Actes 2, 1 à 15 : Lorsque arriva le jour de la Pentecôte, ils étaient tous ensemble en un même lieu.

Tout à coup, il vint du ciel un bruit comme celui d'un violent coup de vent, qui remplit toute la maison où ils étaient assis. Des langues leur apparurent, qui semblaient de feu et qui se séparaient les unes des autres ; il s'en posa sur chacun d'eux. Ils furent tous remplis d'Esprit saint et se mirent à parler en d'autres langues, selon ce que l'Esprit leur donnait d'énoncer. Or des Juifs pieux de toutes les nations qui sont sous le ciel habitaient Jérusalem. Au bruit qui se produisit, la multitude accourut et fut bouleversée, parce que chacun les entendait parler dans sa propre langue. Etonnés, stupéfaits, ils disaient : Ces gens qui parlent ne sont-ils pas tous Galiléens ? Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans sa langue maternelle ? Parthes, Mèdes, Elamites, habitants de Mésopotamie, de Judée, de Cappadoce, du Pont, d'Asie, de Phrygie, de Pamphylie, d'Egypte, de Libye cyrénaïque, citoyens romains, Juifs et prosélytes, Crétois et Arabes, nous les entendons dire dans notre langue les œuvres grandioses de Dieu ! Tous étaient stupéfaits et perplexes ; ils se disaient les uns aux autres : Qu'est-ce que cela veut dire ? Mais d'autres se moquaient en disant : Ils sont pleins de vin doux ! Alors Pierre, debout avec les Onze, éleva la voix et énonça ce qui suit à leur adresse : Hommes de Judée et vous tous qui habitez Jérusalem, prêtez l'oreille à mes paroles ! Sachez-le : ces gens ne sont pas ivres comme vous le supposez, car il est seulement neuf heures du matin.

 

Il n'est pas 9 heures mais plutôt 11 heures du matin.... et je ne crois pas que nous soyons ivres...

Vous en conviendrez : c'est une curieuse réponse que celle de Pierre à ceux qui se moquent de lui et de ses compagnons  : En effet, il sous entend qu'il y a bien un moment pour l'ivresse, mais que là ce n'est pas encore l'heure.

Voilà des paroles pas très catholiques dans la bouche de l'apôtre préféré de Rome !

Cela dit, toute l'histoire ce que nous venons d'entendre est tellement étrange qu’on pourrait se demander si ce n'est pas nous qui avons bu …un peu..

Mais qu’avons-nous entendu  au juste ?

C'est une histoire de langues et de feu, de souffle et de foule, de bouches et de bruit, de ciel et de terre...Une foule de gens, rassemblée à Jérusalem, s'interroge : « qu'est-ce que tout cela veut dire ? »  Et nous, foule rassemblée dans ce temple à Montpellier, nous nous interrogeons nous aussi.....

Entre eux

Ça se passe à Jérusalem, le jour de la « Pentecôte » , ce mot signifie 50 en grec, parce que c'est une fête qui se déroule 50 jours après le dimanche de Pâques.

C'est un grand jour pour les juifs : les rues de la ville sont noires de monde, attirant des pèlerins venus du monde entier. C'est la fête de la moisson : on offre les premiers fruits à Dieu, en remerciement.

C'est aussi et surtout la fête du don du Décalogue pendant le séjour du peuple juif au désert.Tout le monde est donc dehors. Tout le monde ? Sauf les apôtres.

Les apôtres, eux, sont à l'intérieur. En réunion. Ce n'est pas la première fois.

Déjà, le soir du dimanche de Pâques, ils étaient réunis, sous les toits d'une maison. Tellement réunis que lorsque quelques femmes-disciples sont venues leur dire que Jésus était Vivant, ressuscité et que sa tombe était vide, les apôtres leur ont répondu : « c'est quoi ce délire » ? Il a fallu qu'ils aillent vérifier eux-mêmes...

A l'Ascension, ils étaient de nouveau réunis, cette fois autour des questions sur l'avenir : quand le Royaume de Dieu va t-il venir ? Faut-il retenir une date ? Laquelle ?

Après, les apôtres se sont encore réunis pour parler.... élections – car ils n'étaient plus que onze, et il fallait décider qui remplacerait Judas.

Enfin, le jour de Pentecôte, ils sont de nouveau... en réunion ! Entre eux. Entre quatre murs. Seulement, après les réunions, les spéculations et les élections, il ne reste plus beaucoup d'énergie pour l'essentiel. Mais qu'est-ce que l'essentiel : Travailler ? s'occuper de la vie quotidienne ? Faire des projets ? Savoir ce qui nous fait vivre ?

Oui, qu'est-ce que l'essentiel ? Les apôtres le savent-ils encore ?

Depuis Pâques, autrement dit depuis 50 jours, ils sont quelque peu dépassés par la résurrection du Christ : certes, ils en sont les témoins, mais ils ne savent pas où cela va les conduire.

En même temps, à plusieurs reprises, dans les chapitres précédents, des paroles d'encouragement sont distillées à leur intention, ici et puis là. Signe d'un besoin d'être rassurés car sans doute ne se sentent-ils pas tellement ressuscités eux-mêmes...

