est parce qu’Il désire nous faire entrer dans le bonheur qu’il éprouve d’être en relation personnelle avec chacun d’entre nous. Pour que nous nous acheminions vers cette qualité de bonheur relationnel, Dieu le Créateur a mis en place toutes les conditions de vie nécessaire, pour que chacun d’entre nous ait l’espace et le temps nécessaire pour être éveillé, au travers de tous les contacts que nous tissons, éveillé au bonheur de goûter des relations personne à personne avec quelqu’un. 

6. Grâce à ces authentiques bonheurs qui jalonnent notre parcours de vie, mais qui sont limités et transitoires, nous sommes peu à peu initiés et préparés à savourer pleinement le bonheur infini et éternel de partager une communion de qualité, une communion de personne à personne avec notre Créateur. 

Si autour de nous les conditions de vie nous permettent d’être préparé à cette qualité de bonheur relationnel de personne à personne, alors ces conditions sont alignées avec le pourquoi nous avons été créé, elles sont alignées avec le règne de Dieu. 

Si les conditions sous lesquelles nous vivons étouffent l’espace, si elles hypothèquent le temps dont nous avons besoin pour pouvoir être peu à peu éveillé à cette qualité de relation de personne à personne, alors ces conditions de vie ne sont pas alignées avec le règne de Dieu. 

Si les conditions de vie sous lesquelles évoluent un individu ne lui permettent pas de prendre conscience qu’il est une personne unique au monde, accueillie avec joie par Dieu, alors ces conditions méritent que nous nous opposions à elles pour les faire évoluer. 

Si les conditions climatiques poussent l’humain à se mettre en mode survie, si les conditions sociales malmènent l’espace et le temps dont cet humain a besoin pour être éveillé au bonheur d’une relation personnelle de qualité avec d’autres humains et avec Dieu, alors il vaut la peine de discerner ce qui peut être changé pour pouvoir vivre sous des conditions climatiques ou sociales plus favorables. 

lob 180922 37. Oui, il vaut la peine de nous mobiliser et de nous engager et de faire ce que nous pouvons faire pour que les conditions climatiques et sociales dans lesquelles nous vivons soient le plus favorables. Il vaut la peine de nous engager pour favoriser un changement de nos habitudes de consommation afin que nous développions un moindre impact carbone ; il vaut la peine de nous engager pour lutter contre les violences conjugales, les abus sexuels qui violent la dignité de personnes en en faisant d’elle de nouveaux esclaves.   

D’ailleurs, certaines et certains s’engagent dans ces luttes avec la conviction qu’en agissant ainsi ils participent à la mise en place de conditions de vie plus favorable pour tous, qu’ils participent à l’établissement du règne de Dieu. 

Mais devant les résistances et les complications, ces mêmes personnes peuvent aussi être saisies par un profond découragement. Elles peuvent avoir l’impression d’être des Sysiphes qui à peine ayant réussi à remonter la pierre en haut de la pente, doivent tout recommencer car cette même pierre s’est mise à repartir en arrière. 

8. Or, précisément, c’est dans ces situations-là que la parole de Jésus se révèle lumineuse. Car que dit Jésus ? Il dit que le règne de Dieu ne vient pas d’une manière observable.  

En grec, ce mot fait référence aux observations sur la base desquelles les astronomes s’appuyaient pour établir les différentes dates des fêtes religieuses. par exemple à quel moment devait être fixée la date de la fête de Pâques.  

Dans le prolongement de cette logique, plus tard, cette même expression en grec a fait référence aux calculs fiévreux et passionnés menés par tous ceux qui cherchaient à interpréter les signes avant coureurs d’une apocalypse et donc qui cherchaient à pronostiquer, voir à mettre en oeuvre une crise marquant un tournant profond dans l’histoire du monde. Dans ce contexte, Jésus dit que le règne de Dieu ne vient pas « d’une manière observable », sous entendu : nous ne pouvons pas le calculer ou le mettre en oeuvre. Mais  « le règne de Dieu est au milieu de vous ».  

Ce faisant, Jésus dit : ne soyez pas trop occupés à calculer et à pronostiquer, car ce faisant, vous passez à côté de l’essentiel. En ce sens, je crois que Sherlock Holmes est un fidèle disciple de Jésus quand il dit à son ami Watson : mon cher Watson, tout est là sous nos yeux, mais nous ne le voyons pas ! 

Nous sommes parfois tellement à la recherche de conditions de vie favorable que tout ce que nous voyons autour de nous parait limité, petit, borné, dénué de sens. 

Mobilisé par notre quête, nous regardons par dessus notre quotidien, ailleurs ; et là ailleurs, nous voyons au loin les mêmes petites choses qui nous semblaient si bornées alors qu’elles étaient dans notre quotidien, mais là dans le lointain, ces mêmes petites choses paraissaient pleines de sens, peut-être seulement parce que nous ne les voyions pas clairement. 

Jusqu’au jour où nous réalisons qu’il n’y a pas besoin de regarder par dessus notre quotidien, mais au contraire, le regarder pleinement pour découvrir dans ce quotidien, ce qui fait sens. 

Quand Jésus affirme que le règne de Dieu n’est pas observable, il ne cherche pas à transporter ses auditeurs dans un autre monde. Non, il vise simplement à les rendre plus sensible, plus conscients au monde qui les entoure.

9. Même si nos conditions de vie ne sont pas complètement favorables, l’enjeu pour ne pas passer à côté de l’essentiel, à côté du but pour lequel nous avons été créé. L’enjeu, c’est de devenir sensible au fait que le règne de Dieu est déjà là agissant, au milieu des conditions de vie qui sont les nôtres actuellement. 

Le règne de Dieu est déjà là agissant, car quelle que soit la situation que je dois endurer, Dieu est déjà là à travailler pour que je devienne une personne consciente, capable de goûter et apprécier la saveur d’une relation personnelle de qualité.  

Dès lors la parole de Jésus nous apporte la lumière dont nous avons besoin pour porter et supporter les conditions de vie pas toujours favorables que nous avons à endurer. Car cette parole de Jésus nous redit : quand la situation n’est pas favorable, ne passe pas ton temps à laisser ton regard errer au loin. 

Reçois chaque jour qui passe comme une occasion donnée par Dieu pour réaliser, au sens de rendre réel, concret sa volonté de communion personnelle. 

Reçois chaque jour qui passe comme une occasion où au travers de tout ce qui t’est donné de vivre, mystérieusement, Dieu travaille la pâte de ta personnalité afin que la communion de personne à personne ne soit pas un vague idéal, un voeu pieux, mais que cette communion devienne de plus en concrète et réelle. 

Reçois chaque jour qui passe comme une occasion où tu peux savourer les fois où il t’a été donné de goûter au bonheur d’une relation de personne à personne. 

Reçois chaque jour qui passe comme une occasion où fort de ce que tu auras découvert et compris de ce bonheur-là, tu puisses t’engager auprès d’autres humains peinant à vivre ce bonheur-là afin de faire ce qui est possible pour qu’ils puissent eux aussi se sentir appelés à cette qualité de communion et qu’ils s’en réjouissent dès aujourd’hui.

Amen

Luc-Oliver Bosset, le 18 septembre à l'église St André à Maurin.
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