Mais il faut lire entre les lignes :  il y a bel et bien une promesse. Il leur est dit :

« vous ne serez pas seuls », « vous serez témoins de tout ce qui s'est passé », « vous allez recevoir une force »...

Mais apparemment, ça ne suffit pas pour les faire sortir de leur chambre.

Ainsi, pendant que la foule en fête s'anime et traverse les rues de Jérusalem, les apôtres, eux, font bande à part. Il n'y a pas de communication avec l'extérieur.

Les apôtres n'ont-ils plus de batterie ? C'est en tous cas l'impression qu'ils donnent ...

Mais c'est très étonnant, car ces hommes sont tout de même les amis de Jésus, donc tout neufs dans leur foi chrétienne. On pourrait s'attendre à ce qu'ils aient acquis un peu de savoir-vivre, à ce qu'ils aillent en ville, là où il y a de l'animation...

Et bien non, ils sont réunis dans une maison, dans une mezzanine plus précisément, ils sont là assis, comme dans une salle d'attente, dans un cabinet de théologie. Bonjour l'ambiance....

Nous avons tous déjà tous assisté à ce genre de situation. Et on sait -par expérience - qu'en général, il faut une secousse, un élément extérieur quelque chose qui vienne de l'extérieur pour sortir tout le monde de la léthargie.

C'est peut-être pour cela que la suite de l'histoire est explosive : cette ambiance -là ne pouvait plus durer ! En effet, voici un énorme bruit qui vient « réveiller » les apôtres de leur torpeur, de leur immobilité, de leur attente passive et de leurs réunionites.

Ce bruit, nous dit le récit, ressemble à un « violent coup de vent » qui « remplit » la maison où les apôtres se trouvent. On imagine la maison qui commence à gonfler comme un ballon, à s'élargir ...Qu'est-ce que ça a dû souffler là-dedans !

Il faut croire qu'il y en avait bien besoin, comme d'un grand ménage de printemps....

Voici la chambre à prière des apôtres qui se transforme en chambre à air !

Dilatation : de l'espace et de la pensée...enfin, un peu d'air !

Après la chambre, ce sont les apôtres eux-mêmes qui sont remplis d' Esprit saint : vous savez, ce carburant gratuit (et sans plomb) qui ne pollue pas, et qui vous permet de rouler à l'espérance pendant des km...  Avec une différence (et elle est de taille) : vous ne pouvez pas vous servir vous mêmes : il faut le recevoir.

Etre rempli de l'Esprit saint  : mais encore ? La définition exacte, en français courant, c'est «être enthousiaste ». Oui oui, je vous assure, vous regarderez dans le dictionnaire.Et en général, l'enthousiasme ne cohabite pas aisément avec le silence. Il fait plutôt.... parler, en abondance, il rime avec générosité.

C'est ce qui se passe avec les apôtres, ils se mettent même à parler en « d'autres langues »,dit le récit. Des langues séparées, précise t-il, qui se posent sur chacun d'eux. Chacun d'eux se met donc à parler une langue différente.

Qu'est ce que cela veut dire ? Cela signifie qu'ils ne se comprendront plus s'ils continuent à rester entre eux. Les voilà donc obligés de quitter leur petit cercle. Obligés de sortir.

On comprend mieux pourquoi la foule cosmopolite de Jérusalem arrive à les entendre parler : les apôtres ne sont plus réunis au-dedans : ils ont été propulsés dehors.

EXIT la mezzanine ! Fini le « club » d'amis, l'Amicale de Jésus ! Fini le « chacun pour soi » !!

Courant d'air

Pentecôte c'est la fête qui indique la sortie, la sortie de nos salles d'attente. C'est dehors que ça se passe. La foule est là, dans sa diversité la plus grande : hommes, femmes et enfants, jeunes et vieux, « de toutes les nations qui vivent sous le ciel », dit joliment le récit biblique.

La Pentecôte n'est pas réservée à un petit groupe, c'est pour tout le monde !

Pentecôte c'est l'urgence d'un courant d'air .

En effet, il est urgent de ne plus rester « entre soi », entre moi et celui qui me ressemble, urgent de ne plus rester crispés sur nos certitudes, de ne plus se contenter seulement des mêmes prières, des mêmes formules et des mêmes chants..(slogans)

Le Souffle de Dieu vient contrarier l'instinct grégaire de ces premiers croyants que sont les apôtres.Il vient contrarier leur désir de RESTER ensemble, dans le même lieu, leur envie de se « terrer » justement, en les faisant sortir de leur terrier.

Nous retrouvons là une caractéristique de Dieu qui est de ne pas nous laisser tranquilles.

C'est le même effort que Dieu avait déployé lorsque des hommes avaient décidé de fabriquer cette grande tour qui fut ensuite appelée Babel : les hommes ne parlaient qu’une seule langue, tous rassemblés dans un lieu unique, et voulurent construire une tour pour se célébrer eux-mêmes.

Résultat : Dieu multiplia les langues et dispersa les hommes à la surface de la terre.

La même dynamique est à l’œuvre à Jérusalem : alors que les disciples sont rassemblés dans le même lieu, qu’ils sont bien entre eux, entre gens de bonne compagnie, le Seigneur intervient pour leur offrir des langues séparées. Oui : pas une seule langue offerte à l'ensemble des disciples, mais des langues séparées, qui se posent sur chacun.

Le récit de Pentecôte vient nous dire que Dieu s'adresse toujours à nous de manière personnelle -et non pas collective. Il nous parle de cœur à cœur. Il ne parle pas aux hommes « en général », mais aux personnes en particulier.

Avec Lui, nous n'avons pas besoin de nous cacher derrière le groupe. C'est à chacun de nous de nous prononcer, librement, devant Lui.

C'est ce qu'ont fait les catéchumènes tout à l'heure : leur prise de parole a été profonde, personnelle, unique. Et chacun d'eux a parlé avec la langue de son coeur, de sa foi. Avec ses mots à lui.

Née du souffle de Dieu

Alors, voyez-vous, cette diversité de langues, étrange en apparence, est en fait une image pour dire que les apôtres se sont mis à parler de façon si personnelle qu'ils ont touché tous les auditeurs droit au coeur.

Ils n'ont pas récité de formules toutes faites , ils n'ont pas parlé de « rémission des péchés » ni de « résurrection de la chair », ni de « jugement dernier » ..De quoi ont-ils donc parlé ?? Des merveilles de Dieu, nous dit le récit ! C'est-à-dire de ce que Dieu a fait dans leur vie et de la manière dont Il est présent.

Les jeunes ont fait comme eux...

Ainsi donc, à Pentecôte, Dieu vient souffler sur les disciples pour créer un courant d'air salutaire.Il entre par effraction dans leur maison et dans leur vie, pour leur donner une espérance à vivre et les remplir de son enthousiasme.

Voici le faire–part de naissance de l’Église que nous envoie le Souffle de Dieu à Pentecôte : une Église à ciel ouvert où tous les croyants sont dehors et qui rassemble ceux qui ne se ressemblent pas. Une Église où l'on ne choisit pas qui va en faire partie, à côté de qui on va s'asseoir, avec qui on va communier..

Car elle n'est pas un club ni une Amicale mais une famille : on choisit ses amis, on ne choisit pas ses frères et soeurs.

L'Église c'est ce lieu extraordinaire où l'on est appelé à vivre ensemble, même si on n'a pas d'affinités, de complicité...Dites-moi, vous en connaissez beaucoup, des lieux comme ça ?

Pentecôte : naissance de l'Église, née du souffle de Dieu ….

Plus que jamais, j'aime ce mot « SOUFFLE » pour parler de l'action de Dieu...Pourquoi ? Parce que le souffle évoque ce qui vient de l'intérieur de Dieu, Dieu qui est Vie et Amour, et qui nous donne ce qui est en Lui et que jamais nous ne posséderons par nous-mêmes. C'est le carburant gratuit dont je vous avais parlé au début, que l'on ne peut pas prendre mais seulement recevoir.

L'audace de parler

J'en ai bientôt fini, non de Pentecôte, mais de mes pensées vagabondes de ce matin ..

Il me semble que cette fête célèbre aussi l'audace de parler, de s'adresser aux autres, d'aller à leur rencontre. Les disciples ne se contentent pas de dire « Dieu, c'est trop bien... » mais ils témoigneront avec force et conviction de ce qu'ils croient et de ce qui les fait vivre.

Oui, le Souffle de Dieu nous rend capable de communiquer. C'est ce qui se passera pour l'apôtre Pierre, juste après, dans un long et vibrant message .. C'est ce qui s'est passé pour les 13 jeunes que nous avons entendu ce matin.

Chers catéchumènes, vous aussi vous avez reçu la force, l'audace de parler. Dieu a soufflé sur vous ce matin car il faut du courage pour prendre la parole en public, cela ne va pas de soi. Je cite l'une d'entre vous : « Parler de ma foi est quelque chose de difficile pour moi et de très personnel .. »

Pour reprendre l'image du souffle et du vent de notre histoire,  on peut dire qu'il faut être « gonflé » pour dire sa foi sur la place publique. Mais notre monde en a besoin. Besoin d'entendre des jeunes et moins jeunes qui se lèvent et qui disent : ce que je crois, je peux le dire, et ce que je dis, je peux le faire.

Seigneur notre Dieu : Que ton souffle de Pentecôte nous aide à ne pas nous essouffler en cours de route, Que nos poumons soient constamment remplis de l'oxygène de ton Amour, pour nous aider à avancer vers demain sans regarder en arrière ni mesurer l'effort. Que ton souffle nous fasse espérer à neuf comme si la vie commençait ce matin même, pour espérer contre vents et marées à cause de ta présence et de ta promesse. Enfin, que vienne le jour où tes langues de feu brûleront toutes nos langues de bois.

Amen

 Titia Es-Sbanti Pentecôte 2013